Arnaud Desjardins : La racine de tous nos maux vient de l’étouffement de l’être par l’avoir. La masse des Occidentaux est aujourd’hui plongée dans la servitude de l’avoir ; chacun agit pour avoir toujours plus de savoir, plus d’argent, et même plus de connaissances ésotériques : autant de compensations à nos manques inconscients. Pour l’Occident moderne, il n’est de réalité que dans l’avoir, alors que, pour l’Orient traditionnel, l’existence véritable se situe au-delà du plan sensible et coïncide avec la « Réalité suprême ». La voie de la Connaissance est une voie de l’être ; et l’on est ce que l’on connaît.
J.B. : Mais qu’est-ce qu’être ?
A.D. : C’est être libre de l’avoir sous toutes ses formes, se suffire à soi-même, se montrer détaché, disponible, exempt de peurs et de désirs, sans ego. Toute vie d’être est en cours de chemin une vie de relation avec les autres et l’univers : mais on peut dire qu’aujourd’hui il n’y a pas de « relation » parce qu’il n’y en a pas d’« autre ». Il y a tout au plus « identification », « absorption par l’objet » ; cependant qu’au bout du chemin, dans la non-dualité, il n’y a plus relation mais unité. Une vie d’où se trouvent exclues toutes les possessions matérielles ou intellectuelles inutiles, toutes les émotions, pensées ou sensations qui renforcent le moi. Un ordre juste repose sur la satisfaction consciente des besoins réels, c’est-à-dire sur leur diminution ; une société fausse est fondée sur l’accroissement inconsidéré des besoins suscités grâce à d’incessantes suggestions. Il peut être bon de rappeler que, dans une société traditionnelle, l’homme le plus haut placé n’est pas le riche ou le puissant, mais le sannyâsin, celui qui est le plus.
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