Voici un livre particulièrement digne d’intérêt, érudit
et vaste dans son approche. En effet, l’auteur traite du sujet de la
déesse-mère dans toutes les grandes périodes de la Préhistoire et de
l’Histoire, puis aborde le thème sous l’angle des penseurs, de l’Antiquité à la
modernité. L’auteur de la préface, Michel Hulin, philosophe et spécialiste de
la philosophie indienne, loue à la fois l’immense culture d’Alain Delaye et son
sens de la synthèse : être capable de dresser un panorama aussi large en
150 pages relève de la performance.
Le livre ordonne les différentes conceptions de
la déesse-mère en traitant d’abord de celles qui relèvent d’une mythologie païenne,
durant la Préhistoire (à l’époque du néolithique et des peuples premiers) et
l’Antiquité (de l’Egypte, de Mésopotamie, de la Grèce et de la Rome
antiques). Puis, il s’attache à présenter les différentes figures de la
déesse-mère dans les religions et philosophie orientale (dans
l’hindouisme, le bouddhisme et le taoïsme). Ensuite, et de manière plus
inattendue, il aborde le sujet dans les traditions religieuses
occidentales : le judaïsme, la kabbale, le christianisme et le soufisme de
l’Islam. Le chapitre suivant regroupe les déesses présentes dans les grands textes
philosophiques, plus allégoriques que les précédentes, sous le titre :
« Les déesses éducatrices » : il peut s’agir de la Vérité, de la
Sagesse, de l’Unité, de la Conscience, de la Vie elle-même, etc. Les auteurs
invoqués s’appellent Parménide, Plotin, Boèce, Jean de la Croix ou encore
Spinoza… La dernière section du livre n’oublie pas les déesses chères à nos
philosophes modernes, de Freud à Julia Kristeva.
On le voit, ce panorama doué de profondeur surprend
par son originalité. Les religions dites patriarcales sont abordées sous un
angle tel que le féminin y retrouve une place que l’on croyait inexistante. On
sait que les mystiques chrétiennes furent d’abord des femmes. Voici une preuve
supplémentaire que la mystique et le féminin (au sens oriental du terme) ont
partie liée. En dépit de l’érudition, le langage est accessible et de larges
extraits de textes, philosophiques, mystiques et poétiques, nous sont offerts.
Sabine Dewulf