Le mot méditation doit être entendu comme étant une rupture avec notre manière d’être habituelle, notre manière de faire habituelle et notre manière de voir habituelle. Que vous veniez au Centre Durckheim pour la première ou la centième fois, vous serez invité à apprendre zazen (la méditation de pleine attention). Bien entendu, la personne qui revient au Centre régulièrement pense qu’elle va être invitée à bien pratiquer ce qu’elle a appris ; d’où son étonnement lorsque j’insiste sur la nécessité, pour elle aussi, d’apprendre zazen.
Apprendre ! J’avoue que pendant un bon nombre d’années j’ai utilisé l’expression : « Je pratique la méditation chaque matin ». Jusqu’au jour où je me suis rendu compte que cette manière de voir alimente un danger : celui de pratiquer ... par cœur.
Aujourd’hui j’aborde l’exercice en m’appuyant sur un point de vue différent : « J’apprends la méditation chaque matin » ! Formulation beaucoup mieux appropriée et que devraient adopter celles et ceux qui pratiquent l’Aïkido, le tir à l’arc (Kyudo), la cérémonie du thé (Chado) ou cet autre exercice pratiqué au Centre : la marche lente. La pratique -par cœur- d’une technique n’empêche pas de se laisser aller à la mégalomanie des pensées autonomes élaborées par le mental.
Apprendre la méditation ? Ou, plus exactement : « Apprendre ce qu’est méditer » ? C’est apprendre à s’asseoir dans la tenue juste et la forme corporelle juste (juste parce que naturelle) ; c’est apprendre ce qu’est la parfaite immobilité (laquelle témoigne de la non intervention de l’ego); c’est apprendre ce qu’est la pleine attention (en évitant l’erreur fatale qui consiste à vouloir fixer l’attention) ; c’est apprendre ce qu’est respirer !
Résumons : Méditer, c’est apprendre... ce qui ne s’apprend pas !
Ce qui ne s’apprend pas ?
Oui, parce que personne n’est capable, par exemple, de faire sa respiration. L’acte de respirer est une action, un geste intérieur, que nous ne pouvons qu’admettre. Il en est ainsi, en ce moment, pour plus de sept milliards d’êtres humains. Respirer ne s’apprend pas ! Ce qu’il me faut apprendre c’est comment cette intention de l’être aimerait s’organiser et se réaliser à travers moi. Il semble, en effet, qu’un mystérieux maître d’œuvre marque cette action infaisable de sa présence. Un maître d’œuvre, « Un sage inconnu : ton corps (Leib) qui est ta grande raison », écrit Nietzsche.
Lorsqu’on pratique un exercice comme l’Aïkido, le tir à l’arc, zazen (la méditation de pleine attention) ou la marche méditative, il est donc important de distinguer deux niveaux d’actions : le niveau des actions qu’il m’est possible de faire et le niveau des actions infaisables. La dimension spirituelle de la méditation commence là où vous vous sentez en contact avec l’infaisable, ensemble des forces agissantes que le zen considère comme étant « la vraie nature de l’homme ».
Apprendre ce qui ne s’apprend pas est la voie directe pour faire l’expérience de notre vraie nature, mode de participation de l’homme à l’universel.
Jacques Castermane