mercredi 30 juin 2010

Une interview de Pierre Rabhi


A l’occasion de la sortie de son nouveau livre,"Vers la sobriété heureuse", Pierre Rabhi a accepté de nous (magazine féminin bio) rencontrer pour nous parler de ce concept enthousiasmant, qu’il applique au quotidien depuis longtemps.

AG - Comment en êtes-vous venu à développer le concept de sobriété heureuse ?
C’est pour moi une conviction ancienne. Quand en 1961, j’ai choisi de partir vivre en Ardèche, c’était déjà une démarche de sobriété. Mais je ne m’en étais pas encore rendu compte. J’agissais naturellement, et la sobriété était en fait incluse dans ma démarche de retour à la terre. C’est pour moi une conviction extrêmement profonde que de vivre simplement pour jouir de la vie et de la nature. J’ai découvert ensuite la décroissance, et ça a été un déclic. La décroissance démontre que l’on court à notre perte puisque nous voulons l’illimité alors que nous vivons dans un système limité. La Terre n’est pas extensible. Il y a donc incompatibilité entre le système et les idées que l’on veut lui appliquer. Les gens ont mal compris la décroissance et pensaient qu’il s’agissait d’un retour en arrière. Pas du tout ! Mais pour présenter l’idée sous un angle plus optimiste, j’ai pensé à la notion de « sobriété heureuse ».

AG - En quoi consiste-t-elle ?
Regardez autour de vous : les gens ne sont pas heureux, car ils veulent avoir toujours plus. C’est le système actuel qui créé cet état permanent de manque. Je pars du principe qu’avec la surabondance, nous ne sommes pas heureux. Aujourd'hui, il y a une performance à réaliser : satisfaire à nos besoins par les moyens les plus simples et les plus sains.

AG - Comment est-ce possible dans une société où nous sommes assaillis par la publicité ?
Il faut être convaincu que dans la sobriété, on trouve la libération. La sobriété est une délivrance par rapport au toujours plus. Il faut que chacun comprenne par soi-même qu’on ne peut pas atteindre la satisfaction permanente puisqu’il est fait en sorte que l’on ne soit jamais satisfait. Aujourd'hui, le superflu est immense, et déséquilibre tout. La sobriété permet de le repérer et de s’en séparer. Je pense que la décroissance est en route, il faut l’accepter et la voir comme une chance.

AG - Quelle place consacrez-vous à la nature dans la quête du bonheur ?
La nature est fondamentale dans la quête du bonheur. Quand on parle de la nature, il faut toujours penser à soi, car l’homme est un mammifère et dépend de la nature. Donc, être attentif à soi, c’est déjà découvrir la nature.

AG - C’est donc par là qu’il faut commencer ?
Disons qu’il faut au moins prendre en compte le fait que l’on comprend la nature en comprenant son corps. Le corps humain est une merveille ! Pensez aux cinq sens, à tout ce qu’il est capable de faire sans que l’on ait besoin d’y penser ! Le corps est une intelligence et c’est déjà la nature. Je ne comprends pas que l’homme se soit développé en disant « d’un côté la nature, de l’autre, l’homme ». C’est une aberration, car tout est relié. Il y a un cycle de la vie. Cela se voit : si l’on pollue la terre, la pollution se retrouve aussi dans notre corps.

AG - Cette vision de la nature n’est pas très répandue…
On doit beaucoup aux écologistes, et j’estime leur travail. Mais je pense que l’écologie politique a trop matérialisé l’écologie, en ne prenant en compte que l’aspect pondérable. Il y a une dimension d’admiration qui a été oublié.

AG - Votre message rejoint celui des religions, non ?
Dans le sens où je pense que la création est merveilleuse, oui. Mais il y a une contradiction entre dire que la nature est une création divine et ne rien faire pour la protéger. Les religions devraient être les premiers écologistes, ce n’est pas du tout le cas. Le catéchisme devrait apprendre aux enfants à s’émerveiller de la nature et à respecter la vie, or on en a fait une chose totalement abstraite.

