Voici un exemple très inspirant de la façon dont nous pouvons surmonter les tragédies de l'existence en prenant soin des autres et de notre société.
Latifa Ibn Ziaten est la maman d’Imad Ibn Ziaten, soldat assassiné par Mohamed Merah le 11 mars 2012. Elle a créé l'association IMAD pour la jeunesse et la paix en avril 2012. Son but est de venir en aide aux jeunes des quartiers défavorisés, de promouvoir la laïcité et le dialogue interreligieux. Latifa a gagné de très nombreux prix dont le prix de la tolérance en 2016 et elle a été nommée pour le prix Nobel de la paix en 2018. Voici ce qu'elle nous dit :
« Quarante jours après le décès de mon fils, je suis retournée chez moi et j’ai commencé à sombrer dans la souffrance. Imad était plus qu’un fils pour moi : c’était un confident, un ami. Durant cette période, j’ai rêvé de lui à trois reprises. Dans le premier rêve, il m’a dit: “Maman, lève-toi.” J’en ai parlé à ma famille, qui a attribué cela à un effet des médicaments. Mais j’ai refait le même rêve. Puis, la troisième fois, j’ai senti une présence. Mon fils était assis sur le lit, il me tenait la main et répétait: “Maman, lève-toi. S’il te plaît, maman, lève-toi. Je ne veux pas te voir comme ça. Maman, j’ai besoin de toi.” Là, je me suis dit : “Il faut que je me lève”, et j’ai annoncé à ma famille : “Je vais sortir; je ne veux pas sombrer comme ça. Je vais prendre soin de vous, de moi, de la mémoire de mon fils, et tendre la main aux autres.” Et c’est ainsi que je suis sortie de chez moi. Aujourd’hui, une partie de moi est partie avec lui. Et ce vide que j’ai à l’intérieur de moi, j’essaie de le remplir en tendant la main aux autres: je me rends dans des établissements scolaires, auprès de jeunes qui ont besoin d’aide, de conseils, d’amour, de confiance et d’espoir. Je fais de même auprès de prisonniers dans des maisons d’arrêt. Je mène plusieurs projets pour aider ces jeunes à échapper à leur quotidien, leurs souffrances, leur malchance de ne pas réussir. Et j’accompagne des familles, parce que l’éducation, la présence des parents et leur amour sont à la base de tout.
Je ne souhaite à personne de perdre un fils de 30 ans, un fils merveilleux qui était lui-même empli d’espoir et d'amour...Il me manque énormément, mais à travers cette association, à chaque vie que je contribue à sauver, je vois Imad grandir encore un peu : lorsqu’un jeune ne part finalement pas en Syrie, ou décide d’en revenir ou lorsque je convaincs un jeune en maison d’arrêt de prendre soin de lui et de démarrer le moteur de sa vie pour avancer, ce qu’il est le seul à pouvoir décider au final.
Notre société a mis l’humain de côté alors que l’humain a besoin d’aide. Dès lors, pour mieux prendre soin de notre humanité commune, malgré la souffrance et le deuil, il faut garder à l’esprit que ce n’est pas la peur qui nous fait avancer, mais une meilleure compréhension de l’autre et un vrai dialogue avec celui-ci.»