mardi 31 octobre 2023

Une présence attentive

Cécilia Dutter : « En certaines circonstances tragiques, seule une présence attentive représente une aide effective »

L’écrivaine et critique littéraire nous livre sa chronique. Avec cette question : lorsque quelqu’un vient se confier à nous, « est-ce si difficile de faire silence pour se concentrer sur la personne qui s’exprime ? » L’enjeu : s’ouvrir ensemble à la présence d’un Plus Grand que soi.


 Il est peu dire que l’individualisme forcené qui marque notre époque, l’hyper-accélération du temps dans lequel nous vivons, la recherche permanente de la performance et la marchandisation de toute chose, ne nous apprennent pas l’art, subtil et essentiel, de l’écoute, qui suppose, au contraire, de se tourner vers l’autre pour se mettre gratuitement à son service.

En cette période de Toussaint qui ravive la souffrance du deuil de nos chers disparus, quand un ami, un parent ou un collègue nous confie sa tristesse face à la mort récente d’un proche, nous sommes souvent démunis. Nous l’écoutons, certes, ou du moins, nous tentons de le faire, mais, souvent, notre écoute n’est que de surface.

« Notre insupportable ego ramène tout à lui »

Disons qu’au mieux, nous entendons quelques bribes de sa plainte et, très vite, nous avons la fâcheuse tendance à intervenir pour lui donner des conseils ou notre avis, donc notre jugement sur ce qu’il essayait tant bien que mal de nous dire avant que nous ne l’interrompions. « Si j’étais à ta place, je ferais… », « cela me rappelle la fois où je… », voilà le genre de phrases qui sortent de notre bouche et viennent aussitôt clouer malencontreusement la sienne. Quel est ce « moi-je » qui s’exprime alors qu’on ne lui demandait que de se taire et d’ouvrir grand ses oreilles et ses yeux pour saisir chaque détail, verbal ou non, de ce que l’autre souhaitait lui dire ?

Notre insupportable ego ramène tout à lui alors que, précisément, nous ne sommes pas à la place de l’autre qui vit les événements avec son propre ressenti, lié à son caractère et son histoire. Est-ce si difficile de faire silence pour se concentrer sur la personne qui s’exprime, s’imprégner de ses mots, entériner ses silences, ses soupirs ou ses pleurs, en lui témoignant, par notre regard et notre attention, une profonde compassion ?

L’aide que nous pouvons lui apporter se situe dans cette bienveillante empathie lui permettant de s’épancher et de desserrer le nœud d’angoisse et de chagrin qui l’étreint. En prenant du recul sur le chaos intérieur qu’il traverse, notre interlocuteur reprend peu à peu confiance dans ses propres ressources pour surmonter l’épreuve. Car lui seul est capable de retrouver des forces vives. Nous ne pouvons que lui tendre le miroir de notre regard afin qu’il les puise en lui.

« Être là », aux côtés de celui qui pleure


En un autre temps, dans les ténèbres de la Shoah, au sein du camp de transit de Westerbork où elle était détenue, face au désespoir de ses pairs juifs déportés qui arrivaient des quatre coins des Pays-Bas après avoir été raflés par l’ennemi nazi, Etty Hillesum écrivait ceci dans son journal : « Mon faire consiste à être là. » À 29 ans, elle avait déjà acquis cette sagesse de savoir qu’en certaines circonstances tragiques, seule une présence attentive, procédant d’une dilatation de l’être, capable alors de toucher le prochain dans sa vérité et sa fragilité, représente une aide effective.

Écouter l’autre, c’est, à l’image de cette somptueuse figure spirituelle qu’est Etty Hillesum, « être là » aux côtés de celui qui pleure, l’entourer de ses bras, compatir silencieusement à son sort, tout en témoignant, coûte que coûte, de notre confiance en lui et de notre foi en la Vie, dont le flux magistral, indépendant du cours conjoncturel et des épreuves qu’il charrie, jamais ne faiblit.

« Être là » pour rappeler, à travers soi, la présence d’un plus Grand que soi dans le clair-obscur du quotidien, lumière divine indiquant le chemin de l’Ouvert où tout respire à nouveau. Écouter l’autre dans le profond respect de sa personne, le laisser s’abandonner en accueillant et recueillant sa peine, l’envelopper de sollicitude sont une seule et même prière élémentaire à laquelle le Christ nous appelle : nous aimer les uns les autres.

Cécilia Dutter. Écrivaine et critique littéraire, elle a publié des romans, dont À toi, ma fille (Cerf), ainsi que des essais dont Etty Hillesum, une voix dans la nuit (Robert Laffont). Depuis la rentrée 2023, elle anime l’émission Écoute dans la nuit sur Radio Notre-Dame, diffusée aussi sur RCF.

Source :  La Vie magazine

---------------------


lundi 30 octobre 2023

Maîtrisez vos émotions.


Voilà un des grands chantiers qui vous attend sur votre route vers le bonheur: la maîtrise de vos émotions.

Voici quelques étapes clés vous permettant d’y parvenir:

• comprendre ce que sont les émotions, quelles sont les grandes émotions;

• comprendre quelles sont les émotions qui vous habitent régulièrement, vous en particulier;

• apprendre à vous situer de façon juste par rapport à une émotion : ne pas être emporté par l’émotion mais ne pas la refouler non plus. Être capable de lui donner un espace intérieur où l’émotion peut exister, dire ce qu’elle a à dire, sans pour autant vous dépasser et vous submerger;

• contemplez peu à peu la mécanique des émotions : leurs causes profondes, les situations qui les déclenchent, la façon dont elles se déploient puis disparaissent.

A mesure que vous franchissez ces étapes, vos émotions ne vont plus vous déstabiliser intérieurement. 

Elles apparaîtront en vous puis disparaîtront sans vous perturber, elles gagneront en fluidité. Elles ne se déclencheront plus à tout va.

Retenez l’image suivante: les émotions sont comme des vagues, plus ou moins grandes, qui surviennent en bord de mer. Vous pouvez rester sur la plage en refusant d’y goûter, alors vous êtes dans le refoulement. Vous pouvez vous jeter dans l’eau sans savoir nager et les vagues vont vous faire perdre pied et vous faire boire la tasse, vous êtes alors submergé par les émotions sans maîtrise aucune. Ou bien vous pouvez apprendre à nager dans les vagues, et même à surfer avec elles. Alors, vous ne refusez pas l’existence des vagues, vous vous appuyez plutôt sur leur énergie, bien au contact, bien vigilant, vous les laissez se déployer tranquillement en profitant des sensations jusqu’à ce qu’elles disparaissent d’elles-mêmes. Voilà ce qu’on entend par maîtrise des émotions.

Pour parvenir à cela, il vous faut cheminer intérieurement en prenant appui sur une méthode intérieure bien structurée.

Vous trouverez dans des ouvrages ou bien dans le cadre de voies spirituelles des méthodes efficaces dans ce sens.

Carl de Miranda


---------------




dimanche 29 octobre 2023

L'existence en Toi


 
La vérité est toujours là mais tu es trop complexe et trop distrait pour la voir. Il te faudra donc parcourir tout l’univers pour revenir la trouver juste sous ton nez. C'est le paradoxe de l'existence. C'est toujours toi, ça a toujours été toi, mais tu penses que c'est autre chose. C'est toi mais ce n'est pas le "toi" que tu voudrais être ou que tu penses être ; c'est le vrai Toi.