AG - Etes-vous croyant ?
J’ai été musulman et chrétien, mais aujourd'hui, je ne me sens pas relié à une religion particulière. La dimension spirituelle de ma réflexion s’est profondément élargie avec l’écologie car elle m’amène à admirer la nature et la vie, et donc, l’œuvre divine. Je me suis aperçu que la sobriété heureuse pour moi, relève résolument du domaine mystique et spirituel. Celui-ci par le dépouillement intérieur qu’il induit, devient un espace de liberté, affranchi des tourments dont nous accable la pesanteur de notre mode d’existence.

Retrouvez Vers la sobriété heureuse le livre de Pierre Rabhi et le mouvement Colibris co-producteur du film de Coline Serreau "Solutions Locales pour un désordre global".

mardi 29 juin 2010

La beauté avec William Turner et Christian Bobin


"J'ai grandi à l'intérieur d'une larme." écrit Christian Bobin. 
Et de nouveau, j'ai été ému par la beauté de la fenêtre qu'il m'ouvre... A écouter plusieurs fois ! : 

Voir tous les articles sur Christian Bobin

Naissances



lundi 28 juin 2010

Henri Le Saux (100 ans cette année) et les upanishad

Malgré la légère déformation de la vidéo, cela vaut la peine de la regarder. Je vous la présente comme un hommage à Henri Le Saux...
En contact avec l'homme divin ou "purusha"
Henri Le Saux (1910-1973) est un moine bénédictin français qui a passé les 24 dernières années de sa vie en Inde où il devint connu sous le nom de Swami Abhishiktananda.
Voir aussi l'article sur le blog "Eveil et philososphie"

dimanche 27 juin 2010

Le calendrier des arbres, un temps universel

Dans les mythologies grecque, romaine, celte, gauloise ou proche-orientale, les calendriers s'organisent autour d'arbres-totems. De nombreux bouleversements ont modifié l'ordre des arbres ou même leur choix, mais le principe d'un calendrier des arbres reste immuable. Chaque mois lunaire de vingt-huit jours exprimera aussi des syllabes, des lettres non écrites mais décrites par des mouvements des doigts, un peu comme dans une langue de sourds-muets. Chaque doigt de la main correspond à un arbre. L'olivier par exemple correspond au pouce, siège de la virilité, arbre dédié à Héraclès. Dans la Grèce archaïque, treize arbres correspondent au treize mois d'une année lunaire : le bouleau, le sorbier, le frêne, l'aulne, le saule, l'aubépine, le chêne, le houx, le noyer, la vigne, le lierre, le roseau et le sureau.
Extrait du livre "Pour mieux comprendre les religions" de Patrick Banon (chez Actes Sud Junior)

samedi 26 juin 2010

Matisse ou le geste de peindre

Voici un portrait filmé de Matisse ou de sa main qui s'aventure :

jeudi 24 juin 2010

Denise Desjardins et son maître, Swami Prajnanpad (2)

Denise Desjardins est l’une des premières occidentales à être partie, en Inde, dès 1959, à la rencontre de sages, qui pourraient lui donner des réponses aux questions existentielles qu’elle se posait. Avec son ex-époux, Arnaud Desjardins, ils ont ouvert la voie à tous les Européens en quête de vérité et de sens qui suivirent leurs traces par la suite. Aujourd’hui, nous découvrons avec elle, son maître, Swami Prajnanpad, un maître exceptionnel grâce à qui elle a pu aller à la découverte de sa nature fondamentale. 
Denise Desjardins répond aux questions de Catherine Barry
(20 min.)


« J’ai fais ce que j’avais à faire, j’ai donné ce que j’avais à donner, j’ai reçu ce que j’avais à recevoir »
Swamiji

mercredi 23 juin 2010

Aller vers la paix avec Denise Desjardins (1)

"Denise Desjardins est l’une des premières occidentales à être partie, en Inde et en Asie, dès 1959, à la recherche et à la rencontre de sages, de maîtres qui pourraient lui donner des réponses aux questions existentielles qu’elle se posait, cela à une époque où les voyages étaient encore une aventure en soi. Tous ceux qui suivent une quête intérieure lui doivent donc beaucoup !" 

Catherine Barry interviewe Denise Desjardins (mai 2010 ; 19 min.)

