L’attraction phénoménale pour le mot méditation est certainement un événement positif. A la fin du siècle dernier la personne qui disait pratiquer la méditation était aussitôt suspectée d’être membre d’une secte.
Aujourd’hui le mot méditation, loin d’être tabou, est en première de couverture des magazines, il fait le titre du J.T. de vingt heures, les radios lui consacrent de nombreuses émissions ; quand aux maisons d’éditions elles ne peuvent que se féliciter d’un tel engouement. Mais un tel emballement pour la méditation oblige à se poser trois questions : ce qui est pratiqué, dans quel but, et par qui est enseigné cet exercice.
Méditer ! Concrètement, cela consiste en quoi ?
A cette question, André Comte-Sponville répond : « C’est un exercice indissociablement corporel et spirituel. » (1) Voilà dit ce qui ne l’est que rarement.
Spirituel ? Un mot qui désigne l’universel devenir qui nous porte et nous emporte : être !
Le corps ? Non pas le corps disséqué, fragmenté, analysé dans les laboratoires (le corps objet) mais le corps vivant (Leib) qui respire et qui, à travers notre attitude, nos gestes, exprime dans quelle mesure notre vie intérieure est épanouie, ample, joyeuse, calme ou agitée, amère, morose, déprimée.
En 1947, à son retour du Japon, K.G.Dürckheim (docteur en philosophie) propose à l’homme occidental la méditation de pleine attention (Achtzamkeit Meditation).
« Lorsque j’étais au Japon j’ai rapidement perçu que la méditation est l’art de cultiver la plénitude intérieure, le silence intérieur, le calme intérieur. Au cours de cette méditation sans objet, l’attention est portée à la couche la plus profonde de l’être ; là ou la véritable nature d’un être s’accomplit. Et cet accomplissement se manifeste alors directement sur le plan humain dans une autre manière d’être au monde. »
Depuis plus de vingt-cinq siècles, la méditation de pleine attention, a sillonné les terres de l’Orient et l’Extrême-Orient, dans un but : « l’épanouissement de l’être humain » qui a sa source dans l’expérience de cette part de lui-même encore trop souvent ignorée, —sa propre essence—, son —être essentiel—. Mais aujourd’hui, sous prétexte d’occidentalisation, de scientifisation, de laïcisation, est proposée une méthode pour laquelle le mot méditation ne me semble ni justifié ni légitime.
Ainsi, lorsque je lis les promesses faites par les promoteurs de « l’étatsunisation de la méditation » je suis inquiet : « La pratique de la méditation garanti un gain d’efficacité et un surcroît de performance … la méditation vous permet de faire face aux exigences imposées dans le milieu du travail, de supporter le stress sans tomber malade … la méditation vous permet de retrouver le sommeil lorsque vous êtes surmené ».
Réduire la « méditation » — exercice fondamental dans la plupart des écoles de sagesse —, à de telles visées pragmatiques est un non-sens ! Vue sous cet angle la « méditation » aurait donc pour but de continuer à vivre d’une manière inepte, sans plus souffrir des symptômes qui révèlent cette manière absurde de vivre ! Attitude inintelligente qui ne sera pas sans dommage pour la santé.
Alors, quelle forme de méditation choisir ? A chacun de décider après s’être posé ces trois questions : ce qui est pratiqué, dans quel but et par qui ?
(1) André Comte-Sponville – « C’est chose tendre que la vie » Albin Michel -2015- ; pages 229 et suivantes