~ Mooji

***********


*********

samedi 28 octobre 2023

vendredi 27 octobre 2023

Ne vous dispersez pas

Le monde moderne a perdu de vue le chemin vers le bonheur véritable. Le modèle de vie qui nous est proposé conduit de nombreuses personnes vers la déprime, le stress, l’angoisse, l’ennui... Beaucoup se tournent maintenant vers le développement personnel ou les chemins spirituels car ils ne trouvent pas satisfaction dans le mode de vie occidental. Avez-vous déjà entendu dans le monde occidental que le bonheur est inhérent à la nature même de l’être, qu’il se trouve en nous-mêmes et qu’on y parvient par un cheminement intérieur? Non, le monde occidental nous fait croire que nous serons heureux si nous disposons d argent, de luxe, de notoriété, de pouvoir, de relations sexuelles, etc.

Ainsi, il nous faut naviguer habilement dans ce monde moderne. Ne le voyez pas pour autant comme un monde « mauvais » ou habité par « le mal ». Voyez-le plutôt comme un monde infantile, immature. Quand on sent du plaisir, on est heureux sur le coup, c’est vrai. De façon simpliste, le monde occidental est donc organisé pour maximiser le plaisir. Mais en restant à ce niveau-là, on passe nos vies à courir après des plaisirs passagers, en étant malheureux lorsqu’on subit les désagréments qui alternent avec ces plaisirs passagers. Vient un moment où notre être ne veut plus vivre de cette façon parce qu’il pressent qu’un autre bonheur est possible.

Ne vous dispersez pas dans le monde moderne qui fonctionne de façon immature. Inutile de vous retirer pour autant d'un monde que vous regarderiez avec condescendance. Il suffit simplement de vivre avec vigilance, en étant parfois inséré dans le monde, mais sans y être submergé. Soyez donc vigilants sur vos relations, vos activités, votre travail, vos loisirs, vos vacances… Essayez toujours de vous rappeler que vous voulez cheminer vers le bonheur véritable, et que les différentes influences autour de vous joueront plus ou moins positivement sur votre cheminement.

Carl de Miranda (100 conseils spirituels pour être heureux)


-------------------



jeudi 26 octobre 2023

Flocons de pensées

 Hier à la méditation, nous avons abordé un sujet sur lequel nous pouvons toujours revenir : quelle est notre intention en méditant ?

Avons nous une intention uniquement tournée vers notre bien être ?

Est-elle plus altruiste ? Est-elle orientée vers le bien de tous les êtres ? La réponse appartient bien sûr à chacun, mais la question mérite toujours d'être posée.

Nous avons ensuite parlé de nos pensées. Elles peuvent bien souvent nous emporter, surtout si nous n'avons aucune idée de quoi elles sont faites, si nous leur accordons une réelle et substantielle importance.


Les pensées peuvent être comparées à des flocons de neige qui quand ils arrivent sur une pierre très chaude, disparaissent instantanément en touchant la pierre, au lieu de s'accumuler en un gros tas de neige.

La pierre chaude c'est cultiver la présence pour être capable de voir la pensée surgir sans que nous ne fassions rien, de réaliser que cette pensée est insaisissable, on ne peut ni l'attraper, ni la retenir et quoi qu'on fasse (ou ne fasse pas) et elle disparaît sans laisser de trace, si ce n'est parfois d'entraîner une nouvelle pensée qui aura les mêmes caractéristiques.

Quand cela est vu, le flocon de la pensée disparaît en un instant, sans laisser de trace.

Cela est relativement facile à comprendre, mais apprendre à ne rien faire de nos pensées, à ne pas se laisser entraîner ou distraire par elles demande une attention bien aiguisée.

La question est : Souhaitez-vous vraiment vous y entrainer ? Ou préférez-vous être le jouet de vos pensées qui risquent de vous amener à poser des actes de façon uniquement réactionnelle, des actes posés sans aucune conscience et dont vous ignorez souvent les conséquences ?

Quelle est la solution qui pourrait vous amener à être vraiment heureux ?

Notez qu'il n'est aucunement question d'influencer la chute des flocons, de diminuer vos pensées. Cette intention-là ne pourrait avoir qu'un résultat très temporaire.

Je vous souhaite à tous une belle journée, laissant les flocons vos pensées s'évaporer grâce à la pierre chaude de l'attention.

Philippe Fabri

-------------------

mercredi 25 octobre 2023

Cherchez à mieux vous connaître

 


Le chemin vers le bonheur véritable est un chemin vers notre propre profondeur. Il n’est pas possible d’y parvenir en faisant abstraction de ce qu’il y a en nous. Cheminer vers la profondeur, c’est plonger de plus en plus profondément et traverser toutes les couches qui se superposent en nous, jusqu'à parvenir tout au fond de notre être. Les pensées, les émotions, les désirs, les sensations. internes, les structures inconscientes qui nous conditionnent... Peu à peu, il nous faut mieux comprendre qui nous sommes, comment nous fonctionnons.

Avec enthousiasme et innocence, ce travail de découverte de soi peut avancer rapidement. Voici deux exemples soulignant la nécessité de la connaissance de soi.

• Certains sont en quête de transcendance, ils sont motivés par le but spirituel ultime, le bonheur parfait, et pensent pouvoir passer directement de là où ils sont aujourd’hui à ce but ultime. Il est vrai que le bonheur parfait nous attend en nous-mêmes, déjà maintenant. Certains peuvent d’ailleurs avoir, à travers une expérience spirituelle, un aperçu temporaire du fond heureux de l'être ; pour autant, un état intérieur heureux, stable et résistant dans le temps nécessite que les différents aspects de notre vie intérieure soient connus et harmonisés, au moins dans une certaine mesure. Sinon, le flux de la vie aura vite fait de nous replonger dans ses hauts et ses bas.

• Certains se sentent particulièrement portés vers les autres, et pensent que c’est uniquement en rendant les autres heureux que l’on peut être heureux, et que la connaissance de soi est secondaire, facultative. Il est vrai que servir les autres, les rendre heureux, est en soi une pratique spirituelle très puissante, contribuant aussi à notre bonheur. Or, le service des autres devient d’autant plus puissant lorsqu’il s’accompagne d’un travail parallèle de connaissance de soi, car on est alors mieux à même de servir les autres selon leurs besoins, et non selon nos projections. En cherchant à mieux nous connaître, nous évitons aussi que le service des autres ne devienne une fuite de soi-même, qui tôt ou tard nous posera problème.

"Connais-toi toi-même." Socrate

Carl de Miranda (100 conseils spirituels pour être heureux)
-------------------

mardi 24 octobre 2023

Voyage au centre de soi


Cesse de vouloir être important ; que tes pas ne laissent aucune trace. 

Voyage seul comme le Tao au pays du grand silence.

Si un homme traverse une rivière et qu’une barque vide heurte sa propre embarcation, 

il ne sera pas offensé ou courroucé, quel que chaud puisse être son sang.

Mais si la barque est dirigée par quelqu’un, il se peut qu’il s’échauffe, hurlant et jurant, simplement parce qu’il y a un rameur.

Prends conscience que toutes les barques sont vides quand tu traverses la rivière du monde, et rien ne pourra t’offenser.