« Aimer c’est faire passer l’intérêt de l’autre avant le sien. »
Swami Prajnanpad

mardi 22 juin 2010

Etre calme...


Une vie pour se mettre au monde

Marie de Hennezel, Bertrand Vergely ont écrit ensemble un livre : Une vie pour se mettre au monde (Parution : jeudi 25 mars 2010)
Vivre c’est se mettre au monde plusieurs fois : la première naissance est évidente, physique ; les autres passent parfois inaperçues. Une vie, avec ce qu’elle nous donne et nous inflige, suppose de chercher profondément en soi les ressources pour s’adapter, faire naître en nous, à chaque étape, un être renouvelé, amélioré, plus mûr, plus dense. Une vie pour se mettre au monde c’est une vie pour apprendre à faire corps avec ce qui advient, les joies et les drames ; une vie pour faire de son existence un tout, décousu parfois mais unique ; une vie surtout pour apprendre à rester dans l’émerveillement...


Pour en savoir plus, ils ont présenté cet ouvrage à la librairie La Procure (juste une petite heure)

lundi 21 juin 2010

Apprendre des autres avec Christophe André

Christophe André est médecin psychiatre et psychothérapeute à l’Hôpital Ste Anne à Paris et, auteur de nombreux ouvrages.Il nous explique, en quoi, l’exemple de la vie des autres, peut nous aider, par moment, soit à aller mieux, soit à prendre des décisions qui pourront changer, fondamentalement, le cours de notre existence. Des rencontres qui l’ont marquée...


Christophe André est interviewé par Catherine Barry (décembre 2009 / 19 min.) :

samedi 19 juin 2010

Des légumes ordinaires avec Joshin Luce Bachoux

Je regarde avec consternation  la réserve de la cuisine : des légumes rabougris au fond d'un panier, quelques boîtes de conserve, restes des précautions prises contre les rigueurs de l'hiver... J'aurais dû... ah! «J'aurais dû» ! J'aurais dû aller faire des courses hier; j'aurais dû apporter la voiture chez le garagiste la semaine dernière, avec ce drôle de bruit à l'avant ; j'aurais dû me douter que ces personnes allaient venir, et qu'elles prendraient le dîner avec moi... Oublions les regrets tardifs: pas de courses, plus de voiture.
Regardons de plus près : il y a de quoi faire une soupe oui mais vraiment simple, rien a priori qui ravira mes invités.
Que faire, sinon rassembler un peu d'enthousiasme et me mettre au travail? Je regarde la cuisine vide et dans mon esprit chantonne une petite phrase, écrite tout exprès pour moi, il y a 800 ans, par un moine bouddhiste, maître Dogen : “Faire une soupe délicieuse avec des légumes ordinaires »...
Je m'attaque aux légumes, les rince, les découpe; je cherche dans les herbes toutes desséchées, et dans les flacons d'épices presque vides. Voyons... un petit peu de ceci, une pincée de cela et, innovons, quelques brins de ceci-cela... … Laissons mijoter, et espérons.

Je me mets à rêver à un vieux moine japonais pris comme moi au dépourvu par l'arrivée d'invités imprévus, et hochant mélancoli­quement la tête devant le coffre à riz presque vide... Toutefois, je connais les écrits de ce maître rusé, et je doute qu'il n'ait voulu parler que de recettes de cuisine. En fait, il dit dans ce texte : il est facile de fabriquer une soupe délicieuse en recherchant des ingrédients rares et précieux, mais ceci n'est pas la vérité de notre vie. Notre vie se compose de tous les moments de tous les jours, aussi ténus, banals, ou triviaux qu'ils puissent nous paraître, et pas seulement des jours de fête, ou des grandes vacances! Notre vie se fait avec chaque geste; elle se tisse avec chaque parole, qui résonne à l'infini autour de nous et des autres. Oui, se laver les dents, marcher jusqu'à sa voiture, boire un café ou faire le ménage: de ces instants quotidiens, de la façon dont nous les vivons, dans la présence ou dans l'absence, dans la joie ou dans l'impatience, dépend le goût même de notre vie.

