À méditer
« L’histoire du meurtre de la parole s’achève sur la croix par le meurtre du Verbe. Silence. Grand silence. L’Église confesse que, pendant ce grand silence, son Seigneur est descendu dans la mort et dans les enfers de la mort, pour tirer un à un ceux qui en étaient prisonniers. Le Christ, Parole de Dieu, parce qu’il se tait dans le silence du tombeau, rejoint tous les silences des hommes, meurtris dans leur parole et jusque dans leur chair. C’est alors qu’il sauve la parole de l’homme en la redressant jusque dans son silence. ll sauve aussi le silence de l’homme, l’incapacité de l’homme à parler, puisque le grand silence du samedi saint est l’espace accueillant pour le silence de l’homme qui peut venir se lover dans le silence de Dieu. Si la violence, c’est le meurtre de la parole, de ce qui fait de nous des humains et non des animaux, le Verbe de Dieu lui‐même a accepté de la subir. Mais l’amour du Père, non entamé par la violence, a fait resurgir le Verbe du tombeau ; l’horizon de notre foi est une parole possible, même après le meurtre de la parole, même dans le silence.
En visitant par sa mort le domaine de la mort, il tue la mort. (...) Mais si Dieu lui‐même, l’amour vivant, rejoint ceux qui sont morts, il ne peut que les emmener hors des tombeaux. Et voici tout un peuple vêtu de robes blanches qui se promène devant le visionnaire de l’Apocalypse. Ce peuple, c’est nous. C’est toi, c’est moi, lavé par le sang de tes larmes, de tes fatigues, de ta rage, moulu, épuisé. (…) Et tous ces gens, chacun de nous pendant qu’il peine, sont contenus dans ce grand silence du samedi saint, ce grand silence d’une demi‐heure qui enveloppe d’un manteau de nuit l’énigme du mal et du malheur sans y répondre. Voilà ceux que vient visiter le Verbe réduit au silence. Voilà ceux dont il vient essuyer chaque larme, une à une. Voilà ceux qu’il associe à sa victoire : Jamais plus ils ne seront accablés. Jamais plus. La porte du silence n’est plus fermée. le Verbe y est descendu. »
En visitant par sa mort le domaine de la mort, il tue la mort. (...) Mais si Dieu lui‐même, l’amour vivant, rejoint ceux qui sont morts, il ne peut que les emmener hors des tombeaux. Et voici tout un peuple vêtu de robes blanches qui se promène devant le visionnaire de l’Apocalypse. Ce peuple, c’est nous. C’est toi, c’est moi, lavé par le sang de tes larmes, de tes fatigues, de ta rage, moulu, épuisé. (…) Et tous ces gens, chacun de nous pendant qu’il peine, sont contenus dans ce grand silence du samedi saint, ce grand silence d’une demi‐heure qui enveloppe d’un manteau de nuit l’énigme du mal et du malheur sans y répondre. Voilà ceux que vient visiter le Verbe réduit au silence. Voilà ceux dont il vient essuyer chaque larme, une à une. Voilà ceux qu’il associe à sa victoire : Jamais plus ils ne seront accablés. Jamais plus. La porte du silence n’est plus fermée. le Verbe y est descendu. »
Extrait de Marcher vers l'innocence, d'Anne Lécu (Cerf)
À écouter : Pergolèse, Stabat mater
Au pied de son fils crucifié se tient la mère de douleur : c’est cette image de souffrance qu’illustrent les douze mouvements du Stabat mater de Pergolèse, dernière œuvre d’un compositeur qui meurt en 1736 quelques mois après sa création, à 26 ans. Sur un poème attribué à Jacopone da Todi (1236-1306), Pergolèse tisse un dialogue entre voix de soprano et voix d’alto. Le célèbre duo d’ouverture les entremêle en une plainte sobre et déchirante sans craindre frôlements et dissonances, rappelant les audaces de Couperin dans ses Leçons de ténèbres. Jean-Jacques Rousseau célèbre d’ailleurs « le plus parfait et le plus touchant des duos qui soient jamais sortis de la plume d’aucun musicien ». La popularité toujours actuelle du Stabat mater semble d’ailleurs ne pas démentir le jugement du philosophe.
Jean-Baptiste Pergolèse, Stabat mater, Andreas Scholl, Barbara Bonney, Les Talens lyriques, Christophe Rousset, Deutsche Grammophon, 1999
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