lundi 31 juillet 2023

Cette vie... et au-delà (7)

 L’union de la connaissance-sagesse et de l’amour-compassion


Une vie marquée par la recherche de la connaissance-sagesse et l’exercice sans cesse renouvelé de l’amour-compassion ; l’union de deux mouvements intérieurs afin de nous mettre en intime connexion avec l’essence même de notre conscience, l’essence même de notre être : il y a là la promesse de trouver enfin cette paix à laquelle nous aspirons depuis toujours, sans même nous rendre compte qu’à travers tout ce que nous accomplissons dans notre vie nous sommes, en vérité, sans cesse à sa recherche. Cette paix fondamentale dont nous avons tous l’intuition, nous la connaissons déjà. Certes, elle nous semble masquée par les nuages de nos pensées, de nos émotions, de nos tourments, mais comme la glorieuse brillance du soleil n’est jamais affectée par les nuages qui parfois l’obstruent, elle est toujours présente, accessible, immuable, calme, éternelle, inaltérable. Nous sommes déjà, intrinsèquement, cette paix, cette conscience. Elle est notre nature, le point de départ de toute vie et sa destination ultime. Et, de façon peut-être un peu difficile à comprendre, cette paix est, par elle-même, le chemin que nous devons emprunter pour qu’il nous mène à elle. Elle est ainsi le point de départ, le point d’arrivée et le chemin lui-même...

Dé-couvrir notre paix fondamentale, retirer ce qui couvre cette paix naturelle, comme se dissipent les nuages pour révéler l’immensité du ciel et la clarté du soleil : n’est-ce pas un magnifique projet de vie, en dépit de toutes les épreuves et difficultés passées, présentes et à venir au cours de notre existence ? Ne pourrions-nous pas nous donner la chance d’expérimenter concrètement, par nous-mêmes, cette voie afin de vérifier si elle est bonne pour nous, si c’est un chemin qui nous donne ce sentiment profond de sens et d’accomplissement dont nous avons tant besoin ? Nous seuls pouvons le décider, en connaissance de cause.


Alors quelles décisions prendre ? Allons-nous saisir la perche qui nous est tendue à travers les récits extraordinaires que nous avons abordés dans ce livre ou allons-nous nous contenter d’être fascinés par eux, sans chercher à en comprendre et à en faire quoi que ce soit ? Ne serait-ce pas là la raison fondamentale de l'oubli de ce que nous sommes vraiment — l’oubli de l’inconcevable grandeur de notre être, l’oubli de ce qui a été vécu « avant », l’oubli de ce que nous avons « décidé » de vivre sur cette terre ? Prendre la décision, en tant qu'hommes ou femmes fondamentalement libres, de choisir ou non l’amour, en étant totalement responsables de ce que nous sommes, assumant tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons. Peu importe si, en retour, les autres n’assument pas la responsabilité des actes qu’ils posent. Oui : choisir l’amour, le laisser rayonner en nous et autour de nous, quels que soient les obstacles, quelles que soient les difficultés, profondément ancrés dans la certitude que c’est cela qu’il nous est demandé d’apprendre dans cette existence, afin de pouvoir vivre, puis de mourir en paix. Et continuer encore et encore, après cette existence, à explorer les insondables dimensions de la conscience...

Telle serait l’essence de notre mission de vie : la sagesse et l’amour, en totale harmonie avec les enseignements de ces incroyables expériences humaines qui, sans l’ombre d’un doute, nous montrent cette voie sacrée à laquelle tout en nous aspire. Une voie de joie, de courage, de dignité, d’amour et de sagesse pour apprendre à vivre pleinement cette vie.

Cette vie... et au-delà !

livre de Christophe Fauré - Cette vie et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort.

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dimanche 30 juillet 2023

Cette vie... et au-delà (6)

 

S’aimer soi-même


Oui... car il ne peut y avoir authentiquement amour de l’autre sans qu’il y ait amour de soi. Pourtant, parvenir à s’aimer soi-même est une des choses les plus difficiles.

Rappelons-nous : en présence de l’être de lumière, les personnes ayant fait une EMI se sont senties aimées de façon inconditionnelle. Cette expérience d’amour a été si puissante, si inspirante que beaucoup d’entre elles en sont revenues avec une forte aspiration à être capables non seulement de manifester à leur tour autant d’amour, mais de s’ouvrir au respect de soi, à l’amour de soi, à l’autocompassion :

« Si l’être de lumière a pu m’accepter telle que je suis, avec tous mes défauts, imperfections et faiblesses, je peux moi aussi m’accepter telle que je suis. »

En cela, les EMI sont ressenties comme un véritable soin, une authentique réparation des blessures passées. C’est l’opportunité de mettre un point d’arrêt aux comportements d’autodestruction ou d’autosabotage et d’aller vers l’acceptation, le pardon de soi, l’accueil de tout ce que l’on est.

«Je me suis sentie aimée par cet être d’une manière qui dépassait tout ce que j’avais pu connaître. Si j’avais su combien je pouvais être aimée, peut-être n’aurais-je pas tant perdu de temps à me détester moi-même... J’ai compris que j’étais digne en tant que personne et que ça ne servait à rien de vouloir me persuader du contraire. »

Pour quelqu’un qui souffre de manque d’estime de soi ou de dévalorisation, quelle délivrance de se percevoir fondamentalement digne d’amour, quelle que soit son histoire de vie, de se voir sans l’ombre d’un doute intrinsèquement lumineux, digne d’exister au monde, sans avoir besoin de se justifier ou de recevoir l’approbation d’autrui !

Ainsi, même si on n’en a pas vécu, les EMI poussent à revisiter cette terrible tendance à nous dénigrer nous-mêmes. Elles nous montrent comment nous percevoir tels que nous sommes véritablement : des êtres fondamentalement aimants et aimables - dignes d’être aimés —, au-delà de ce que nous croyons de nous. Et si une partie de notre mission de vie était aussi d’apprendre le respect de nous-mêmes, de nous révéler nous-mêmes à notre propre nature, dans sa dimension lumineuse d’amour et de sagesse ? Les personnes qui ont vécu une EMI n’ont strictement rien fait pour acquérir ce nouveau regard sur elles-mêmes, aucun travail, aucune psychothérapie : elles se sont simplement perçues telles qu’elles étaient vraiment. Pourquoi ne pas nous ouvrir, nous aussi, à ce que nous sommes déjà ?

«J’ai découvert qu’il y avait en moi une sécurité et une dignité fondamentale qui ne dépendent pas du regard d’autrui. Elles guident mes pas et je me suis affranchie de l’opinion des autres pour décider ce qui est bon pour moi. Je n’ai plus peur d’être rejetée si je ne vais pas dans leur sens. Je SUIS et cela ne dépend de personne. »

livre de Christophe Fauré - Cette vie et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort.

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samedi 29 juillet 2023

Cette vie... et au-delà (5)

 

L’amour-compassion


Pour que l’oiseau puisse s’envoler dans le ciel, il lui faut aussi l’aile de l’amour-compassion. S’il ne doit rester qu’un seul enseignement issu de tous ces phénomènes que nous avons abordés, c’est bien celui-là. Certes, affirmer que l’amour est l’axe essentiel de notre mission de vie peut prêter à sourire, sembler un peu grandiloquent. Et pourtant, relisez les témoignages de ces personnes qui ont frôlé la mort : n’est-ce pas l’amour qui leur est apparu comme la seule chose qui comptait vraiment dans leur existence ? Mais de quel amour s’agit-il ? En sanscrit, on découvre quatre magnifiques facettes de cette notion qui sont autant de voies d’inspirations à incarner dans notre vie :

— Maitri désigne la bienveillance ou l’amour bienveillant. Il réside dans le désir d’un parent d’aider son enfant afin qu’il gagne en confiance en lui, dans l’enthousiasme d’une enseignante qui souhaite éveiller ses élèves aux merveilles du monde, dans le souhait de construire une amitié dont on pressent la richesse. C’est un mouvement en avant du cœur qu’il est toujours possible de susciter en soi.