Tout en rajoutant un peu de sel, je me dis qu'en effet il est facile de passer une journée agréable en faisant des choses agréables, mais que vais-je faire des journées ordinai­res ? Vais-je décider qu'aujourd'hui, journée banale et grise, ne m'inté­resse pas, et rester dans un demi- sommeil, indifférente, attendant le lendemain, dans l'espoir qu'il se révèle plus coloré, plus excitant? Ou vais-je essayer d'accompagner de tout mon être chaque journée, de la vivre en lui laissant son goût unique et irremplaçable?
Parfait, c'est presque cuit, lais­sons mijoter encore un peu. Et puis, tiens, moi aussi, ce soir, je me sens un légume bien ordinaire... Une carotte peut-être, quoique j'aime la lumière, alors petit pois, ou potiron! Et comment, moi, légume ordinaire, dans une vie ordinaire, puis-je faire de ma vie une soupe délicieuse qui réjouira les proches et les lointains comme l'affirme ce moine ? Est-ce que ce n'est pas à moi de décider, de choisir un peu de ceci, et un peu de cela, quelques efforts, une pincée d'entrain et beaucoup de cœur - rien d'extraordinaire, et pourtant tout ce qui compte...
Ah! mes invités arrivent... Bienvenue pour quelques heures simples et délicieuses à passer ensemble!
JOSHIN LUGE BACHOUX est une nonne bouddhiste. Elle anime la Demeure sans limites. (La Vie-6 mai 2OlO)

La pleine conscience... en conférence

jeudi 17 juin 2010

Le coeur en intimité avec Eric Baret


"Le mot Dieu, c'est un concept. Quand vous levez le concept «Dieu» il peut rester une intimité. Mais l'intimité n'est jamais formulable. Le Dieu dont parle Eckhart est écoute, mais il n'a pas de barbe blanche."

Il n'y a que le coeur par Eric Baret :

mercredi 16 juin 2010

La solitude et l'expérience de l'unique avec Annick Souzennelle


«Le corps est à la fois notre outil et notre système de référence pour atteindre à notre vraie stature qui est divine.»


Christian Bobin nous parlait récemment de la solitude. Annick de Souzenelle l'aborde dans cette interview :

mardi 15 juin 2010

La modernité avec Pierre Rabhi

"Le moment est venu par conséquent, au-delà de toutes les fragmentations issues d’une vision erronée, de contribuer à l’avènement d’une perception unitaire du réel et de la réalité pour inspirer le rapport à soi, à l’autre et à la nature. L’accélération des évènements et des signes qui envahissent l’histoire immédiate mettent en évidence que nous n’avons pas d’autre choix."

Pierre Rabhi est interviewé par Marc de Smedt :


Voir un poème de Pierre rabhi

lundi 14 juin 2010

Expérience ou Croyance avec Arnaud Desjardins

Swâmi Prajnânpad m'a souvent rappelé au fil des années : «The way is not in the general, Arnaud, the way is in the particular», «la voie n'est pas dans les idées générales mais dans les situations particulières». Je vous invite donc à me poser et à poser à Véronique des questions qui vous mettent en cause personnellement. Mais n'oublions pas que ces questions prennent leur place dans une démarche d'ensemble qui peut vous conduire, selon un passage d'une Upanishad célèbre et souvent cité, «de l'irréel au réel, des ténèbres à la lumière et du mortel à l'immortel». Je voudrais donc commencer nos rencontres par un rappel de quelques idées, quelques vérités, qui inspirent notre yoga particulier, l'adhyatmayoga selon Swâmiji. En Occident, la religion est avant tout affaire de croyance. Croyons-nous que Dieu existe ? Croyons-nous les paroles du Christ ou du Bouddha ? En matière de spiritualité, nous pouvons avoir beaucoup d'opinions, des idées chrétiennes ou bouddhistes qui nous sont chères mais qui ne sont pas pour nous des vérités indiscutables dont nous avons l'expérience concrète. Personne ne discute le fait que l'Inde se trouve en Asie, la France en Europe et le Mexique en Amérique, mais tout le monde peut se permettre de porter aux nues ou de remettre en cause le christianisme, l'islam ou le bouddhisme. Le mental adhère facilement à des idéologies. Cela lui évite de faire un travail personnel pour voir et comprendre. Nous pouvons opter pour une idéologie fasciste, socialiste, libérale, mais il est possible aussi d'adhérer à une idéologie bouddhiste, chrétienne ou védantique. Je ne mets pas en cause la vérité du christianisme, j'essaie de comprendre pourquoi, au nom d'un Jésus qui a tant insisté sur l'amour entre ses disciples - «Qu'ils soient Un comme le Père et moi sommes Un», «À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres.» - les hommes se sont-ils tant haïs et entretués. Dès les débuts du christianisme, les divisions ont fait rage. Il faut avoir le courage de voir cela en face, non pas en tant qu'historiens des religions mais en tant qu'hommes et femmes responsables. Avons-nous envie de nous forger une certitude personnelle, basée sur une expérience concrète, qui nous amènera à une réelle transformation ? Ou préférons-nous croire et nous sentir agressés par les croyances des autres ? Cela fait une immense différence.