Tchouang-tseu

-------------------


Tu ne peux parler de l’océan avec une grenouille qui vit dans un puits : elle est limitée par l’espace qu'elle habite.

Tu ne peux parler de la glace avec un insecte né en juin : il est limité par une seule saison.

Tu ne peux parler du Tao avec une personne qui pense qu'elle sait quelque chose : elle est limitée par ses propres croyances.

Le Tao est vaste et insondable. Tu ne peux comprendre qu'en allant au cœur de toi-même.

Tchouang-tseu

------------------


Sans le concept d’un autre, il n’y a pas de moi séparé.

Sans le sens d’un moi, rien ne peut être vu comme autre.

Il existe une force qui conduit les choses, mais je ne sais pas ce que c’est.

Elle n’a ni forme ni substance, agit sans rien faire,

maintient l'univers entier en ordre, et semble aller parfaitement bien sans moi.

Tchouang-tseu

-----------------



lundi 23 octobre 2023

Sans contrôle...


Afin de vraiment grandir intérieurement,
vous devez d’abord être testé de toutes parts.
Les choses ne peuvent pas se dérouler
comme vous le souhaitez.
Vous ne pouvez pas contrôler la vie
ou vous attendre à ce qu’elle réponde à vos projections.
Si les choses étaient toujours faciles,
vous iriez dormir à l'intérieur de votre être.
À mesure que vous devenez plus sensible,
plus alerte, intuitif, ouvert et silencieux,
la peur, la résistance et la léthargie s'apaisent
et sont remplacées par un calme profond
et une foi dans l'invisible.
Même si aucune compagnie n'est vue à vos côtés,
celui qui marche avec Dieu n'est jamais seul.
~ Mooji

------------

dimanche 22 octobre 2023

« Jeter de temps en temps un regard en arrière »

Le prêtre et écrivain nous livre sa chronique. Il part d’un fait divers le concernant (son rétroviseur vandalisé) pour en extraire une réflexion toute spirituelle inspirée de la relecture de vie. Et s’interroge : peut-on avancer dans la vie sans jamais regarder derrière soi ?

J’enrage. Un homme s’est introduit sur le parc de stationnement où je gare ma voiture et s’en est pris aux rétroviseurs de tous les véhicules. Il aurait pu s’attaquer à d’autres pièces : aux phares, aux autoradios, aux GPS ! Mais non, ce monsieur-là n’en voulait qu’à nos rétroviseurs. Cet homme ne doit pas aimer regarder en arrière : cela lui est peut-être insupportable. Aurait-il mal compris l’expression de Jésus : « Qui regarde en arrière n’est pas digne du Royaume de Dieu » (Luc 9, 62) ? Ou craignait-il, comme la femme de Lot, d’être transformé en « statue de sel » si d’aventure il se prenait à regarder son passé (Genèse 19, 26) ? Peut-être : il serait dans ce cas excusable ; on aurait dû lui faire autrement le catéchisme !

La logique créatrice de Dieu


Si je le croise un jour, je lui apprendrai que le rétroviseur est un objet indispensable dans une voiture comme dans la vie, parce qu’il est nécessaire de regarder en arrière pour avancer correctement. Et je lui parlerai de cette « trouvaille » spirituelle développée il y a bien longtemps par Joseph Cardijn, prêtre belge, fondateur de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), pour aider des jeunes à bien poser leurs pas : le « voir-juger-agir »… Parce que non, la vie ce n’est pas un « casser-sourire-partir » que montrent les images des caméras de surveillance de mon immeuble.

Pour bien vivre, regarder de temps à autre dans le rétroviseur : sûrement pas pour s’enfermer dans le passé, mais pour y découvrir ce qui nous est vital, regarder les événements ou les rencontres dans la conscience que c’est de là que nous venons, et que le passé ouvre toujours un avenir. La vie est un chemin, donné et reçu, qui se dessine pas après pas, dans une continuité, jamais dans la rupture…

S’inspirer du « voir-juger-agir », c’est s’inscrire dans la logique de Dieu qui, dans le jardin d’Éden, se promène, contemple ce qu’il a créé au long du jour qui se termine, s’interroge et s’appuie sur cela pour s’aventurer ensuite dans une nouvelle étape de création. En se disant, soir après soir : « Mais que c’est bon ! »

Voir, juger, agir

Voir. Jeter de temps en temps un regard en arrière, faire mémoire d’une rencontre, d’un événement, même s’il est douloureux : il ne faut pas gommer le dur de l’existence. J’ai eu mal ? J’ai fait mal ? Même cela peut concourir à quelque chose de meilleur. Il est toujours possible de faire quelque chose de ce que nous avons fait ou de ce qui nous est arrivé.

Juger. Ce qui ne veut pas dire condamner le passé. Mais apprécier, évaluer, peser et mesurer. Trier les émotions qui n’ont pas à devenir nos maîtres. Dans un croisement avec la parole ouvrante de l’Évangile, y discerner l’appel à vivre. Ne pas vivre cette étape seul, car à vouloir avancer seul, les choses ne vont jamais très loin. Les autres nous aident à trouver la justesse et à regarder du côté où l’on peut vivre. Merveille : la sagesse de Jésus, mêlée à notre réflexion, provoque le mouvement, donne le goût du pardon et de la confiance. Elle sort de la tristesse et de la confusion. C’est là le signe de sa juste réception et de son efficacité.

Agir. C’est alors l’heure de la résolution. Invitation à avancer, à ne pas stagner dans l’amertume, dans le regret ou le remords. C’est l’heure de croire encore en soi et en l’autre. En se posant la seule question qui importe : le chemin que je dessine a-t-il un cœur ? S’il met en joie, c’est un bon chemin. Notre vie est trop courte pour qu’on l’habille tristement…

La vie est courte. La nôtre et celle des autres. Elle est fragile, précieuse. Nous serions sots de la gâcher. Avec saint Augustin, nous sommes faits pour chanter : « Au milieu des épreuves, ici, c’est l’alléluia de la route. Sans t’égarer, sans reculer, sans piétiner, chante et marche ! » (les Confessions).

Raphaël Buyse. Prêtre du diocèse de Lille, il est l’auteur notamment d’Autrement, Dieu et d’Autrement, l’Évangile (Bayard) et d’Il n’y a que les fous pour être sages (Salvator). Il vient de publier avec Chantal Lavoillotte, Visitation(s), vivre la rencontre à l’hôpital (Salvator).

Source : La Vie

**************

samedi 21 octobre 2023

Imprégner l’empathie de compassion

 Extrait du livre de Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l’altruisme...



Je discutais récemment avec une infirmière qui, comme la plupart de ses collègues, est continuellement confrontée aux souffrances et aux problèmes des patients dont elle s’occupe. Elle me disait que dans les nouvelles formations de personnel soignant, l’accent était mis sur la « nécessité de garder une distance émotionnelle vis-à-vis des malades » pour éviter le fameux burnout qui affecte tant de professionnels de la santé. Cette femme très chaleureuse, dont la simple présence rassure, me confia ensuite : « C’est curieux, j’ai l’impression de gagner quelque chose lorsque je m’occupe de ceux qui souffrent, mais lorsque je parle de ce “gain” à mes collègues, je me sens un peu coupable de ressentir quelque chose de positif. » Je lui décrivis brièvement les différences qui semblent exister entre la compassion et la détresse empathique. Cette différence concordait avec son expérience et prouvait qu’elle n’avait aucune raison de se sentir coupable. Contrairement à la détresse empathique, l’amour et la compassion sont des états d’esprit positifs, qui renforcent la capacité intérieure à faire face à la souffrance d’autrui.