Karuna parle de compassion et d’ouverture quand on voit la peine ou la souffrance d’autrui. C’est le geste délicat d’une infirmière qui redresse avec douceur un malade dans son lit, c’est le désir de rejoindre une association qui apporte du réconfort à celles et ceux qui en ont besoin, c’est cet élan intérieur qui pousse à vouloir consoler une femme qui vient de perdre son compagnon.

Mudita est la joie altruiste, le partage sans calcul de tout ce que l’on est en tant que personne. C’est le don gratuit, joyeux de nos talents, de nos aptitudes, de notre intelligence, de notre sensibilité...

Upeksa est l’aspiration à la paix, à l’harmonie, à l’égalité dans le regard qu’on porte sur les autres, à l’équanimité dans l’amour ou l’attention donnée, à la non-discrimination. C’est aussi le souhait de libérer (les autres et soi-même) de tout ce qui empêche, de tout ce qui entrave...

Pas besoin de grandes missions humanitaires pour mettre tout cela en œuvre ! Pas besoin d’être un saint non plus ! Il suffit d’une simple décision, renouvelée chaque jour, chaque minute, chaque seconde, d’aligner sa vie sur une direction d’amour. C’est choisir d’offrir un sourire alors qu’on pourrait très bien s’en passer, ou de s’abstenir d’une parole blessante dont on savourerait pourtant l’impact. Ce sont des choix qui, là encore, sont entre nos mains à chaque instant. Une multitude de choix qui, isolément, semblent insignifiants mais qui, aux dires des personnes ayant fait une EMI, sont la marque première de ce qui définit une vie "réussie".

livre de Christophe Fauré - Cette vie et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort.

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vendredi 28 juillet 2023

Cette vie... et au-delà (4)

 La connaissance-sagesse


Nous pouvons ainsi grandir dans la connaissance de nous-mêmes tant psychologiquement que spirituellement. L’auto-introspection peut être un premier pas pour clarifier nos valeurs, nos objectifs de vie, en étant sans cesse vigilants pour nous assurer que nos actes, nos paroles sont toujours en phase avec nos priorités de vie. Nous pouvons nous inspirer de livres, de conférences, de podcasts, de vidéos désormais si facilement accessibles. La connaissance de soi amène de la clarté là où il y a de la confusion sur les véritables raisons qui dictent nos choix et nos décisions. Dans la revue de vie, les personnes ne soulignent-elles pas que ce sont les motivations profondes de nos actions qui comptent le plus ? C’est une invitation à être cohérents avec nous-mêmes et avec les autres. Une invitation à ne pas « être à l’ouest », alors que nous aspirons à garder le cap que notre nord nous propose.

La psychothérapie ou toute forme de recherche intérieure de ce type peut être un autre allié de choix dans cette connaissance de soi, en permettant d’identifier nos potentiels, nos richesses, nos talents cachés, mais également en levant en nous les obstacles psychiques qui font barrage à l’accomplissement de soi, en remettant en question les croyances et les schémas de pensée limitant qui inhibent l’expansion de notre être. De même, les récits d’EMI ne cessent d’insister sur l’importance de la qualité des relations qu’on entretient avec autrui. Cela invite à développer une intelligence émotionnelle à l’égard des autres, afin d’être plus conscients, plus attentifs aux enjeux relationnels auxquels nous sommes confrontés : quelles relations nous élèvent et nous font du bien ? Comment les cultiver? Quelles autres, au contraire, nous sont toxiques et nous tirent vers le bas ? Comment les identifier et les éliminer de notre quotidien ?

La connaissance de soi passe aussi par une quête spirituelle. La démarche psychologique n’est en rien antinomique avec une telle quête, les deux sont parfaitement complémentaires. Comme le disait le psychanalyste Carl G. Jung, «psychologie et spiritualité sont deux directions de notre psyché». La méditation trouve bien évidemment une place de choix dans cette quête intérieure. C’est, depuis des millénaires, le moyen privilégié d’exploration de la conscience. On peut par exemple commencer par la méditation de pleine conscience (qui ne sont que les premiers pas sur le chemin) pour tendre vers une méditation plus «authentique» où est restaurée la dimension spirituelle qui a été, à tort ou à raison, volontairement retirée de la méditation de pleine conscience. 
La « véritable » méditation, quand elle est nourrie d’enseignements spirituels qui en expliquent les fondements, ouvre pleinement à la dimension de sagesse.

L’expression artistique - écriture, dessin, peinture, chant, danse... -, quand elle ne se met pas uniquement au service de l’ego de l’artiste, peut également contribuer à la connaissance intérieure. On peut toucher au sublime en écoutant une symphonie, en créant ou en contemplant une œuvre d’art. En nous mettant en phase avec la subtile et méconnue beauté de notre être, la créativité, sous toutes ses formes, nous prend par la main pour nous mener à nous-mêmes et inspirer autrui.

La connaissance de soi passe aussi par une communication intime et sacrée avec la nature, avec le vivant. Cela fait jaillir en nous l'ardent désir de le protéger, de le préserver, d’en prendre soin, conscients que l’écologie extérieure est à l’image de l’écologie intérieure où on ne se laisse plus polluer par les négativités de l’existence.

En suivant ces voies de connaissance, il y a fort à parier que notre vie prendra un essor jusque-là méconnu, s’enrichira d’une manière que nous ne soupçonnons pas. Tout cela demande incontestablement des efforts. C’est sûrement plus facile de ne rien faire, de vivre sans se poser la moindre question, de ne se nourrir que de Netflix ou de chaînes d’info en continu. Mais je garde toujours en mémoire les paroles désolées de certaines personnes en fin de vie que j’ai accompagnées : «J’ai perdu mon temps dans tant de choses inutiles... J’ai gaspillé ma vie, je n’en ai rien fait... et maintenant, je meurs... » Avez-vous envie d’avoir de tels regrets au seuil de votre mort ? Si le jugement que nous porterons sur notre vie au moment de la quitter repose en partie sur ce que nous avons acquis en termes de connaissance de soi, des autres, du monde, ne serait-il pas important d’y consacrer dès maintenant un peu de notre temps, d’y investir un peu de notre énergie ? Pourquoi alors ne pas chercher à vivre le plus pleinement possible, avec enthousiasme et curiosité ? La décision nous appartient. Personne ne peut la prendre à notre place.

livre de Christophe Fauré - Cette vie et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort.

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jeudi 27 juillet 2023

Cette vie... et au-delà (3)

 L 'absence de jugement extérieur


En dépit de ces prises de conscience parfois un peu rudes, aucun récit d’EMI ne parle de jugement extérieur à celui que la personne porte sur elle-même. Quelle que soit la nature des actes dévoilés durant la revue de vie, il est étonnant de remarquer qu’il n’y a jamais la moindre notion de condamnation par une entité extérieure. C’est la personne — et elle seule — qui évalue et juge ses propres actes. On est très loin de l’idée d’un Jugement dernier où on serait soumis à la volonté d’une instance divine extérieur à soi!