"La traversée vers l'autre rive" de Arnaud Desjardins

dimanche 13 juin 2010

Eau douce...


Heureux les doux de Alexandre Jollien

À l'heure des textos, des e-mails, des licenciements économiques, dans une société oppressante, je souhaite faire l'éloge de la vertu de douceur. Quand la concurrence sévit, lorsqu'un cli­mat de compétition règne, comment ne pas sombrer dans la brutalité, l'agressivité ou l'indifférence ? Et très concrètement, comment ne pas surréagir à ce courrier un peu froid? Comment rester libre devant l'autre sans pour autant se réfugier à l'abri de soi, bien au chaud? Loin de la niaiserie, la douceur constitue à mes yeux la véritable force de l'homme. Ce qui fait dire à Spinoza que le sage agit avec humanité et douceur. Être doux avec soi, oser une bienveillance, exi­ger le meilleur avec tendresse relève d'une ascèse et cela me plaît.
Les coups de la vie et les déceptions me poussent souvent, à rêver d'une insensibilité et, risquons le mot, d'une froideur qui en imposeraient et me protégeraient durablement des blessures qui naissent inévita­blement d'une rencontre authenti­que. Il y a peu, je m'entretenais avec un chirurgien. Il affirmait que, sans distance, sans barrière, le quotidien serait insupportable. Je suis de plus en plus convaincu du contraire. Cependant, tenir une attitude aussi éloignée de la crispation sécuritaire que d'une sensiblerie pathologique est délicat. La douceur permet cette justesse. Contrairement à ce que l'on peut croire, elle ne tolère pas tout. Rien ne la contrarie davantage que la candeur qui accepte l'intolérable et ne réagit à rien. La douceur n'est pas une passivité mais un élan vital.
Concilier douceur et détermination est sans doute l'une des choses les plus difficiles au monde, je l'avoue. De là à se priver d'un si fécond mariage, il y a un pas que je me refuse de franchir. Je me couperais de l'essentiel. Oser la douceur, c'est quitter résolument la brutalité, la violence, la distance pour accueillir autrui, le réel et soi sans aucune rudesse, c'est devenir profon­dément actif et résister joyeusement à toutes les passions tristes qui peu­vent s'élever. Sur ce difficile chemin, je trouve des guides : le Bouddha, le Christ avant tout, Spinoza, Etty Hifie­sum et tant d'autres. Je m'émerveille que ces doux soient des hommes et des femmes d'une force extraordinaire, presque surhumaine. On est loin du fadasse, du sirupeux et de l'inertie. Dans la lettre aux Galates, saint Paul considère au contraire cette vertu comme un fruit de l'Esprit, au même titre que l'amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la confiance dans les autres, la douceur et la maîtrise de soi.
Pourquoi tant d'esprits chagrins dévalorisent la douceur ? Pour ma part, je désire faire de chaque ren­contre, de chaque être humain croisé dans la rue, de chaque proche, un maî­tre en douceur. Trouver en chaque personne une occasion d'abandonner peu à peu les réflexes, les instincts qui me portent à la colère, à l'agres­sivité, qui m'incitent à m'affirmer et à m'imposer. Je souhaite plutôt accueillir le monde le plus tendre­ment possible. Concrètement, tout peut devenir terrain d'exercices un e-mail indélicat, un passant trop pressé, un vendeur discourtois, voilà autant de maîtres qui m'exhortent à pratiquer la douceur quand tout me conduirait à la brutalité. La douceur ne vient pas de la répression, il ne s'agit pas de mettre une pierre sur nos rages, nos emportements mais, bien au contraire, de les recevoir avec tendresse et bienveillance. Car, souvent, la première victime de nos rudesses, c'est nous-même.