Si un enfant est hospitalisé, la présence à ses côtés d’une mère aimante qui lui tient la main et le réconforte avec d’affectueuses paroles lui fera sans doute plus de bien que l’anxiété d’une maman submergée de détresse empathique qui, ne pouvant supporter la vue de son enfant malade, fait les cent pas dans le couloir. Rassurée par mes explications, cette amie infirmière me confia qu’en dépit des scrupules qu’elle avait de temps à autre, ce point de vue s’accordait avec son expérience de soignante.

À la lumière de ces recherches préliminaires, il semblerait donc logique de former à l’amour altruiste et à la compassion ceux dont le métier consiste à s’occuper quotidiennement de personnes qui souffrent. Une telle formation aiderait également les proches (parents, enfants, conjoints) qui prennent soin de personnes malades ou handicapées. L’amour altruiste crée en nous un espace positif qui sert d’antidote à la détresse empathique et empêche que la résonance affective ne s’amplifie au point de devenir paralysante et d’engendrer l’épuisement émotionnel caractéristique du burnout. Sans l’apport de l’amour et de la compassion, l’empathie livrée à elle-même est comme une pompe électrique dans laquelle l’eau ne circule plus : elle va rapidement s’échauffer et brûler. L’empathie doit donc prendre place dans l’espace beaucoup plus vaste de l’amour altruiste. Il importe également de considérer l’aspect cognitif de la compassion, autrement dit la compréhension des différents niveaux de la souffrance et de ses causes manifestes ou latentes. Ainsi, nous sera-t-il possible de nous mettre au service des autres en les aidant efficacement tout en préservant notre force d’âme, notre bienveillance et notre paix intérieure. Comme l’écrit Christophe André : « Nous avons besoin de la douceur et de la force de la compassion. Plus on est lucide sur ce monde, plus on accepte de le voir tel qu’il est, et plus on se rend à cette évidence : nous ne pouvons rencontrer toutes les souffrances que l’on rencontre dans une vie d’humain, sans cette force et sans cette douceur."

-------------------


vendredi 20 octobre 2023

Livre essentiel

 Après Sabine, c'est Gilles Farcet qui nous fait un retour...

A PROPOS DU DERNIER LIVRE DE DANIEL MORIN

TÉMOIGNAGE D’APPRECIATION ASSORTI DE QUELQUES RÉFLEXIONS


Je suis très sensible au dernier livre de Daniel Morin (qu’il annonce comme le dernier au sens où il ne prévoit pas d’en publier d’autres)

J’avais vraiment apprécié les précédents. Et il me semble que celui là est le plus fort, le plus essentiel. 

Ce n'est pas un livre facile. 

Même si le propos est en lui même simple et pour ainsi dire "tourne en boucle" autour des thèmes de la non séparation et de la demande d'impossibilité émanant de l'illusion de la séparation, il ne s'agit pas d'un de ces bouquins comme il s'en publie tant. 

Je pense à ceux , si nombreux, qui ressassent une ou deux notions de manière simpliste -ce qui n'est pas équivalent à simple. Ce que j'appelle parfois "la métaphysique à deux balles" ou l"e syndrome du médecin de Molière" (celui qui à chaque symptôme énoncé par le patient lui répond : "le poumon, le poumon, le poumon vous dis-je !")

La métaphysique simpliste prétend évacuer la complexité au nom de la simplicité, si bien que le propos est pauvre. 

Ici, il est riche.

La simplicité de la vision partagée inclut et articule autant que le permettent les limites du discours toute la complexité inhérente à l'humain, au relatif au sein duquel tout argument appelle son contre argument, toute proposition sa contre proposition, avec tous les malentendus potentiels et inévitables ... 

Bref, c'est un livre qui demande un effort, effort intellectuel mais pas seulement ; du coup c'est très bien qu'il soit court. 

A mon avis, et je sais pour avoir échangé avec lui sur ce point que Daniel souscrit à cette « mise en   garde », gare aux lecteurs qui pensent trop vite "avoir compris". 

En lisant ce livre, j'ai reconnecté avec Daniel tel que je l’ai connu notamment à Hauteville. Ce "génie" de la formule, cette approche si percutante... 

Je dirais que si sa vision a nécessairement mûri, ou pour s'exprimer comme lui, est devenu plus nette, je ne sens pas de différence majeure entre sa transmission à Hauteville et celle véhiculée par ce livre quinze ans après son départ de l'ashram. 

La différence, considérable,  tenant bien sûr au contexte et à la forme. 

Comme il le dit lui même, il n'accompagne plus les personnes, n'entre plus dans le détail de leurs existences et transmets désormais  rarement, (et, si j'ai bien compris, pour fort peu de temps encore) en dehors du contexte d'une lignée, d'une organisation, d'un lieu ...

Ce compte rendu peut être l’occasion de faire un point sur la perspective essentielle partagée comme sur les différences secondaires - en souhaitant que cela puisse être utile aux lecteurs concernés par ce qui nous anime l’un comme l’autre. 

La perspective que Daniel tente de partager n'a pas cessé de faire son chemin en moi depuis toutes ces années. 

Je peux sans doute dire qu'elle m'a appelé depuis le début de la recherche consciente. 

Je ne me suis pas « engagé sur la voie » parce que je me sentais mal ou étais en recherche de solutions, même si paradoxalement mon investissement "sur la voie" - ou peut être tout simplement le déroulement de l'existence-  a mis en lumière des difficultés, "failles" ou relatifs dysfonctionnements dont je n'avais auparavant aucune conscience. Cette perspective me parait avoir toujours été là, mais un peu "en sourdine". 

Et, depuis pas mal de temps maintenant, c'est comme si elle creusait son chemin en moi, prenait de plus en plus de place dans l'intime de ma perspective, au point que certaines (beaucoup, en vérité) des formulations de Daniel me sont apparues avant lecture de ce livre, parfois quasiment telle quelles dans l'expression. 

D'autres pointent dans la même direction. 

Par exemple, il m'est devenu évident que "personne n'est éveillé"  - c'est ce que je réponds quand quelqu'un me parle d'éveil ou d'éveillés , en ce sens que tout "éveil" personnel serait une impossibilité. Tout au plus certaines formes - personnes sont elles plus ou moins transparentes à et conductrices d'une perspective non séparée. 

Evident que jamais le relatif ne pourra concevoir et saisir l'absolu, que la partie ne saurait concevoir le tout. 

Qu'il n'y a pas "d'équilibre" à atteindre mais un axe à trouver, et à retrouver maintenant. 

Que la non séparation n'est pas la non distinction. 

Que toute forme, y compris celle du plus grand des sages, sera toujours conditionnée , même si possiblement non asservie ou moins identifiée à ses conditionnements. 

Que "les autres seulement" n'est pas égal à "le tout moins moi" mais inclut "moi" en tant qu'autre parmi les autres (c'est à dire « moi" non en tant que fantasme centre et référence du monde, du bien du mal, - l'ego centrisme-  mais "moi" en tant que cette forme par nature distincte tant qu'elle existe. 

Bref ...  

Aujourd'hui j'exprime essentiellement cela à travers la poésie. 