« Il n’y avait personne pour me condamner. Il n’y avait que moi. Je sentais que la Lumière ne me jugeait absolument pas. J’étais le seul à le faire. Elle, elle n’était qu’amour et compréhension ! »

« Dans ce défilé de ma vie, il n’y avait que moi qui jugeais mes actes. Je ressentais intimement ce que les autres avaient ressenti suite à mes actions ou à mes paroles. Je sentais leur amour, leur douleur, leur peine, leurs blessures par rapport à ce que j’avais pu dire ou faire. Je vivais également leur bonheur quand j’avais agi pour leur bien ou pour les rendre heureux. À chaque fois, je me disais : “Oups, j’aurais tellement pu agir différemment à ce moment-là” ou encore : “Je regrette tellement ces paroles.” Le moindre détail comptait, l’événement le plus anodin avait son importance. J’étais l’unique juge de mes actions, un juge lucide et sans concession pour moi-même, mais tout en étant complètement submergé par l’amour que l’être de lumière irradiait vers moi. »


L'accès à la connaissance ultime

Un autre aspect important qu'on relève dans les récits d'EMI est la sensation d'avoir eu accès, lors de cette expérience, à une dimension ultime de connaissance et de sagesse :

« Mon champ de conscience semblait beaucoup plus large qu’ici, dans cette vie. Soudain, je SAVAIS ! Je n’en ai gardé aucun souvenir mais je sais que je comprenais des choses... que je n’aurais jamais pu savoir !

«Tout ce que je peux dire, c’est qu’à ce moment-là je savais mille fois plus de choses que je n’en sais maintenant. C’est comme si j’avais eu accès à la totalité de la connaissance universelle. Toutes les réponses étaient là. Tout était limpide. »
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Christophe Fauré parle ensuite de : 
- Le retour dans le corps 
- La difficulté à partager l'EMI

Les changements de vie à la suite d’une EMI

Impossible de terminer cette présentation des EMI sans parler des étonnants changements qu’elles induisent. Ceux-ci me semblent du reste représenter la dimension la plus inspirante de ces expériences.

Des changements liés à la conception de la vie et de la mort

On observe une diminution nette, voire une disparition de la peur de la mort. S’installe la certitude que la conscience survit à la mort du corps physique, associée à la conviction de l’existence d’une réalité spirituelle en parallèle à notre dimension terrestre. Les personnes se disent moins enclines à suivre lès dogmes religieux mais deviennent au contraire plus spirituelles. La recherche d'un éveil intérieur prend davantage de place au quotidien.

Il résulte de l’intégration complète de l’EMI davantage de sérénité, de joie de vivre, de capacité à vivre plus intensément dans le présent, en relativisant les petits tracas du quotidien.

La notion d’une « mission de vie » peut s’imposer avec force, accompagnée d’un puissant sentiment d’urgence à trouver la raison précise de son retour sur terre.

Des changements liés à la reconnaissance et à l’acceptation de soi

Du sentiment d’avoir eu accès à la connaissance universelle émerge souvent une extraordinaire soif d’apprendre, conjointement à une aspiration au développement personnel.

La confiance en soi et l’estime de soi se retrouvent souvent accrues.

Des changements dans la relation à autrui

L’amour devient une priorité absolue. Les témoins affirment s’être sentis aimés de façon inconditionnelle en présence de l’être de lumière, avec parfois l’aspiration à être eux-mêmes capables d’une même intensité d’amour. Il peut en résulter une plus grande capacité d’amour et d’empathie.

Cet amour, perçu comme la nature même de leur être (et de tout être), constituerait la base de l’interdépendance entre les êtres, unis par une étincelle divine commune et mettant à bas l’illusion de la séparation des consciences.

Les relations interpersonnelles, la tolérance, la compassion, l’entraide et l’assistance à autrui prennent une grande importance. Parallèlement, le jugement des autres sur soi perd considérablement de son emprise.

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livre de Christophe Fauré - Cette vie et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort.

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mercredi 26 juillet 2023

Cette vie... et au-delà (2)

 

La conscience d’être mort, associée à un profond sentiment de paix


La sortie du corps s’accompagne d’un sentiment de raix, de sérénité, de légèreté, de liberté qui contraste avec es conditions souvent traumatiques ayant conduit à l'EMI (accident, noyade, etc.). Si la douleur physique était présente juste avant le début de l’expérience, celle-ci disparaît totalement dès les premiers instants de l’EMI :

"Après la violence de la collision de la voiture, la douleur s’est évanouie en un instant. Je ne ressentais absolument rien ! Je n’avais plus mal. J’étais incroyablement paisible. "

«Je me sentais comme libéré d’un énorme poids, en paix comme jamais je ne l’avais été. C’était une impression extraordinaire ! »

« En voyant mon corps étendu dans le salon après mon arrêt cardiaque, j’ai pris conscience que j’étais morte... mais ça ne me faisait pas grand-chose. Je n’étais pas triste, mais au contraire c’était très calme, très paisible. C’était comme une évidence de me retrouver dans cette situation... C’est vraiment dur de vous expliquer quel sentiment cela me procurait... mais c’est comme si je rentrais à la maison. Je me sentais en totale sécurité. »

La perception d’un tunnel et d’un environnement décrit comme « paradisiaque »

« Puis, je me suis retrouvé comme propulsé, ou aspiré, à vive allure dans une sorte de tunnel... enfin, je n’en voyais pas vraiment les parois mais je sais que c’était comme un long tunnel. C’était sombre mais pas du tout effrayant. J’avais l’impression d’aller à toute vitesse vers un point très lumineux qui était tout au bout et qui grandissait au fur et à mesure que je m’en approchais. Je ne sais pas pourquoi mais j’étais en confiance, comme si je savais ce qu’il y avait à son extrémité... je savais que j’étais déjà venu là. Cela m’était curieusement familier. »...

La rencontre avec un être de lumière

Autre élément essentiel des récits d’EMI : la rencontre avec un «être de lumière». C’est ainsi que le nomment bon nombre de personnes. Les noms qu’on lui attribue sont multiples et sont le reflet des croyances individuelles : certaines personnes l’appellent « Dieu », d’autres l’associent à une figure emblématique comme le Christ, le Bouddha, le Prophète, un archange, etc. Quoi qu’il en soit, il est clair que toutes décrivent une seule et même réalité. Or, cette rencontre est un aspect déterminant des EMI car elle semble à l’origine des changements profonds qui surviennent chez les personnes ayant fait cette expérience.

« J’étais propulsé à vive allure dans ce tunnel et, à son extrémité, je me suis retrouvé dans une intense lumière. C’était très brillant mais pas du tout éblouissant. Et cette lumière était “quelqu’un”. Je savais que j’étais en présence d’une parfaite entité de lumière, débordant d’une compassion et d’un amour infini, un être de sagesse qui me voyait dans tout ce que j’étais. Cet être n’était qu’amour et il n’y avait rien d’autre que l’amour qui existait, comme si cela était la seule et unique texture de l’univers. »

«J’ai pris alors conscience d’une immense Lumière qui m’enveloppait complètement. Elle pénétrait mon âme, qui se trouvait comme dans un bain d’amour. Elle était extrêmement intense mais sans m’éblouir. C’était une présence avec une personnalité distincte. Elle était paisible, et d’elle émanaient amour et pardon. Je ressentais auprès d’elle un sentiment de complète sécurité, comme jamais je ne l’ai ressenti. C’était la perfection. Tout était là, dans cette Lumière... »

« Il en émanait un amour qui surpasse celui que peut donner un parent, un conjoint ou un enfant. C’était mille fois plus grand, mille fois plus beau et plus profond ; c’était la combinaison de toutes les formes d’amour qui peuvent exister. J’aurais pu rester en sa présence jusqu’à la fin des temps... »

La revue de vie

La rencontre avec l'être de lumière mène à ce qui semble être un autre aspect essentiel de l'expérience de mort imminente : la revue de vie.