Alexandre Jollien est un philosophe et écrivain né en 1975 à Savièse, en Suisse. Il est l'auteur notamment, d'Éloge de la faiblesse et de la Construction de soi.
La Vie -29 avril 2010

Tous les articles d'Alexandre Jollien

samedi 12 juin 2010

vendredi 11 juin 2010

L’abîme lumineux de Philippe Mac Leod

Un magnifique texte de Philippe Mac Leod :


Au fond de chaque regard, der­rière chaque geste, il est un espace immense, une lumière humaine qui se mêle au bleu du monde, qui par­ticipe de son infinitude. Comme elle s'épanouit au-dehors, la vie s'ouvre en dedans. Elle suscite un univers qui parachève celui qui lui a donné nais­sance. Et c'est là ce que nous avons désormais de plus grand : la flamme fragile d'une conscience, l'intérieur même de la lumière, la face secrète d'une réalité qui nous déborde.
Le sentiment que tu as de toi-même n'éclaire pas seulement ton cœur, il t'enveloppe comme une sorte de halo qui t'accompagne. Il manifeste pour ainsi dire le filigrane inimitable de ta personne. Sans la conscience, l'exis­tence n'aurait aucune profondeur. Elle seule crée l'atmosphère spiri­tuelle dans laquelle tu baignes, la réso­nance possible de ton être. Sans cette expérience unique, je ne serais pas cet homme qui te parle aujourd'hui, et si nous nous comprenons si rapide­ment, à demi-mot, c'est bien par cette réalité intime qui nous fait un. 
Considère seulement le miracle d'un oeil qui s'ouvre au monde, tremblant à la lueur quasi divine qui le traverse. Le propre de l'homme, on n'y accorde pas assez d'importance, demeure cette faculté étrange en regard de la dispersion et de la profusion des perceptions, cette faculté unique de concentration, de recueillement. La vie dans son intensité tient à la puissance de notre attention, à son pouvoir d'unification, à la luminosité de notre conscience, à l'effort régulièrement déployé pour amener à la surface les trésors qui dorment au plus profond de nous-mêmes.
C'est par cette intimité que tout prend véritablement corps et sens, corps et sens qui font la présence : un visible animé de l'invisible. L'éclat d'un visage, la douceur boulever­sante d'un sourire, le tremblement d'un souffle, d'une voix qui colore les airs, sa clarté, son étrangeté parmi l'opacité des choses, voilà le signe de l'homme : toute sa singularité tient dans la profondeur de ce mystère incommunicable, qui rejoint l'incon­naissable de Dieu.
Il faut aimer la vie, passionnément, éperdument ; croire en sa résonance divine dans le fond de notre âme ; plus loin, plus haut que les petites joies qu'on a l'habitude de lui soutirer, aimer la grandeur de son mystère, vaste comme un ciel étoilé, déchi­rant comme la mémoire des visages à jamais refermés sur leur secret.
Car c'est encore cela, le miracle étourdissant de la personne que nous sommes, comme si l'univers tenait à un fil, un mince rayon, infiniment ténu, l'absolu entrevu alors même que tout nous échappe. On se bles­serait à vouloir embrasser l'abîme tout entier, on ne peut y entrer que par sa dimension tragique, angois­sante souvent, pour en pénétrer les replis les plus cachés, apprivoiser le sentiment de son intime totalité et atteindre la lumière inimagi­nable qu'il recèle. Comme dans la Visitation, nous sommes porteurs d'autre chose que nous-mêmes, d'une présence intérieure qui nous devance, et passe des uns aux autres, à notre insu, sans bruit, sous le four­millement des mots, par-delà nos échanges parfois les plus anodins. La personne humaine n'advient que par ce qui la dilate, ce qui la transcende. Comme une brèche, une sorte d'issue inattendue, elle ne se révèle que par l'au-delà qu'elle sécrète. L'individu, lui, disparaît dans la multitude grouillante, il ne dépasse pas l'espèce. Ta personne est essentiellement béante. Unique parce qu'en son cœur elle est une. Source. Présence.