Disons que ce qu'on appelle « l'enseignement de Swamij" et la pédagogie qu'en a inlassablement donnée Arnaud se sont peu à peu reformulées pour moi à la lumière de mon expérience et de ma constante "contemplation de la nature du réel" - c'est une expression que j'emploie beaucoup.

"Digérez, assimilez faites en votre substance propre" -  dit une formule de Swamiji. 

C’est en effet ma conviction que l'"enseignement" vécu ne peut qu'être une re création, une ré invention, une re découverte par chacun dans sa forme, en harmonie avec cette forme ... 

Et que, du coup, si il y a fidélité, il ne saurait y avoir orthodoxie, cette non orthodoxie n'impliquant d'ailleurs pas un positionnement "rebelle" ou une dénonciation des orthodoxies... 

Je suis toujours, en vérité de plus en plus , émerveillé par la plupart des "formules" de Swami Prajnanpad - Swamiji étant pour moi quelqu'un qui énonce les lois régissant le vivant et nous invite dans notre intérêt à nous y conformer au lieu de marcher à contre courant.  

Et naturellement plein de respect, de gratitude et plus encore envers Arnaud.

Je me sens d’ailleurs à l'aise et en accord avec ce que Daniel énonce  pages 64- 67  de son livre en réponse à des questions sur son rapport à Arnaud. 

En ce qui concerne les "différences secondaires"...

La première différence, c’est que j'ai et me suis toujours senti, une vocation d'enseignant, de transmetteur. Et que j ai je tenu et tiens toujours à m'inscrire dans une lignée.  

Je précise qu'en réfléchissant à ce point à l'occasion de ce compte rendu, je ne cherche pas à justifier quoi que ce soit et encore moins à dénoncer du coup un positionnement autre (celui de Daniel ou de quiconque). 

D’aucuns voient, à mon sens bien trop rapidement et souvent pour des raisons émotionnelles dont ils n’ont pas eux même conscience, le besoin de s’inscrire dans une lignée comme une forme d'infantilisme, un besoin d'être "rattaché".

En ce qui me concerne et avec un peu de recul , je ne le crois pas,  même si rien n'est jamais blanc ou noir et est en constante évolution. 

Je ne demande pas à la lignée de valider ma transmission (même si dans les faits, cela rassure légitimement beaucoup de personnes que je sois en lien avec une lignée vivante ) et certainement pas de valider mon expérience qui est à elle même sa propre validation. 

Je ne vois pas non plus la lignée comme une continuité -  « le maître est mort vive le maître »- qui me parait absurde et relever d’un imaginaire, ce que j'appelle "la concession à perpétuité".  Le maître est mort mais tout va continuer « comme avant » … 

Eh bien non. 

Ce qui en nous a peur du changement et cherche partout des sécurités, y compris dans la perpétuation d'un "enseignement"  se rassure ainsi en surface... Et comme presque toujours, rien de ce qui est "prévu" n'advient, les constructions volent en éclat… Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser à l’histoire et aux vicissitudes de quantité de « successions » au sein de bien des lignées… 

Comme Daniel le souligne,  Swami Prajnanpad est très différent de son maître  Niralamba, lui même différent de son propre maître , etc etc. Arnaud Desjardins lui même ne  m’a-t-il pas glissé à l'oreille le jour de l'inauguration des « sanctuaires » à Hauteville  (une chapelle chrétienne y côtoie une mosquée et une salle d’étude juive ) : "Swamiji doit se retourner dans sa tombe" ...  

De fait, Hauteville , si l’on se place du point de vue  - à mon sens nul et non avenu- d’une orthodoxie « swamijienne » est à certains égards une « hérésie » . 

Par contre, je ressens de l'intérieur l'importance pour moi de la lignée, non en tant que continuité imaginaire dans une conformité  ou même "caution" (même si cette caution peut rassurer) mais en tant que chaine du vivant. 

En fait, la lignée n’est pas un rattachement plus ou moins imaginaire ou sentimental mais une donnée objective, à tous les degrés du vivant. 

Le vivant est fait de lignées dont les effets se font sentir sur les plans grossiers comme plus subtils. 

Ainsi, par exemple,  dans la maison où, suite à l’impulsion donnée par Arnaud,  prend place le centre de notre transmission, maison familiale depuis près de deux siècles, je suis très conscient d'une forme de continuité, du fait que des générations d'ancêtres ont habité ce lieu, qu'il m'a été légué par héritage et qu'il y a quelque chose d'heureux dans le fait qu'aujourd'hui cette demeure continue à servir et à accueillir...  

Si bien que dans la pièce dite de "recueillement", j'ai délibérément mélangé les photos de la lignée spirituelle et de ma lignée familiale ... 

Une démarche qui peut étonner, mais c'est pour moi le sens de la lignée , ce dont j'ai hérité et qu'il me revient de faire fructifier tant que je suis là et quoi qu'il advienne ensuite. 

La lignée spirituelle existe, pour ainsi dire objectivement. 

Comme tout héritage, elle peut être vécue de manière infantile, pesante,  contraignante, ou au contraire comme un souffle porteur, une richesse à faire fructifier au service du vivant. 

Dans cette perspective, le rôle , non d’un « successeur » mais d’un détenteur ou gardien de la lignée (« lineage holder ») peut s’avérer crucial.  Le fait qu’Arnaud ait dans ses dernières années désigné un « détenteur de la lignée » et non un » successeur » est à cet égard parlant. 

Autre point délicat, celui de l’accompagnement. 

Je comprends que Daniel ne se sente pas vocation de transmetteur et d'accompagnant. Dans mon souvenir, cependant,  il accompagnait à Hauteville avec beaucoup de finesse et de pertinence. Son bon sens, son expérience de vie alliées à la perspective dont  il témoigne faisaient souvent merveille. 

Je comprends qu’il ne s’y sente pas ou plus appelé et mène une existence tranquille. Je formule simplement le vœu que la bonté qui vit en lui trouve à rayonner. 

Quoi qu’il en soit, son livre est disponible et propre à nourrir celles et ceux qui sauront s’y exposer. 

A mon sens et encore une fois, moins vous prétendrez « comprendre », plus vous serez impacté par ce qu’émanent ces pages, au delà de l’articulation de mots et de concepts.

Bonne lecture et  au passage, gratitude à Jean Louis Accarias, éditeur de tant d’ouvrages essentiels pour notre lignée (Les lettres et entretiens de Swami Prajnanpad, les lettres d’Arnaud Desjardins …) et qui depuis des décennies, dans un contexte de plus en plus difficile, publie sans fléchir ce qui lui tient à cœur … dont les livres de Daniel Morin !

-----------------

jeudi 19 octobre 2023

Totalité pacifique


"Les gens ont le fantasme qu'une fois l'Illumination survenue, il n'y a plus de douleur. Il est imaginé que tout devient bien, beau, doux et léger tout le temps. Ce n'est pas vrai. La vie est, de par sa nature même, parfaitement belle et parfaitement douloureuse. Quelqu'un de plus poète que moi a dit qu'elle est comme lécher du miel sur une branche d'épines. 
Aussi longtemps qu'il y a de la vie dans l'organisme humain que nous appelons le sage, il y aura l'expérience de la beauté et de l'horreur, de la joie et de la peine.