« En un instant, j’ai vu ma vie se dérouler devant mes yeux! C’était comme un film mais en 3D. C’était tellement intense, tellement réel ! Ça remontait en arrière : des événements les plus récents jusqu’aux plus anciens, quand j’étais bébé. »

« L’être de lumière s’est estompé et j’ai aussitôt vu défiler toute ma vie, comme s’il souhaitait me montrer ce que j’avais fait de mon existence. Cela me semblait très intentionnel de sa part, pour que je comprenne et que j’apprenne. Je revoyais les situations les plus importantes de ma vie, elles étaient intactes et je les revivais avec toutes les pensées et toutes les émotions que j’avais ressenties à ce moment-là. Je revoyais le meilleur et le pire de moi-même... J’ai compris que rien - absolument rien - n’est oublié : tout est inscrit quelque part dans l’univers et j’en faisais à nouveau l’expérience dans ses moindres détails. »

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livre de Christophe Fauré - Cette vie et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort.

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mardi 25 juillet 2023

Cette vie... et au-delà (1)

 


J'ai lu pendant ma semaine de retraite (où j'ai pu être plus conscient de la conscience) le livre de Christophe Fauré - Cette vie et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort (sortie Novembre 2022). Voici une série d'extraits qui sera ma série de l'été...

...Tel est le déroulé complet d’une EMI. Toutes les personnes ne vivent pas cette expérience dans sa totalité. Comme le souligne le Dr Chris Roe, professeur de psychologie à l’université de Northampton (Royaume-Uni), « chaque NDE est unique et peut inclure n’importe quelle combinaison de phases. Les phases peuvent se produire dans n’importe quel ordre. Aucune caractéristique n’est commune à toutes les EMI ». Certaines personnes, par exemple, ne passent que par le stade de sortie du corps, quand d’autres ne perçoivent que des proches décédés et réintègrent leur corps, sans traverser les autres étapes. Il semblerait que plus l’expérience est complète, plus les changements ultérieurs chez la personne sont profonds. Ainsi, l’impact sera moindre sur celle qui n’a connu qu’une sortie du corps - elle sera sujette à moins de transformations intérieures sur le long cours - que sur celle qui a vécu la totalité du processus.

Revenons en détail sur chaque élément caractéristique de l’EMI.

La sortie du corps — out-of-body expérience (OBE)

Elle survient le plus souvent dans une situation où la personne est en danger : un accident entraînant une défaillance cardiaque, un infarctus, un incident au cours d’une intervention chirurgicale... La personne prend soudain conscience qu’elle n’est plus dans son corps physique, alors qu’elle le perçoit sur le sol ou sur la table d’opération. Elle est parfaitement consciente de la situation. Ses sens sont extrêmement vifs, aiguisés, sans aucune confusion. Elle voit son corps apparemment sans vie et n’en éprouve pas de frayeur particulière. Durant une telle expérience, certaines personnes affirment même avoir éprouvé un certain détachement, un certain désintérêt à son égard.

« La première chose dont je me souviens, c’était que j’étais sorti de mon corps. Comme si je flottais au-dessus de lui. Il y avait beaucoup de monde autour qui essayait de le réanimer mais je me sentais très détaché par rapport à lui. C’était comme si je regardais un vieux vêtement que j’avais mis autrefois mais dont je n’avais plus l’utilité. Je me sentais plus vivant que jamais. Sans douleur, sans besoin d’aucune sorte. J’étais juste “là”, présent dans cette paix qui m’enveloppait. C’est là que j’ai compris que nous ne sommes pas notre corps ! »

«Je me suis soudain retrouvée à environ deux mètres au-dessus de mon corps. Je ne l'ai pas immédiatement reconnu. L’équipe médicale s’agitait sur lui. Et puis d’un seul coup, j’ai su que c’était moi... ou plutôt que c’était mon corps parce que “moi”, je n’étais plus dans ce corps ! »

La personne se rend progressivement compte que les gens qui se trouvent autour d’elle ne l’entendent pas, ne la voient pas, alors même qu’elle essaie de communiquer avec eux. Elle capte parfois leurs pensées. Si elle se trouve dans un environnement hospitalier, elle voit les tentatives de réanimation des médecins pour faire repartir son cœur. En tant que témoin direct de cette scène, elle sera par la suite en mesure de décrire avec une grande précision ces procédures, même si elle était inconsciente à ce moment-là, en arrêt cardiaque, les paupières souvent closes - voire fermées avec des compresses et du sparadrap - et sans activité cérébrale lui permettant d’enregistrer la moindre information sensorielle.

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lundi 24 juillet 2023

Conscience des pensées

 

Hier à la méditation chez nous à Saint Maxire nous avons continué l'exploration de notre esprit en nous interrogeant sur la source de notre distraction et la source de nos émotions.


Si nous voyons une corde et que nous imaginons que c'est un serpent, nous sommes distraits de la corde et avons peur du serpent, et habituellement nous allons essayer de fuir la corde. Que se passe-t-il en réalité ? Nous n'avons pas peur de la corde, nous avons simplement peur de notre pensée au sujet de la corde. Nous avons vu la corde et la pensée qui a suivi est "c'est un serpent" et les pensées se sont enchaînées pour aboutir à une émotion de peur qui est une facette de l'aversion.

Donc la réalité c'est que nous avons peur de ce qui est apparu dans notre propre conscience, nous avons peur de nos constructions mentales. C'est en soi une très bonne nouvelle car à ce niveau nous avons tout pouvoir de faire se dissoudre cette peur qui n'est qu'un mouvement de notre esprit. Cela nous amène à prendre conscience petit à petit, pas à pas, que notre problème n'est pas tant ce qui arrive et sur lequel nous ne pouvons pas grand chose, mais la relation que nous entretenons avec ce qui arrive.

La clé de ce travail est de prendre conscience des pensées qui ce lèvent après une simple perception qui est factuelle. Et nous pouvons observer que suite à une perception, nous pouvons observer un mouvement de notre esprit, ce qui est humain et toute à fait normal. Ce mouvement est le plus souvent rempli d'attachement et d'aversion, ce qui est encore humain et tout à fait normal. Le problème est la saisie de cet attachement ou de cette aversion que nous prenons pour un phénomène existant, comme nous croyons à la réalité du serpent, alors qu'il ne s'agit que d'une pensée, d'un mouvement de notre esprit.

Pouvons-nous essayer de conserver notre esprit fluide avec la discrimination nécessaire ? C'est par cette présence à nous-mêmes que petit à petit nous pourrons commencer à nous libérer des émotions qui nous perturbent à cause de la saisie de nos attachements et de nos aversions.

Avec ma profonde amitié pour vous tous, je vous souhaite à tous une très belle journée, conscients de ce qui se passe dans votre petit esprit.

Philippe Fabri

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dimanche 23 juillet 2023

Le parfum d'une fleur est là.

 KRISHNAMURTI : L'AMOUR EST L'ATTENTION TOTALE 


Il y a perception d'une souffrance. Mon fils, ma mère, mon père meurt. Ce qui se passe généralement, c'est que je fuis. Parce que je ne peux pas faire face à ce sentiment énorme du danger de solitude, de désespoir, alors je fuis. Je m'évade dans l'idéologie, dans les concepts, et de bien d'autres façons. Percevoir la fuite, juste la percevoir, pas la vérifier, pas la contrôler, mais juste être conscient qu'on fuit, alors la fuite s'arrête. 

L'élan de la fuite est un gaspillage d'énergie, mais la perception met fin au gaspillage. Par conséquent, vous avez plus d'énergie. Puis, lorsqu'il n'y a pas d'échappatoire, vous êtes confronté au fait de "ce qui est", c'est-à-dire : vous avez perdu quelqu'un. La mort, la solitude, le désespoir... C'est exactement ce qui est. Il y a une perception de ce qui est. Le fait est que j'ai perdu quelqu'un. C'est un fait. Ils sont partis. Et je me sens terriblement seul, c'est un fait. Seul, sans aucun sentiment de relation, sans aucun sentiment de sécurité. Je suis complètement à bout. 

