«Au nom des codes, du devoir et du progrès, nous jouons à l'adulte sans nous réjouir d'être en vie. C'est oublier le goût archaïque que, enfant, nous avions pour la vie. L'enfant est mû par la force du désir. Curieux, essentiellement vivant, il est dans l'expérience, dans la découverte, celle de ses sensations, de ses capacités. Tout entier concerné par son principe de plaisir, il ne s'embarrasse pas de raisonnements : il n'a pas les mots pour cela. C'est la notion d''infans" : ce moment où le petit enfant perçoit les événements sans les embarrasser de concepts.
Seul compte le monde sensible. L' "infans" perdure et nous le portons en chacun de nous. Mais en devenant adulte, parce que nous vivons au sein d'une société insécurisée et insécurisante, nous choisissons le contrôle et la maîtrise. Le plaisir devient interdit : si nous apprenons une bonne nouvelle, par exemple, nous nous permettons rarement de sauter de joie!
Mais qu'aurait fait un tout-petit? Percevons à nouveau le monde avec des yeux d'enfant, sans chercher à tout expliquer, et certainement pas soi ou son histoire. J'aime l'idée d'aller à sa propre rencontre, d'écouter l'inconnu en soi, tout ce que l'on ne connaît pas (encore) de soi. Bien sûr, nous pouvons tenter l'expérience de l'analyse. Mais nous pouvons aussi, tout simplement, entrer dans une librairie et choisir un livre à l'instinct. Qui sait? Il nous surprendra peut-être... »
Par Virginie Megglé, psychanalyste
auteure de Couper le cordon, guérir de nos dépendances affectives (Eyrolles, 2009)