PHILIPPE MAC LEOD est écrivain, il a publié plusieurs recueils de poésie. Son dernier ouvrage, l'Infini en toute vie, est paru aux éditions Ad Solem.

jeudi 10 juin 2010

La maladie d'Alzheimer et la mort avec Marie de Hennezel (3)

"Alors que la mort est si proche, que la tristesse et la souffrance dominent, il peut encore y avoir de la vie, de la joie, des mouvements d'âme d'une profondeur et d'une intensité parfois encore jamais vécues."


Dernière partie de 8 minutes avec Marie de Hennezel

mercredi 9 juin 2010

La fin de vie avec Marie de Hennezel (2)

Marie de Hennezel est une psychologue et psychothérapeute française née à Lyon le 5 août 1946.
Elle est titulaire d'un DESS de Psychologie et d'un DEA de Psychanalyse. Elle a travaillé pendant dix ans dans la première unité de soins palliatifs de France, créée en 1987 à l'Hôpital international de la Cité universitaire de Paris. Elle anime des conférences et des séminaires de formation à l'accompagnement de la fin de vie en France et à l'étranger.


Deuxieme partie de l'interview de Marie de hennezel

mardi 8 juin 2010

Un brin de croissance

Chaque brin d'herbe possède son ange qui se penche et murmure " grandis, grandis " 
(Le Talmud)

Accompagner la vie avec Marie de Hennezel (1)


Marie de Hennezel
"J'ai accompagné, pendant de nombreuses années, des personnes en fin de vie et leurs familles. 
Cette expérience m'a convaincue de la valeur humaine des derniers instants de la vie. 
Les derniers mots, les derniers gestes, les derniers regards d'une personne, cela compte! 
Ne laissons pas mourir sans tendresse et sans cet ultime échange, ceux que nous soignons et que nous aimons!"

Interview de Marie de Hennezel sur une radio chrétienne (1) :

Extrait d'une conférence de Marie de Hennezel (octobre 2007)

Voir l'ensemble des articles sur marie de Hennezel

lundi 7 juin 2010

Le marketing olfactif

En ce début de semaine, respirons... mais pouvons-nous nous fier à notre nez ?:

dimanche 6 juin 2010

Deux petites histoires avec Christian Bobin



La maladie d'Alzheimer ou le miracle d'être en vie!
Moustache et Violettes

samedi 5 juin 2010

Ma solitude est plus une grâce qu’une malédiction par Christian Bobin

L’aptitude à être seul est-elle l’expression d’une inadaptation au monde ou d’une réalisation de soi ? Pour l’auteur du “Très-Bas”, la question ne se pose pas : Il est un solitaire heureux qui ignore l’ennui et connaît la plénitude.
Marie de Solemne :
De Christian Bobin, on sait surtout qu’il fuit les mondanités et préfère explorer le silence.
Il y consacre sa vie et son œuvre. Ses thèmes de prédilection : le vide, la nature, l’enfance, les « petites choses » comme il le dit lui-même. La solitude, il la connaît mieux que personne. Il la quête. Davantage encore depuis la perte brutale de son amie, en plein été 1995. Un deuil qu’il raconte dans “la Plus que vive” (1). Récemment interviewé par Marie de Solemne dans “la Grâce de la solitude” (2) , le poète s’interroge sur l’origine et les conséquences de ce sentiment qui, avec l’état amoureux, est sans doute le plus partagé au monde. Extraits.
1 - Gallimard, 1996.
2 - “La Grâce de la solitude”, dialogues entre Marie de Solemne et Christian Bobin, Jean-Michel Besnier, Jean-Yves Leloup, Théodore Monod (Dervy, coll. « A vive voix », 1998).