Il y a une prise de conscience de ce vide, de cette solitude, de ce désespoir. Quand vous ne vous échappez pas, vous conservez l'énergie. Maintenant il y a cette conservation d'énergie quand je suis confronté à la peur de ma solitude. Alors j'examine l'état de l'esprit qui a perdu, l'esprit qui dit : "J'ai tout perdu. Je suis vraiment désespéré." Et il y a la peur : voyez cette peur. Ne fuyez pas, ne lui échappez pas, n'essayez pas de l'étouffer : voyez cette peur. 

N'ayez pas le choix d'être conscient de cela. Puis dans cette prise de conscience, la peur disparaît. Elle disparaît vraiment. Et vous avez maintenant plus d'énergie. 

Pourquoi y a-t-il de la souffrance ? Qu'est-ce que la souffrance ? Est-ce de l'apitoiement sur soi ? Que signifie l'apitoiement sur soi ? Voyez-vous, cela signifie que le "Moi" est plus important que l'autre personne. 

La vérité est : je n'ai jamais aimé cet homme. Je n'ai jamais aimé cet enfant. Je n'ai jamais aimé ma femme, mon mari, ma sœur ou mon frère. Là je découvre que dans l'état de conscience, il y a la découverte que l'amour n'a jamais existé. Je ne l'avais pas, je ne pouvais pas l'avoir. L'amour signifie quelque chose de complètement différent. Maintenant, j'ai une énergie formidable. Pas d'échappatoire, pas de peur, pas d'apitoiement sur moi-même, à être tellement préoccupé par moi-même, par mon anxiété. Il y a cela à cause de cette souffrance. Il y a une énergie bouillonnante, qui est vraiment l'Amour !

Maintenant, je ne porte plus mon attention sur la personne décédée, mais plutôt sur mon état d'esprit. L'esprit qui dit : "Je souffre". Donc je découvre que l'amour est une attention totale. Sans aucune division. C'est vraiment important, car pour nous, l'amour est sexuel et d'autres façons. L'amour est plaisir. Et l'amour c'est la peur, l'amour c'est la jalousie, l'amour c'est la possessivité, la domination. Nous utilisons ce mot "amour" pour dissimuler tout cela. Amour de Dieu, amour de l'homme, amour de la patrie, etc. Tout cela est l'amour de mon souci de moi-même. 

C'est une formidable découverte qui exige une grande honnêteté pour dire : je n'ai jamais vraiment aimé personne. J'ai fait semblant, j'ai exploité, je me suis adapté à quelqu'un. Mais le fait que je n'ai jamais su ce que signifie aimer, c'est une immense honnêteté. Dire que je pensais que j'aimais et que je ne l'ai jamais trouvé. Maintenant, je suis tombé sur quelque chose qui est réel, c'est-à-dire : j'ai observé "ce qui est" et j'ai avancé à partir de cela. Il y a une conscience de ce qui est et cette conscience bouge. 

C'est vivant, ce n'est pas quelque chose qui arrive à une conclusion. Ne dites pas : "j'aime, je n'aime pas, c'est bien, c'est mal..." Soyez juste conscient. Et puis à partir de là, grandit la flamme de la conscience, si nous pouvons l'appeler ainsi. Lorsque vous êtes si conscient, il y a cette qualité d'amour. Vous n'avez pas à être ou ne pas être. C'est déjà là, comme le parfum d'une fleur – c'est là !

~ Jiddu Krishnamurti

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samedi 22 juillet 2023

Vigilance fondamentale


 Si vous regardez bien, vous verrez combien de gestes vous faites sans avoir décidé de les faire : pratiquement tous. Combien de paroles vous dites sans avoir décidé de les dire : pratiquement toutes. Combien de conversations commencent, sans décision consciente de se mettre à parler. Et puis regardez, non plus dans le détail de la vie quotidienne où c’est parfaitement perceptible mais dans les grandes orientations de votre existence, comment tout s’est déroulé. Vous pouvez toujours justifier, croire que vous êtes libres ; mais, si vous vous éveillez tant soit peu, vous verrez que ce n’est pas vrai. Vous vous rendrez compte: «Mais qui me dirige ? Qui me donne ces ordres ? Je suis comme le sujet hypnotisé qui commence « librement », vers quinze heures à organiser son expédition à Saint-Gervais pour pouvoir décider non moins librement de dîner chez Mme Lafont. »

La vigilance est exprimée en anglais par les mots awareness, mindfullness, collectedness, self-remembering et, en français, par recueillement, ou conscience, ou, selon la vieille expression chrétienne : présence à soi-même et à Dieu. Il n’y a pas de présence à Dieu sans présence à soi-même et il n’y a pas de réelle présence à soi-même sans présence à Dieu, si vous voulez utiliser le langage religieux. Trop d’entre vous, qui se disent chrétiens, n’ont eu qu’une formation morale et théologique ; un petit peu d’étude du dogme et un petit peu de morale. Mais de ce qu’on appelle la théologie ascétique et mystique le chrétien ordinaire n’a aucune connaissance, qu’il soit protestant ou catholique. Si vous étudiez ce qui a fait l’essence de la vie des moines bénédictins, des moines trappistes, des moines chartreux ou des moines du mont Athos, vous verrez que toute la vie du moine est axée ou centrée sur cette nécessité de vigilance.

Arnaud Desjardins - A la recherche du Soi

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vendredi 21 juillet 2023

Du cœur à l'ouvrage

 Paris, avril 2023

DU COEUR A L'OUVRAGE 


Rue du Faubourg Montmartre, non loin de notre domicile parisien, il y a un établissement où l’on mange des glaces, des crêpes et des galettes de sarrasin. J’y vais régulièrement prendre des galettes  « à emporter » qui nous font notre repas.

Outre les galettes elles-mêmes, qui sont très bonnes, ce que j’aime dans cet endroit, ce sont les quelques minutes où, ma commande passée (deux galettes)  je regarde les cuisiniers les faire sous mes yeux. C’est toujours beau et nourrissant de voir des personnes exercer une expertise, faire un travail et le faire bien. 

Chacun des deux employés verse sur une grande plaque circulaire la pâte liquide qui, cuite, deviendra la galette. La couleur est belle, jaune d’or, la pâte prend, puis le cuisinier y dispose les ingrédients spécifiques correspondant à mes commandes. Morceaux de poireaux, fromage de chèvre, miel, noix pour l’une ; plus classique, fromage râpé, jambon, oeuf cassé d’un mouvement sûr pour l’autre. 

Ces hommes qui font cela toute la journée sont calmes, posés. Je ne vois pas chez eux, sur leurs visages, dans leurs gestes, l’agitation si évidente un peu partout. Ils ne trainent pas, mais ils ont le temps. Il savent le prendre. 

Du coup, on jurerait qu’il prennent du plaisir à faire ce qu’ils font. Chacun regarde la galette en train de prendre forme d’un œil serein et bienveillant, comme un artisan se plait à voir son ouvrage émerger. 

J’adore le moment où le cuisinier va plier la galette. Il prend son outil là où il sait le trouver, et, de quelques coups de maître, confère une forme à ce qui jusqu’à présent était plat. Il la laisse encore quelques instants sur la plaque, juste le temps qu’il faut. Puis, d’un autre geste sûr, il soulève la galette pour la mettre dans la boîte prévue à cet effet. Un autre employé prend le relais pour disposer un peu de salade dans une petite boîte,  y rajouter une pincée de sauce, mettre les boîtes contenant les galettes et salades dans un sac, y ajouter des couverts, deux serviettes en papier … 

Lui aussi accomplit ce qu’il a à accomplir avec tranquillité et soin.