Ce que nous appelons le bienfait de l'Illumination est qu'il n'y a pas de souffrance accompagnant la douleur. Il n'y a pas la plus petite impression que les choses, aussi douloureuses soient-elles, devraient être différentes, ou que ce qui est arrivé n'aurait pas dû se produire. Il y a la compréhension implicite que tout ce qui arrive fait partie d'un fonctionnement gigantesque, fait partie d'une immense tapisserie de Totalité. Quoi qu'il se soit produit est entendu comme étant inévitable. Il n'aurait pu en être autrement. Dans cette Acceptation, il y a la paix même au sein de la peine ou de la douleur la plus profonde."

Wayne Liquorman 🤍

----------------------


mercredi 18 octobre 2023

Le passé à digérer

 Charles Pépin : « Pour aller de l’avant, il faut prendre son passé avec soi »

[Interview] Du passé, ne faisons pas table rase. Le philosophe et romancier, qui vient de publier Vivre avec son passé, nous conseille de régénérer celui-ci pour s’en libérer.


Notre passé ne passe pas. Il n’est pas un bibelot poussiéreux que l’on peut abandonner sur une cheminée. Au contraire, il est extraordinairement vivace, surgissant dans le présent, sans prévenir, sous forme de réminiscences, de rêves ou d’émotions inexpliquées. Enfance, éducation, événements heureux ou malheureux, mais aussi lointaine histoire familiale : nous sommes faits de notre passé bien davantage que nous ne le pensons. Pour que nous soyons réellement libres, le « philosophe du quotidien » Charles Pépin nous incite à le cultiver et à investir le territoire trop souvent inexploré de notre mémoire. L’enjeu ? Comprendre qui nous sommes et aller de l’avant vers ce qui nous rendra heureux.

Plutôt que d’oublier, démarche souvent illusoire, se souvenir nous permet de mieux vivre avec nos fantômes, nos traumatismes et nos regrets. Car les neurosciences le confirment : il est possible de modifier son passé, sa marque parfois négative sur nous, sa nocivité. Saisissons-nous aussi du trésor des beaux souvenirs, cet « édifice immense » dont parle Proust, à portée de main, sur lequel nous nous attardons trop peu, embarqués malgré nous dans l’accélération généralisée de nos existences. Voyageons dans le temps, pour donner au présent sa véritable épaisseur, et pourquoi pas goûter dès ici-bas à quelque chose de l’éternité. C’est à un compagnonnage avec le passé que nous invite ardemment Charles Pépin, convaincu que s’y trouve une clé du bonheur.

Pourquoi écrire sur le passé ?

J’ai cherché une sagesse qui permettrait de bien vieillir parce que je suis entouré de gens qui ressassent, et que j’avais peur de leur ressembler ! En outre, les dernières découvertes des neurosciences sur la mémoire m’ont passionné, notamment celles concernant la plasticité cérébrale et le fait que nos souvenirs ne sont pas une donnée figée mais peuvent être « retravaillés » grâce à des thérapies. Enfin, l’idéologie moderniste selon laquelle on peut tourner la page, se débarrasser d’un passé trop pesant par une simple décision, m’agace. C’est faux et inefficace. Je défends l’idée que pour aller de l’avant, il faut prendre son passé avec soi. Je veux proposer une philosophie qui permette cela.


« Le passé ne passe pas », écrivez-vous. De quelle manière est-il encore vivace dans le présent ?

Nous le constatons lorsque nous vivons une réminiscence : une histoire d’amour, un moment de sa paternité reviennent parfois d’un coup, extrêmement, précisément, à la manière de Proust et sa madeleine. Cela montre que le passé est bien là, certes pas en permanence et de manière consciente, mais quelque part. Nous ressentons aussi parfois une forte émotion, comme de la colère, dont nous ne comprenons pas la cause mais dont la clé se trouve dans le passé. Il y a aussi nos rêves où certaines images convoquent une période ancienne qui vient se mélanger aux souvenirs plus récents.

Le passé n’est pas du passé. L’illusion qu’il est révolu nous entrave souvent au quotidien, car nous ne comprenons pas qu’il nous travaille encore. Il faut faire avec, l’étudier, l’accepter, puis parfois le mettre à distance mais certainement pas le balayer d’un revers de main.

Ignorer son passé créerait un « appauvrissement de nos existences ». C’est-à-dire ?

Notre identité n’est pas abstraite, mais le fruit d’une histoire, comme Bergson l’a magnifiquement montré. Ce que nous avons vécu se sédimente et fait notre identité. Coupés de notre passé, nous ne nous connaissons pas. L’identité sans mémoire est creuse. Le risque alors est de « flotter » ou de s’accrocher à des identités factices et rapides.

Nous retourner vers notre passé permet aussi de savoir ce qui compte pour nous et donc d’aller vers ce qui nous ressemble et nous rendra heureux. C’est à cette condition, par exemple, qu’une reconversion professionnelle peut être réussie. Nos souvenirs nous donnent des indices sur la manière de conduire notre avenir. Se tourner vers le passé et aller vers l’avenir ne s’opposent pas, à l’image du rugby où les joueurs courent en avant en faisant des passes arrière. La mémoire est une force d’avenir.

Pourtant, ignorer ce passé est parfois de l’ordre de la survie.…

Il existe des situations où pendant un moment qui peut être très long, parfois des décennies, il est impossible de revenir sur le passé car il est trop violent. C’est une question de survie. Cela a été le cas pour Jorge Semprun, par exemple, qui, de retour des camps d’extermination, a parlé d’« oubli volontaire » pour reconstruire sa vie. Beaucoup de femmes violées le vivent ainsi. Cela est légitime et nécessaire. Mais ce passé risque de revenir des années après sous forme de flashs traumatiques ou de névroses, d’émotions inexpliquées. Il faudra alors s’y confronter pour aller mieux. Jorge Semprun a fait l’expérience de cauchemars au terme desquels il ne savait plus si les camps étaient une expérience fantasmée ou réelle, s’il était encore là-bas ou pas. Il était rattrapé.

Même lorsque l’on dispose d’une force de vie qui nous fait aller de l’avant, il est dangereux de tourner la page car le passé risque de revenir d’autant plus violemment qu’il a été refoulé. En outre, nous pouvons intervenir sur un souvenir qui nous hante, il n’est pas figé à jamais, comme nous l’enseignent de nouvelles thérapies prometteuses sur la mémoire traumatique. Le cerveau se reconstruit sans cesse.

Les « leçons de vie » tirées de certaines expériences douloureuses peuvent être modifiées. Par exemple, une enfance difficile, avec un père absent et une mère pas aimante, nous fait conclure que nous ne sommes pas dignes d’être aimés. Or nous savons aujourd’hui qu’il est possible de casser cet « enseignement » par une courte psychothérapie. Il faut certes accueillir son passé, mais on peut aussi en diminuer la nocivité.

Une autre méthode, déjà développée par les stoïciens, est celle de « l’habituation » : au lieu de fuir une image qui me hante et reviendra inévitablement, il me faut m’habituer à cette scène douloureuse, la mort de mon frère, cet examen raté… en lui donnant des rendez-vous, en la convoquant et en la regardant en face, quelques minutes par jour pendant quelques mois. Ainsi il y aura une usure de la toxicité du mauvais souvenir. Cela marche très bien ! Il y a aussi la méthode de la « dilution » du mauvais souvenir dans des bons. C’est l’intuition de Jorge Semprun : « faire le plein » de bons souvenirs, qui feront ensuite la guerre aux douloureux.