Marie de Solemne : "Parleriez-vous plus volontiers de la solitude comme d’une grâce, ou comme d’une malédiction ?"

Christian Bobin : D’abord, j’en parlerais plutôt dans sa matérialité. Avant même d’être un état mental ou affectif, la solitude est une matière. Par exemple, c’est exactement la matière que j’ai sous les yeux en ce moment. Il est 22 heures, c’est l’obscurité. Le ciel n’est pas encore tout à fait noir, il y a du silence – c’est très matériel aussi le silence –, un petit appartement dans lequel je vis depuis une quinzaine d’années, des cigarettes – que je ne peux pas m’empêcher de fumer –, des livres – que je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir. Au fond, de manière curieuse, c’est très vite peuplé la solitude. La solitude c’est d’abord ça : un état matériel. C’est que personne ne vienne. Que personne ne vienne là où vous êtes. Et peut-être même pas soi.
Mais pour répondre à votre question, la solitude est plus une grâce qu’une malédiction. Bien que beaucoup la vivent autrement. […] Il y a deux solitudes. […] Une mauvaise solitude. Une solitude noire, pesante. Une solitude d’abandon, où vous vous découvrez abandonné… peut-être depuis toujours. Cette solitude-là n’est pas celle dont je parle dans mes livres. Ce n’est pas celle que j’habite, et ce n’est pas dans celle-là que j’aime aller, même s’il m’est arrivé comme tout un chacun de la connaître. C’est l’autre solitude que j’aime. C’est l’autre solitude que je fréquente, et c’est de cette autre dont je parle presque en amoureux.

Source

vendredi 4 juin 2010

A réfléchir ou plutôt... à vivre

"La méditation, c'est passer de la fausse dualité à la véritable non-dualité par la vrai dualité."
Emmanuel Desjardins

Détente entre chats (avec Filou et Maïla)

Entrechats ou juste se détendre... quand cela est possible :

jeudi 3 juin 2010

La recherche intérieure avec Fabrice midal (3/3)


"L’instant pur est ce qui vient comme par effraction dans l’instant présent. Nous connaissons tous ce moment où nous avons soudain la sensation d’une harmonie entre le monde, notre esprit et notre cœur. Où nos a priori tombent, au bénéfice d’une simple constatation de ce qui est et de notre présence. Sauf que, comme ce moment est bref et rare, nous pensons qu’il est sans importance et nous l’écartons. Or, le Bouddha enseigne que tout au contraire, c’est cet instant qui est le vrai. "
Dernière partie 
(émission "Les racines du ciel" 2009) :


Fabrice Midal est docteur en Philosophie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sa thèse obtenue en 1999, porte sur le sens du sacré dans les œuvres d’art moderne.

mercredi 2 juin 2010

Le chemin intérieur par Fabrice Midal (2)

"C’est pourtant tout simple. Nous n’avons aucun effort à faire pour être nous-mêmes. Nous le sommes. Mais notre inquiétude et notre arrogance, notre manque de confiance et nos peurs, l’étouffent. En voulant s’affirmer, exister, être reconnu, on se défigure. Il suffit de se détendre, de devenir comme transparent pour que notre être se mette à chanter spontanément - où comme le dirait Rilke devienne “anonyme”."


Cette aventure intérieure est un chemin palpitant... Bonne écoute
(émission "Les racines du ciel" 2009) :


Partie 2

mardi 1 juin 2010

La quête intérieure avec Fabrice Midal (1)

"En s'appuyant sur la pensée de philosophes comme Nietzsche, en se mettant à l'écoute de grands poètes ou artistes comme Rilke, Cézanne ou Allen Ginsberg, Fabrice Midal montre comment le chemin à suivre ne consiste pas à rechercher des consolations, à s'enfermer dans l'égoïsme spirituel ou à se perdre dans le culte du bien-être : c'est une véritable aventure qui doit affronter la réalité. En restant enfermés dans une tour d'ivoire, à l'abri, croyons-nous, des souffrances et des déceptions, nous ne connaîtrons jamais la vraie joie."

Ce chemin est une aventure extraordinaire... Bonne écoute
(émission "Les racines du ciel" 2009) :


Partie 1