Voilà, ce travail là est terminé, l’employé me tend le sac, je m’en vais manger chez moi ce qu’ils viennent de me préparer avec une réelle reconnaissance pour le cœur qu’ils montrent à l’ouvrage. 

La rue est fourmillante de passants, le grand  boulevard juste à côté crépite de véhicules, de piétons pressés, de sons stridents. 

Mais dans cet établissement pourtant très fréquenté, où ceux qui veulent s’ installer doivent souvent faire la queue, des gens savent encore prendre le temps ou plutôt ne pas jouer le jeu insensé de la précipitation. Ils ne se dérobent pas à eux mêmes leur dignité en gesticulant sous prétexte qu’ils « n’ont pas le temps. »

Gilles Farcet

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jeudi 20 juillet 2023

Un Chemin pas à pas

 « La réalité dans laquelle nous vivons est une réalité de la rencontre » K.G Durckheim



Lorsque j’ai pris cette photo, je m’apprêtais à passer mon chemin rapidement en me disant :

« Tiens, étonnant cette fleur sortant du béton ».

Et puis, je me suis arrêté, touché par la puissance de vie qui se dégage de cette fleur jaillissant d’une terrasse en pierre. Ce geste, si simple, si fragile, éclatant de vie, comme si de rien n’était, m’a arrêté dans mon « plein de choses à faire ».

Jacques raconte souvent cette promenade en forêt avec Durckheim, presque aveugle à la fin de sa vie, lors de laquelle il lui demande :

« - Que voyez-vous là, Jacques ?

- Là, je vois un arbre magnifique !

- C’est curieux, là où vous voyez un arbre, je vois un geste de la vie ».

« La réalité de la rencontre » dont parle K.G. Durckheim est cette vision, ce contact avec le geste vital qu’est tout être vivant, rencontre qui se produit avant de nommer ce que l’on voit, ou avant d’émettre des idées, des jugements sur ce que l’on rencontre.

Réalité bien plus vaste, bien plus sacrée que des pensées du type : « cette fleur est bien jolie … quel est donc son nom ? … Comment peut-elle pousser là ?... »

Si je rencontre cette fleur avec le mental, j’en reste à : « c’est joli … C’est étrange … », et je retourne à mes activités bien plus importantes.

Mais si le geste de vie qu’est la fleur me touche, je suis obligé de m’arrêter, ne serait-ce que quelques instants. Être touché, cela veut dire que je sors autrement de cette rencontre, qu’il y a forcément un changement dans ma manière d’être : plus calme … plus ouvert … moins précipité ?

En prenant le temps de la rencontre avec cette fleur, je suis touché par la force de vie, la beauté d’un tel contraste ; touché par l’ordre naturel des choses qui fait que tout ce qui vit est appelé à se développer selon sa forme propre, voulue par la vie, avec les conditions existentielles du moment.

Je suis touché par le lien qui unit la fleur et la pierre : ce geste n’existerait pas sans la dalle de pierre ; la fleur s’appuie sur ces conditions particulières, que l’on peut qualifier de très difficiles, pour néanmoins se révéler dans un geste pleinement épanoui.

Cette rencontre me recentre, fait passer le mental au second plan, et, pour un moment au moins, je me sens plus vivant, en contact avec un aspect de moi que je mets souvent en veilleuse : « être complètement, essentiellement là », ouvert à une rencontre sensible, sensorielle avec ce qui est, sans « le miroir du mental ».

Je suis touché, parce qu’en rencontrant cette fleur, je comprends certains aspects de la pratique du zen ; de même que la particularité de cette fleur nait de la dalle fissurée, l’Être que je suis peut se révéler sur les rudesses, les fissures, les failles du « mur de l’égo ».

L’Être s’appuie sur les craquelures de l’ego pour grandir, s’épanouir, en tant que forme, geste, et cela d’une manière unique : c’est la forme individuelle propre à chacun de nous, voulue par la vie, que l’on appelle dans notre enseignement « Être Essentiel ».

Cela me rappelle une expérience faite lors d’un zazen particulièrement éprouvant : je suis un bloc de béton, tout en résistance et lutte intérieure ; je brûle intérieurement de colère et d’impuissance à ne pas pouvoir lâcher prise : quelques centimètres carrés de douleur entre les omoplates prennent tout l’espace. Et puis, tout d’un coup, je sens un filet d’air qui se faufile à travers ce bloc de tension : tiens, je respire encore … « Cela respire »

Le souffle se fait plus présent, plus ample ; je réentends les oiseaux à l’extérieur ; je redeviens plus souple, plus ouvert ; des larmes coulent … Le « mur de l’égo » semble avoir été transpercé par l’élan vital que je suis, toujours présent, quelles que soient les circonstances existentielles.

La « réalité de la rencontre » avec ma vraie nature n’oppose pas moi existentiel et être essentiel, mais remet les choses à leur place : « Je suis un être vivant » met au second plan « je suis un être pensant ».

Pour revenir à la photo de ce geste-fleur, il s’agit d’une rencontre que j’ai faite un matin sur le palier de ma maison, et sans doute suis-je passé devant de nombreuses fois sans y prêter attention. En sortant de chez moi, lorsque je les Vois, je ne manque donc pas de m’incliner devant ces quelques fleurs, et ainsi changer ma manière de marcher pour aller vers « plein de choses à faire ».

Joël PAUL

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mercredi 19 juillet 2023

Quand le masque est taquiné... (extrait du carnet)


When you first meet someone

they seem so sincere

when you scratch the surface

get a little too near ... (Lee Lozowick) 

C’est quand même saisissant de constater à quel point , quand quelque chose de la stratégie de survie (le masque) est effleuré, la manière dont nous débattons obéit à des figures obligées. C’est comme une chorégraphie dont il est possible de prévoir à l’avance chacun des mouvements. 

Cela alors même que la personne en cause s’éprouve plus que jamais singulière, s’arc-boute sur sa « liberté »… 

Ce serait comique si ce n’était pas déchirant. Cela débute presque toujours par un détail,  « un petit rien, une bêtise ».

Plusieurs cas de figure. 

Souvent, la personne prend la parole pour évoquer en général autre chose, un arbre qui cache la forêt. Parfois elle cherche l’air de rien à prendre en défaut l’enseignant, pointant une « contradiction », une « erreur »,  tout en faisant mine de ne pas y attacher d’importance … Ou alors elle entreprend de s’expliquer sur un propos précédent qui aurait été « mal compris » ; ou elle tient un discours visant à démontrer la profondeur et la justesse de sa pratique. 

En tout cas, le démarrage se fait la plupart du temps sur un point « de détail » sous la surface duquel grouillent des nuées de monstres, ceux là même qui tirent depuis si longtemps les ficelles de la marionnette à laquelle la personne s’identifie.  

A ce moment là, soit l’enseignant, vieux singe à qui on n’apprend pas à faire la grimace, relève et cherche à en tirer un profit, si il ou elle le sent possible. 

Auquel cas il ou elle prend un petit risque, se lance les yeux ouverts dans un échange dont il est à peu près sûr qu’il ne sera pas de tout repos et lui demandera un surcroit d’attention et d’énergie, dans le moment et par la suite . Car il s’agira d’assurer le service après vente, et c’est bien pourquoi ce type d’intervention ne peut se faire sauf exception que dans le cadre d’un lien à durée indéterminée, d’un véritable accompagnement qui ne s’arrête pas à la fin du « stage » ou « séminaire » . 

Soit, estimant que rien n’est possible présentement, l’enseignant(e) botte en touche. Quoi qu’il en soit, si l’enseignant (e) « relève le défi », les choses périlleuses commencent. 

La personne se sentait déjà confusément en « déséquilibre », son intervention ayant visé à ce qu’elle se rééquilibre en surface. Et voilà qu’elle se sent de suite commencer à perdre pied. 

