« Chez les bouddhistes, l’humour est une forme de lâcher-prise »
Fabrice Midal, philosophe, fondateur de l’École occidentale de méditation.
« Dans le bouddhisme, le sens de l’humour est une forme de résistance à l’institutionnalisation de la religion. Drugpa Kunley, l’une des figures les plus connues du monde tibétain, était un provocateur constant : il ne cessait de se moquer de l’institution. Un jour, il va dans un monastère où des moines confessent les attitudes qui ne sont pas dans la perspective de la voie. Un moment après, dans la cour, il saute sur des petits cailloux, par-dessus les grosses pierres. Quelqu’un lui demande : “Que faites-vous ?” Il répond : “Je fais comme vous, une grande histoire des petites fautes que j’ai faites et je fais semblant de ne pas regarder les grandes.”
Par l’humour, il dénonce l’hypocrisie de la situation et permet de prendre de la hauteur. L’humour est très lié à la notion de vacuité. Ainsi, les bouddhistes n’adorent pas le Bouddha. Dans l’un des grands courants bouddhistes, on répète tous les matins “Il n’y a pas de Bouddha”, et puisque le Bouddha n’est pas, il peut y avoir le Bouddha...
Ils ne veulent pas rigidifier leur pensée et perdre la possibilité de voir les deux points de vue ensemble : c’est ça l’humour bouddhique de fond, ne pas croire en la dualité : d’un côté, le bien et, de l’autre, le mal. Cette pensée est déjà en rapport avec un certain sens de l’humour, elle est liée au fait que vous reconnaissez que la vérité vous échappe. Le sens de l’humour a beaucoup à voir avec le fait que vous n’ayez pas le dernier mot, que vous ne décidiez pas de la réalité.
Ce lâcher-prise est au cœur de la méditation telle qu’elle se pratique dans le bouddhisme et qui vise non pas à se détendre ou à devenir plus cool, comme on le croit souvent dans le monde occidental, mais à prendre conscience du fait qu’on ne peut pas tout dominer, tout maîtriser.
La pratique de la méditation a beaucoup favorisé un sens de l’humour, et ce sont les courants bouddhistes qui l’ont déployée, comme le tibétain et le zen, qui ont le plus développé le sens de l’humour. »
Par l’humour, il dénonce l’hypocrisie de la situation et permet de prendre de la hauteur. L’humour est très lié à la notion de vacuité. Ainsi, les bouddhistes n’adorent pas le Bouddha. Dans l’un des grands courants bouddhistes, on répète tous les matins “Il n’y a pas de Bouddha”, et puisque le Bouddha n’est pas, il peut y avoir le Bouddha...
Ils ne veulent pas rigidifier leur pensée et perdre la possibilité de voir les deux points de vue ensemble : c’est ça l’humour bouddhique de fond, ne pas croire en la dualité : d’un côté, le bien et, de l’autre, le mal. Cette pensée est déjà en rapport avec un certain sens de l’humour, elle est liée au fait que vous reconnaissez que la vérité vous échappe. Le sens de l’humour a beaucoup à voir avec le fait que vous n’ayez pas le dernier mot, que vous ne décidiez pas de la réalité.
Ce lâcher-prise est au cœur de la méditation telle qu’elle se pratique dans le bouddhisme et qui vise non pas à se détendre ou à devenir plus cool, comme on le croit souvent dans le monde occidental, mais à prendre conscience du fait qu’on ne peut pas tout dominer, tout maîtriser.
La pratique de la méditation a beaucoup favorisé un sens de l’humour, et ce sont les courants bouddhistes qui l’ont déployée, comme le tibétain et le zen, qui ont le plus développé le sens de l’humour. »
Deux moines zen s’apprêtent à traverser une rivière quand une jeune femme leur demande de l’aide, effrayée par le courant.
L’un des deux la prend sur ses épaules et la porte de l’autre côté.
Une heure plus tard, l’autre moine, qui n’a pas dit un mot, se met en colère : « Notre règle interdit de toucher une femme ! – Ah oui, se souvient le premier, en riant. Tu as raison. Mais, moi, je l’ai portée cinq minutes, tandis que, toi, tu la portes depuis une heure. »
L’un des deux la prend sur ses épaules et la porte de l’autre côté.
Une heure plus tard, l’autre moine, qui n’a pas dit un mot, se met en colère : « Notre règle interdit de toucher une femme ! – Ah oui, se souvient le premier, en riant. Tu as raison. Mais, moi, je l’ai portée cinq minutes, tandis que, toi, tu la portes depuis une heure. »