Le mot méditation est aujourd’hui sur toutes les lèvres.
En 1967, Il y a plus de cinquante ans, je demandais à Graf Dürckheim ce qu’il entendait par méditation ?
« Méditation ! C’est un concept. Si vous posez cette question à vingt personnes je suis persuadé que vous aurez vingt définitions différentes. On ne peut pas dire la méditation c’est ça ! On peut décrire ce que l’on comprend en pratiquant soi-même un exercice proposé sous ce nom. La méditation que je pratique et enseigne est désignée au Japon comme étant zazen. »
Le maître Zen Hirano Katsufumi Rôshi, que nous avons eu l'honneur et la chance de recevoir au Centre au cours des dix dernières années, a toujours souligné que « Il y a mille et une façons de méditer mais qu'il n’y a qu’une façon de pratiquer zazen ».
Pour Graf Dürckheim, la visée du Zen est la découverte et la libération de la vérité de soi-même. Qu'est-ce que la vérité?
Jinen San, Maître Zen qui enseigne au Japon et en Australie, répond que "La vérité est la vérité sans vérité ! C'est la vérité. Et il ajoute que "Lorsque nous disons ou mentionnons simplement la vérité, c'est habituellement la vérité dans le concept. Il y a donc une séparation entre la vérité et la vérité conceptuelle".
On ne pratique pas zazen avec le mental. A la question - Pourquoi est-il si difficile de faire l'expérience de la vérité ? Jinen San répond: "Si difficile ? Parce que nous pensons! C'est une sorte d'habitude, nous pensons qu'il faut tout penser... voilà le problème. Nous pensons que nous ne savons pas grand-chose sur les choses sans les conceptualiser, sans les approcher par la pensée. Ce qui est la cause de beaucoup de problèmes".
- Vous voulez dire que la clé qui ouvre sur la vérité est donc la MÉDITATION ?
« C'est la raison de la méditation. Mais lorsqu'on dit "méditation" il serait plus juste de dire ZAZEN. Lorsqu'on dit "méditation", c'est une pratique à travers le concept. Zazen est hors concept. On utilise la même position assise pour zazen ou pour méditer, mais la manière de pratiquer est très différente si on médite ou si on pratique zazen".
Parmi les promoteurs d'une pratique méditative dite moderne - la méditation de pleine conscience -nombreux sont les initiateurs qui font l'amalgame entre zazen et méditation. En affirmant un tel assemblage ils attestent d'une vérité : ils n'ont jamais encore pratiqué zazen. La plupart des personnes qui pratiquent "la méditation de pleine conscience" cherchent à obtenir quelque chose. La liste des CENT bienfaits associés et promis à celles et ceux qui pratiqueront cette méthode est en totale opposition avec l'exercice essentiel du Zen - ZaZen - qui est pratiqué SANS but.
Je ne pratique pas zazen en espérant atteindre un but prémédité. Je ne pratique pas zazen en cherchant à me faire une idée de la vérité qu'il me faudrait atteindre.
Pratiquer zazen en ayant un but, serait faire de zazen un moyen alors que zazen, par lui-même, est l'activation des qualités d'être qui sont à l'origine, au commencement de notre existence : la paix de l'âme (le calme intérieur), la paix de l'esprit (la sérénité) et la simple joie d'être qui en est l'expression.
Le Maître Zen Daigu Ryokan (1758-1831) écrit que " Zazen n'est pas un moyen ; zazen est une preuve".
Une preuve ? Oui, la confirmation à travers un vécu intérieur, de la libération de notre vraie nature d'être humain hors des chaînes d'un moi mondain - l'ego - qui est devenu le domaine de l'angoisse et des états qui l'accompagnent (soucis, inquiétude latente, peur souterraine). Expérience libératrice qui, même lorsqu'elle a la douceur d'un souffle, est bouleversante.
Zazen est l'exercice au cours duquel s'opère une véritable métamorphose. "Lorsqu'on pratique zazen, le corps prend la forme du calme !" (Hirano Roshi).
Zazen est un exercice indubitablement corporel et spirituel.
Corporel ! Ici encore il nous faudra distinguer la vérité dans le concept et la vérité vraie. Ce qui exige d'avoir un regard nouveau sur ce qu'on appelle : le corps.
Passage de l'idée d'un corps que l'homme —A — à l'expérience du corps que l'homme —EST—. Au cours de la pratique de zazen s'éveille la conscience de ce que les japonais désignent comme étant le corps du Chemin". Cela ne concerne pas le corps que nous avons (Körper) mais le corps vivant dans sa globalité et son unité. (Leib).
C'est dans l'attention à l'acte de respirer que nous expérimentons la métamorphose de notre manière d'être au monde. " La respiration est davantage qu'une alimentation de l'homme en oxygène. L'acte de respirer est ce geste vital au cours duquel l'homme peut se donner lorsqu'il expire et se recueillir lorsqu'il inspire" (K.G. Dürckheim).
Lorsqu'on pratique zazen il faut donc éviter de se concentrer sur quelque chose : la respiration. Ce qui importe est l'attention portée au fait que en ce moment, pour ce moment, "Je Inspire"!
Il serait plus approprié d'écrire —JeInspire— sans intervalle entre le sujet et le verbe. Parce que, en vérité, il n'y a ni distance ni écart de temps entre ce que je nomme "Je" et ce que je nomme "inspire". "Je respire" est la vérité dans le concept. "JeInspire" est la vérité vraie.
Spirituel ! Lorsque la vie spirituelle devient une profession de foi et donc, une vérité dans le concept et un objet de réflexion mentale ; la personne se coupe de sa racine essentielle, de sa propre essence, de sa vérité vraie. Le Maître Zen - qui n'est pas un maître de vie mais un maître dans la pratique d'un exercice - nous propose une Voie d'éveil à notre nature spirituelle à travers un chemin d'expérience et d'exercice. Les grandes formules abstraites, les grandes idées laissent place à un engagement : "Le chemin est la technique ; la technique est le chemin".
Jacques Castermane