C’est alors qu’arrivent les « protestations ». Non non, ce n’est pas ce qu’elle voulait dire, on l’a manifestement mal comprise, elle s’est certainement mal exprimée, qu’à cela ne tienne elle va clarifier son propos. 

L’enseignant (e) signifie alors qu’il ou elle a très bien compris, et que le vrai sujet se situe ailleurs, pas tout à fait là où on le croit …  aïe aïe aïe … 

A ce stade, soit la personne qui se retrouve bien malgré elle et tout en l’ayant cherché à l’insu de son plein gré sur la sellette capitule, pour son plus grand honneur et sa profonde paix, mais c’est rare. Elle « capitule » parce qu’elle voit et dans ce cas là cette capitulation est une splendide victoire sans vaincu , un moment de gloire…

Soit, et c’est ce qui se passe dans l’immense majorité des cas, la personne - ou plutôt la marionnette à laquelle la personne s’identifie- redouble de protestations, d’explications, d’argumentations… 

C’est le moment où l’on voit des gens intelligents et sensibles devenir momentanément idiots, tenir des propos absurdes, incohérents, dénués de bon sens. 

C’est le moment où tout le groupe présent (en tout cas la majorité) est consterné et gêné, chacun percevant bien ce qui se joue, tant il est vrai que notre stratégie de survie est transparente aux yeux des autres, même si ils demeurent aveugles à la leur propre (la fameuse « poutre » qui ne nous empêche pas de voir la paille dans l’œil de nos semblables) . 

C’est le moment où, contrairement à ce qui se passe si souvent en thérapie de groupe, parfois avec profit mais souvent au prix de gros dégâts, il importe surtout que le groupe se taise, soit là, vraiment là, mais en soutien silencieux. Surtout pas de « retours »… 

C’est un passage, un passage délicat que l’enseignant (e) doit gérer avec la maîtrise d’un commandant de bord en pleine tempête quand le pilote automatique fait défaut. 

Comment faire en sorte que le travail se fasse sans que ce soit une boucherie, que  la personne se voit démasquée sans se sentir durablement malmenée (je dis durablement parce que tout effleurement du masque sera sur le moment vécu comme une atteinte), voire humiliée…  

Comment permettre à l’élève de ne pas se sentir durablement défait alors même que la stratégie est déjouée, exposée, mise en déroute ? Comment œuvrer avec délicatesse tout en traitant le mal près de la racine ? 

C’est le moment où l’enseignant se fait chirurgien - dentiste à l’œuvre tout près du nerf  mais sans anesthésie… Pas étonnant que plus grand monde ne veuille faire ce job, pas étonnant que le dit travail ne soit même plus envisagé et conçu la plupart du temps, laissant la place aux berceuses de la « non dualité » pseudo radicale  ou du "développement personnel »… 

C’est le moment où la personne, se débattant de plus belle, s’enlise, coule, bat des pattes, s’accroche à n’importe quelle branche pourrie, cherche des alliances , écarquille les yeux, parfois pleure des larmes de crocodile, s’agite en tous sens… 

C’est un spectacle totalement prévisible, une chorégraphie encore une fois, une danse qui fait mal, celle de la souffrance agrippée à elle même, résolue à ne pas céder un pouce de son empire… 

Et c’est le moment où il faut , du côté de l’enseignant, savoir arrêter honorablement le combat avant qu’il ne vire à l’affrontement frontal, négocier un armistice décent qui ne laisse pas l’autre écrasé, tendre une main généreuse sans pour autant laisser le presque noyé oublier qu’il ou elle a voulu faire le malin et présumé de ses capacités à nager par gros temps …

C’est le moment où il s’agit de passer à tout autre chose, de ne plus en reparler jusqu’au moment propice, de faire preuve de légèreté. C’est le moment de plaisanter gentiment, de danser, de trinquer, de respirer. 

Et, d’un bout à l’autre, c’est le moment de la compassion, de la compassion non dite mais dominante hors laquelle tout ce processus n’est plus que mascarade sadique, pseudo folle sagesse , bidouillages d’apprenti sorciers et autres caricatures , Gurdjieff au petit pied …

S’ensuit souvent pour la personne un moment de fermeture, plus ou moins assumée, plus ou moins vue et déjouée par l’élève en la personne, un moment  d’apitoiement sur soi même où la créature recroquevillée se fait la liste des torts odieux qui lui ont été infligés par le ou les enseignants. 

C’est un passage périlleux, celui où l’on pourrait si on n’y prend garde, prendre ses cliques et ses claques, partir en un geste pathétique et grandiose, s’offrir un pied de nez amer, une pirouette désespérée. Certains le font et n’en reviennent pas. 

Dans ces cas là, il appartient à l enseignant de procéder à son examen de conscience et de se demander si il ou elle n’a pas mal évalué les forces en présence, présumé de l’aptitude de l’élève… 

Etant entendu que l’enseignant aussi a droit à l’erreur, pourvu que la compassion ait été là, et même si il importe qu’il ou elle ne cesse de gagner en expérience, afin que sa main se fasse de plus en plus sûre, son geste de plus en plus adéquat et précis, bref et décisif. 

Si la personne, par on ne sait quelle grâce, consent à faire passer la vérité avant le faux semblan , à privilégier l’émergence de son visage originel par dessus le masque, alors c’est si beau,  si nourrissant … 

Alors le vrai éclate de sa splendeur rare.

Gilles Farcet

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mardi 18 juillet 2023

3 modes pour intégrer l'instant

 Apprendre à se connaître permet de mieux connaître les autres.

Et pour se connaître, voici 3 modes possibles que l'on peut pratiquer à chaque instant :

- La vigilance : voir la "tension vers" qui se crée en nous et nous éloigne de l'instant.

- Le oui à ce qui est : voir le refus qui est une "tension contre" la réalité présente.

- L'action juste : être unifié dans le choix que l'on fait, pour éviter la division sans cesse proposée par les pensées. 


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lundi 17 juillet 2023

Contre les tentatives de l'égo...

 

"Ne pas chercher à se rééquilibrer mais trouver l'axe "

Gilles Farcet


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dimanche 16 juillet 2023

vendredi 14 juillet 2023

Ici, pas de Qi Qi

 


Il y a Qi 氣 et Qi 炁

Maître Liu : "Ce que tu fais n'est pas mal, mais tu ne travailles que le Qi 氣". Me dit il après 15 années de pratique assidue. Le but n'est pas ça du tout. Tu dois arriver à contacter ce Qi là 炁.

- Comment fait-on ?

- Il faut déjà savoir que ce sont deux modalités différentes. Ensuite, tu dois le chercher dans le plus subtil.

- Comment faire la différence ?

- C'est facile, le Qi 炁 ne se sent pas, ne provoque pas de sensations.

- Mais....???

- Tu ne sentiras rien. Mais tu constateras ses effets.

- Mais...???

- Il faut qu'on parte, sinon nous serons en retard.

Fin de la discussion.

Maître Liu, Wei Bao Shan, hiver 2009

(par Fabrice Jordan)

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lundi 10 juillet 2023

Devoir de vacances (2)

Nous allons aborder les soupirs, entre le pire soupir et le bienfaisant.

On inspire à plein poumons. On fait un soupir bougon, bouche fermée, en faisant vibrer les lèvres. On fait souvent ce soupir lorsqu'on en a marre. (3 fois en écoutant les sensations)

Ensuite, on inspire à plein poumons. On fait, cette fois, un soupir de détente en lâchant le son aaaaaahhhhh. 3 fois, de plus en plus profondément.

On se rend compte que ce n'est pas du tout les mêmes sensations. Cela descend jusqu'au cœur...