Le passé, c’est aussi les souvenirs heureux…

Oui ! Ils sont un trésor à disposition que nous ne mobilisons pas assez ! Se souvenir des belles choses est décisif et très simple, à condition d’y prêter attention. Or nous sommes le plus souvent affairés par le présent et soucieux de l’avenir. Lorsque nous avons des flashs d’un bon souvenir, nous le laissons repartir sans lui donner une réelle place.

Proust nous donne une méthode pour y goûter réellement : il faut s’arrêter et être attentif, s’y attarder ne serait-ce que quelques minutes. Alors, au lieu d’être nostalgiques, nous sommes joyeux ! À la manière de Proust, nous pouvons nous souvenir non seulement de cette plage l’été, mais aussi de la blague lancée à ce moment-là, de l’orangeade que nous avons bue, etc. Le passé est présent. Nous avons le pouvoir de le faire revenir et de revivre un bonheur.

Épicure propose aussi de mesurer combien ce bonheur passé aurait pu ne pas être, et conseille de se remplir de son caractère miraculeux. « J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant », dit de manière tragique Prévert. Je milite pour que nous entendions « le bruit que le bonheur fait en revenant », lorsque nous le convoquons. Pour cela, il ne faut pas se laisser prendre par l’accélération généralisée de nos existences. Prenons soin de notre mémoire, par exemple en imprimant certaines photos de notre téléphone pour les regarder vraiment, au lieu de les faire défiler…

Comment existe la liberté si « nous sommes notre passé » ?

Si je considère la liberté comme la possibilité de faire ce que je veux, alors la conscience de mon passé entrave ma liberté. Mais cette vision est une illusion. Je propose avec Bergson de redéfinir la liberté comme le fait d’être pleinement soi et de faire des choses qui nous ressemblent et expriment notre personnalité. Cette liberté découle de l’examen de mon passé. Le passé n’est pas un déterminisme, mais un conditionnement.

Plus nous prenons conscience que nous aurions pu naître ailleurs, avoir une autre place dans la fratrie, plus nous pouvons reconquérir une réelle liberté et inventer notre avenir. Être dans le déni, en croyant comme Sartre que l’on peut s’arracher complètement à son passé, nous condamne à aller dans le mur, parfois en reproduisant des schémas sans le savoir ou en étant habité par le passé sous forme de névroses.

N’est-il pas illusoire de vouloir « prendre tout notre passé avec nous » ? Une partie nous échappe…

Nous ne pourrons jamais tout savoir de notre passé, mais nous pouvons identifier des grandes dates clés. En outre, bien sûr, notre passé n’est pas que le nôtre, il est aussi celui des générations précédentes, de notre classe sociale. Mais nous pouvons avoir une prise sur lui. Par exemple, Didier Eribon, dans Retour à Reims, analyse son rapport au monde, et comprend ce qui vient des générations passées. Une psychogénéalogie peut aussi nous faire comprendre certains fantômes qui nous hantent.

Tous les secrets de famille ne doivent pas être levés, et il faut parfois tourner le dos au passé, mais une vie et une liberté proprement humaines nécessitent de savoir qui nous sommes pour aller vers l’avenir. Les auteurs d’œuvres importantes ont une conscience aiguë du passé, comme les grands hommes et femmes politiques capables de parler à un peuple parce qu’ils savent faire résonner son histoire. Nietzsche nous prévient : si tu ne sais pas de quoi tu es l’héritier, tu ne pourras rien fonder.


N’avons-nous pas besoin de rites pour faire mémoire ?

Nous avons besoin d’être invités à nous souvenir, comme lors des enterrements, par exemple dans la culture juive où l’on se rassemble une fois par semaine pendant deux mois pour cultiver le souvenir du défunt. Sans ces rites, nous sommes pris dans la hâte du présent et ne pensons pas suffisamment à nos morts. Nous en souffrons, ils nous manquent. Pourtant lorsque nous y pensons réellement, nous arrivons à les rendre vivants et à passer ce cap qui consiste à vivre et à prolonger le dialogue avec eux.

Nous pouvons goûter alors à quelque chose de l’éternité. De quelle manière ?

Nous raisonnons beaucoup en trois blocs – passé, présent, futur – distincts. Pourtant, Proust, Bergson et Freud disent la même chose : il n’y a pas de linéarité du temps, tout est mélangé dans une étrange simultanéité. Pour Bergson, ce que l’on a vécu persiste indéfiniment : lorsque je me retourne vers mon passé, que je me souviens de moi à 7 ans dans ce jardin, à 15 ans dans ce lycée, à 40 ans dans cette entreprise, il me semble que je touche à l’existence du moi, qui reste constant dans tous ces moments. C’est bien la même personne à chaque fois.

Au cœur de ce travail de mémoire, je sens quelque chose d’immuable qui est mon âme, une permanence de mon moi, et donc quelque chose de la vie éternelle. Proust considère que l’expérience de la mémoire peut nourrir une espérance en la vie éternelle.

Ne vivons-nous pas aussi des moments de « pur présent » ?

Il y a une mode « d’habiter le présent ». Pour traverser certains traumatismes et constater que je ne suis plus dans ce passé qui m’a fait mal, cela peut être utile. Mais, au-delà, le « pur présent » me paraît illusoire, car en réalité, nous vivons l’instant en étant le fruit de notre passé. Déguster un bon vin, en savourant l’instant présent n’est possible que parce que, comme le dit David Hume, un apprentissage a mené à cette « délicatesse de la perception ». Celle-ci est toujours imprégnée de souvenirs et d’éducation. L’idée de « pur présent » appauvrit l’existence.

Bien sûr, ce retour sur son passé est moins important à 17 ans qu’à 60, mais chaque seconde qui passe s’enfuit dans le passé, et nous commençons à vieillir très jeune ! Vivre, c’est accumuler du passé, comme une matière à portée de main qui peut nous indiquer où sera notre bonheur futur. Assouplissons notre rapport au passé, comme nos articulations, afin de bien vieillir et de ne pas devenir un « vieux con ». Pour vivre avec son passé, et non dans son passé.  

----------------

source : La Vie

lundi 16 octobre 2023

L'essentiel à lire...

Texte de Sabine Dewulf : 

Je vous avais promis, il y a quelque temps, une note de lecture à propos du dernier livre de Daniel Morin. La voici ! 

Daniel Morin, "Je, ne sait pas", éditions ACCARIAS / L’ORIGINEL, 2023. Jean-Louis Accarias


Ce nouveau livre de Daniel Morin, écrit en dépit de toute la « résistance » de celui qui fut ouvrier métallurgiste pendant tant d’années et ne se considère pas comme un enseignant spirituel, me paraît incontournable dans cette quête de « l’impossible » que mènent les chercheurs spirituels. Et ce, pour au moins deux raisons. 

