Le magazine « Nouvelles Clés » (n°57) l’a interviewé dans son ermitage des montagnes de Catalogne.
Nouvelles Clés : Et vous dites, dans vos derniers livres que notre civilisation est en train d'arriver face à un mur ou un ravin vertigineux qui, pour être invisible, n'en est pas moins réel. Comment ressentez-vous donc cette « fin d'un monde » qui est en train de se passer ?
Raimon Panikkar : Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une crise de plus. Nous sommes entrés dans LA crise. Tout nous y conduit : le pillage et la destruction de la planète, le double fait que l'espace vital a cessé d'être sacré et risque ainsi de n'être plus la demeure de l'homme, et que le psychisme de l'espèce humaine ne va bientôt plus supporter le rythme effréné de notre train de vie. Quelque part nous pressentons que notre civilisation risque d'être sans avenir. Certains impatients voudraient lancer des révolutions pour créer un monde nouveau. Cela ne ferait qu'ajouter de la destruction à celle qui est déjà en cours. Ce qu'il faut, c'est une transformation. Et la transformation est surtout une affaire spirituelle.
Pourquoi tellement de gens ne croient-ils pas au concept d'un monde intérieur spirituel ? Car ils ne croient pas en eux-mêmes. Je vais parler maintenant comme un Indien (rire) : si l'on découvre la divinité en soi-même, c'est-à-dire la dignité personnelle univoque, on découvre la transcendance qui nous habite et nous dépasse. Mais si je ne crois pas en moi-même, je ne peux comprendre cela. Il nous faut nous transformer nous-mêmes pour transformer le monde. La transformation commence avec l'idée, déjà ancienne chez les Grecs et les hindous, que l'homme est un microcosme. Donc qu'en chacun de nous le destin de l'humanité se joue. Nous ne sommes pas seulement une monade plus ou moins séparée des autres. Tout est en relation avec tout : on ne peut pas isoler une chose du reste. Cela va évidemment à l'encontre de la science moderne qui veut toujours tout scinder et cataloguer : mais cet état d'esprit, en outrepassant son génie, nous a menés à la catastrophe. Il faut concevoir à présent une pensée holistique, qui relie tout à tout, chaque chose à chaque autre chose, car la réalité ne se laisse pas couper en morceaux. Mais pour avoir cette conception globale, il ne faut pas bêtement faire la somme de toutes les choses. Non, il faut créer une autre épistémologie, et pour réussir cela, on ne peut pas séparer la mystique de la raison….
Pourquoi tellement de gens ne croient-ils pas au concept d'un monde intérieur spirituel ? Car ils ne croient pas en eux-mêmes. Je vais parler maintenant comme un Indien (rire) : si l'on découvre la divinité en soi-même, c'est-à-dire la dignité personnelle univoque, on découvre la transcendance qui nous habite et nous dépasse. Mais si je ne crois pas en moi-même, je ne peux comprendre cela. Il nous faut nous transformer nous-mêmes pour transformer le monde. La transformation commence avec l'idée, déjà ancienne chez les Grecs et les hindous, que l'homme est un microcosme. Donc qu'en chacun de nous le destin de l'humanité se joue. Nous ne sommes pas seulement une monade plus ou moins séparée des autres. Tout est en relation avec tout : on ne peut pas isoler une chose du reste. Cela va évidemment à l'encontre de la science moderne qui veut toujours tout scinder et cataloguer : mais cet état d'esprit, en outrepassant son génie, nous a menés à la catastrophe. Il faut concevoir à présent une pensée holistique, qui relie tout à tout, chaque chose à chaque autre chose, car la réalité ne se laisse pas couper en morceaux. Mais pour avoir cette conception globale, il ne faut pas bêtement faire la somme de toutes les choses. Non, il faut créer une autre épistémologie, et pour réussir cela, on ne peut pas séparer la mystique de la raison….