Entrainez-vous à soupirer régulièrement durant cette semaine.

"Le soupir est effectivement essentiel. Selon Christian Gestreau, neurophysiologiste à l'Institut des neurosciences des systèmes à Marseille, il permet de respirer correctement et maintient le poumon en bonne santé. "Il détend intégralement la cage thoracique et remplit le plus possible nos alvéoles pulmonaires."


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dimanche 9 juillet 2023

Comment la nature soigne notre tête

 Par quel miracle une simple balade en forêt, la contemplation d’un champ ou une belle vue sur la mer suffisent-elles parfois à faire baisser notre stress et nous recharger en ondes positives ? Explications avec une invitée du Festival inernational de journalisme (FIJ) dont La Vie est partenaire.

Le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles dans le vent, l’odeur de l’humus ou le parfum iodé de la mer qui vous transporte… Et soudain, le chaos urbain s’évanouit comme un mauvais songe. La fin d’un cauchemar… On se retrouve. On renaît à soi. Ce n’est pas un mythe : la nature nous apaise et nous fait du bien. « Quand on y est plongé, on constate une réduction de la production de cortisol, de la tension artérielle (systolique et diastolique), de la variabilité du rythme cardiaque, et la tension subjective (selon les questionnaires psychologiques) », explique ainsi Amy Loughman, invitée au Festival international de journalisme (FIJ), qui se tient du 14 au 16 juillet à Couthures-sur-Garonne.

Désactiver les circuits du stress


Cette psychologue australienne, spécialiste des liens entre l’alimentation et la santé mentale, vient de lancer son activité de conseil pour aider les entreprises à aménager leurs bureaux afin d’y intégrer davantage de nature. « Tout a commencé au moment du confinement, j’étais en télétravail et j’allais nager chaque matin dans l’océan proche de chez moi, se souvient-elle. Je me suis ainsi rendu compte du bien que cela me procurait : si je ne nageais pas, j’étais beaucoup moins détendue, davantage de mauvaise humeur. » Une étude récente menée par les chercheurs de l’Institut Max-Planck pour le développement humain à Berlin a ainsi montré qu’il suffisait d’une heure de marche en pleine nature pour réduire considérablement l’activité de l’amygdale, une zone du cerveau liée aux émotions négatives, alors que celle-ci restait stable après une promenade similaire dans un environnement urbain.

Tout passe d’abord par nos yeux. Ils sont les vigies qui déclenchent notre système de réponse au stress quand survient un danger. Lorsque nous nous déplaçons dans l’espace, que ce soit en marchant ou en courant, nous entrons dans ce que les scientifiques nomment un flux optique. Les choses passent devant notre rétine à des vitesses variables, selon l’allure à laquelle nous circulons. En forêt, les arbres et la végétation apparaissent à un rythme relativement régulier. Nos yeux bougent alors naturellement latéralement, de gauche à droite et inversement. Cela enclenche un ensemble de processus dans le cerveau et le corps qui calment les circuits d’activation du stress.

Restaurer les capacités cognitives

Même chose lorsque l’on contemple la mer : pourquoi ce spectacle nous apaise-t-il tant ? se demande ainsi le neuroscientifique Michel Le Van Quyen dans son livre Cerveau et nature, pourquoi nous avons besoin de la beauté du monde (Flammarion). D’abord parce que nos yeux peuvent embrasser l’horizon. « Quand vous regardez un panorama, vous ne pouvez pas fixer votre regard sur un élément précis pendant très longtemps : votre champ visuel va alors s’élargir afin de pouvoir voir loin et de tous les côtés – au-dessus, en bas et sur les côtés. Ce mode de vision diminue votre stress, car il relâche, dans le tronc cérébral, le mécanisme qui intervient dans la vigilance et l’éveil. » Apaisé, notre cerveau profite de ce temps pour restaurer ses capacités cognitives.

C’est l’autre bienfait incroyable de la nature : elle rend notre cerveau plus performant. Des chercheurs de l’université Tongji, à Shanghai, ont ainsi montré en 2015 que les différentes zones cérébrales interagissent entre elles davantage quand nous sommes entourés de verdure. Surtout, la nature nous plonge dans un état de fascination douce qui nous apaise. Car il y regorge de ce que les scientifiques nomment des « fractales naturelles » : le dessin des arbres, de leurs ramifications, etc. Les fractales sont des objets géométriques qui présentent une structure similaire à toutes les échelles. Or dans la nature, ces formes sont souvent approximatives. Imparfaites, les fractales naturelles stimulent notre perception visuelle et notre curiosité sans nous fatiguer.

Stimuler le système parasympathique


Mais ce n’est pas tout. Nous avons pris l’habitude de nous considérer comme des êtres séparés de notre environnement. Or, il n’y a rien de plus faux : nous sommes physiquement en contact permanent et intime avec ce qui nous entoure. La lumière naturelle ne nous offre pas qu’un éclairage, elle pénètre en nous et rythme nos cycles quotidiens. « Il y a un type de récepteur dans les yeux qui capte la lumière naturelle, et indique au cerveau et aux autres parties du corps l’heure qu’il est. Le système du rythme circadien est très important pour le sommeil, la santé mentale et le bien-être en général », explique ainsi Amy Loughman. L’air que nous inspirons est chargé de molécules qui interagissent avec notre corps.

Lorsque nous nous promenons dans la forêt, nous inhalons ainsi des composés organiques très particuliers, les phytoncides, un mélange de substances émises dans l’air par les arbres qui les protègent en cas d’attaque par des bactéries ou des champignons nuisibles. Plusieurs études ont ainsi montré que les phytoncides étaient aussi très bénéfiques pour les humains : ils stimulent notre système parasympathique, qui, responsable des fonctions automatiques de notre organisme comme la respiration, ralentit notre organisme. Les phytoncides activeraient même notre système immunitaire.

Inviter la nature chez soi !


En fait, les bienfaits de la nature sont si nombreux qu’il faudrait sans doute concevoir la question autrement : et si nous étions faits pour vivre parmi les arbres, les pieds dans l’humus plutôt qu’entourés de béton et de goudron ? Et si c’était bel et bien la ville qui nous abîmait ? Finalement, l’urbanisation de nos modes de vie est très récente. Près de 70 % de la population mondiale vit aujourd’hui dans les villes, contre seulement 15 % en 1900. « Deux siècles, c’est bien trop peu pour que, habitué à la nature, notre cerveau s’adapte aujourd’hui à un nouvel espace de vie, totalement artificiel, empli d’informations, de bruit, de sollicitations… écrit ainsi Michel Le Van Quyen. Notre environnement a brutalement changé, passant du vert au gris, mais pas notre cerveau. Il reste encore largement celui d’un chasseur-cueilleur des steppes verdoyantes de nos origines paléolithiques. » C’est la théorie de la « biophilie », du biologiste américain Edward O. Wilson qui, dans les années 1980, a avancé l’idée que les humains ont une affinité génétique avec la nature, qui résulte de millions d’années d’évolution dans des environnements naturels. Il resterait même en nous une préférence instinctive pour un paysage particulier, la savane, ces étendues d’herbes hautes et d’arbres espacées, propices à la survie et où l’humanité s’est jadis épanouie.

Problème : nous n’avons pas tous la chance de pouvoir pratiquer des bains de forêt ou de mer. Comment faire pour profiter de ces bienfaits même si on n’habite pas à la campagne ? « Chaque jour, on peut essayer d’observer les détails de la nature dans notre vie quotidienne, par exemple, les formes des nuages, les feuilles des arbres, conseille Amy Loughman. On peut aussi inviter la nature chez soi ! Les plantes d’intérieur, les fleurs et même les images de nature nous font du bien… » Même à petite dose, la nature nous guérit de bien des choses…

source : La Vie

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