D’abord parce qu’il est direct, tranchant, va droit à l’essentiel. Avec lui, la métaphysique est une lame de couteau, elle découpe des phrases simples et denses, où la stupidité apprend à voler en éclats : « Le plus loin où un homme puisse aller, c’est là où il est. »

Ensuite parce qu’il témoigne avec constance du paradoxe qui fonde toute spiritualité digne de ce nom : horizontalité et verticalité (immanence et transcendance) sont indissociables. Ce paradoxe implique le fait, par exemple, que la « distinction » « unit » au lieu de séparer. Or, trop souvent, les enseignements dits spirituels privilégient l’une ou l’autre des polarités qui forment nos contraires en se coulant dans le discours, univoque par nature. Tenir les deux dimensions ensemble, celle de l’Absolu et celle du relatif, relève d’une approche différente, où la métaphysique se livre sans concession, où rôde même la poésie : « La vie, c’est l’immobilité qui danse. »

Il est, dans ce livre, beaucoup question de l’ « équilibre » : l’équilibre relatif, produit par d’incessants mouvements, n’est que l’ombre d’un équilibre parfait, parfaitement immobile, inconcevable pour notre raison dualiste. Le vrai déséquilibre ne se situe qu’entre la réalité et l’idéal que l’être humain projette sur celle-ci : « Il y a bien un je de référence, mais qui n’est pas possesseur de son histoire. Le moi-conducteur est ouvert à ce qui est, et le contexte va appeler la réponse. Il n’y a pas besoin de moi pour que l’acte se fasse, même s’il y a bien une forme je qui va être active. » Lorsque le « je » (ou le « moi ») prend conscience du fait qu’il « ne sait pas », il prend conscience par là même de son absence de liberté personnelle : « D’un point de vue absolu, personne n’a le moindre libre-arbitre. Personne ne peut décider un acte à partir de lui-même en oubliant ce qui permet que cela soit. » Il peut alors revenir à ce qui permet son existence, la source ineffable, ou Totalité immuable, encore appelée par l’auteur « le Grand Je ne sais pas ».  

L’ouvrage est constitué de deux grandes parties : la première comporte un prologue, une introduction et cinq chapitres thématiques successivement intitulés « L’équilibre », « L’espèce humaine », « Moi je », « La frontière, la limite, la non-séparation » et « La psychologie impersonnelle » ; la seconde section, la plus longue, est constituée de Questions/Réponses et suivie d’un épilogue. 

Daniel Morin n’enseigne pas, il répond simplement à des questions qu’on lui pose, trois jours par an. Ce qu’il aime dans ces échanges, c’est « faire vibrer le lien ». Son écoute est singulière : « […] quand une personne pose une question, je n’écoute pas vraiment ce qu’elle dit mais j’essaye de sentir ce qu’elle ne veut pas dire. » Il éclaire le présent, le déjà-là, mais ne s’offusque jamais de ce que nous demeurions dans l’illusion : « Le problème, c’est que tu veux une certitude dans le futur. Tu peux simplement revenir au présent : « Qu’est-ce que je peux faire ? » Et peut-être que la réponse immédiate sera : « Je ne sais pas. » Le seul problème que vous n’énoncez pas, c’est vouloir autre chose à la place de ce qui est. » Inlassablement, il redit, avec des variations subtiles, des angles de vue légèrement différents, ce qu’il a toujours martelé, frappé du coin de l’évidence : « Par son arrogance, l’humain veut autre chose à la place de ce qui est pour se rééquilibrer par la pensée, en imaginant un ailleurs qui n’existe pas. J’appelle ça se shooter à l’imaginaire. » Ou encore : « Ce qui met à mal l’équilibre de la société, c’est le virus de la croyance d’être une entité séparée autonome. » 


Dans ces dialogues, il revient sur ce qui fonde sa propre expérience : le moi n’est pas possesseur mais conducteur ; on ne peut approcher l’absolu qu’en vivant complètement dans le monde relatif ; l’absolu est indicible ; la Totalité est parfaitement immobile et elle est inconcevable pour notre esprit ; le seul problème que nous rencontrons, c’est que nous désirons qu’il y ait autre chose à la place de ce qui est déjà là ; la séparation n’existe pas… Il décrit aussi sa relation passée avec Arnaud Desjardins, en notant que les différences de forme n’affectent pas l’identité de leur vision de l’essentiel. Il évoque également la relation maître-disciple, la réincarnation à laquelle il ne croit pas… Il distingue la « douleur » de la souffrance » et définit la peur comme « la peur de perdre » et l’oubli de notre lien avec le désir. Il reprend la métaphore saisissante de l’eau et des glaçons pour démonter notre croyance en la séparation, ainsi que le grand thème de la « demande d’impossibilité », qui est en fait une « demande d’imbécillité ». Il tente enfin de peindre cette « tranquillité de base » qu’il vit de manière constante, à partir de l'axe de ce qu'il appelle le moi-zéro, quelles que soient les circonstances et les expériences vécues, si désagréables soient-elles. 

D’une manière saisissante, les mots de Daniel Morin nous permettent d’entrevoir un véritable abîme métaphysique, un vide plein de l’Être, un vertige d’expérience à la fois radicale et d’une immense simplicité.

J’aime terminer mes notes de lecture par un florilège de citations. Je les ai ici choisies pour leur pouvoir décapant ou poétique. Elles sont à savourer, à se redire, si l'on veut s'extirper de cet imaginaire où la pensée toujours s’englue, afin de voir ce qui se présente à nous, au lieu de le penser...

« Où est le contour de l’arbre qui bouge dans le vent ? […] Où est la limite de votre corps quand vous fermez les yeux ? »

« Il y aura l’action sans bénéficiaire, il y aura l’acte sans acteur. »

« Le ressenti n’a pas d’extérieur. » 

« On ne peut pas atteindre ce qui est déjà là, c’est-à-dire l’expression de l’indéfinissable. »

« L’acceptation totale du relatif, c’est l’absolu. »

« On est tous exactement à notre place, comme le vent qui passe dans les branches de l’arbre, les feuilles qui bougent exactement comme elles doivent bouger. »

« Dans responsabilité, il y a réponse, c’est-à-dire la réponse la plus juste en tenant compte du contexte. »

« La vraie liberté, c’est l’acceptation parfaite, la non-discussion de la non-liberté ». 

« La clé, c’est la non-discussion absolue de ce qui est. »

« Tout mouvement est généré par la loi de recherche d’équilibre dans le relatif ».

« Ce n’est pas toi qui cherches, c’est la danse de la vie. »

« […] on ne peut rien rajouter ni enlever à ce qui est déjà là. »

« Toute pensée qui n’aboutit pas à un acte est une pensée inutile. » 

« On est reliés par ce que l’on ignore. »

« […] la partie est toujours pleine de la substance du Tout. » 

« […] refuser nos limites revient à refuser l’infini. »

« Le mouvement, c’est la différence dans le temps. »

« l’Unicité, c’est la multiplicité reliée, interdépendante. »

« Moi + non-moi = le Tout. »

« Le relatif et l’Absolu sont toujours au même endroit. »

« l’Être étant l’extension du non-Etre, / le non-être étant la contraction de l’Être. »

« « Je, ne sait pas », tout simplement parce que « je » n’est pas un sujet séparé de son extériorité mais le reflet de ce jeu entre Rien et Tout. »

**********************

dimanche 15 octobre 2023

Sourire aux ténèbres


 « Au milieu des ténèbres, je souris à la vie…

Alors, je cherche une raison à cette joie…

Je crois que la vie elle-même est l'unique secret. 

Et la vie chante aussi dans le sable qui crisse 

sous les pas lents et lourds de la sentinelle…

...

Une seule chose me fait souffrir : devoir profiter seule de tant de beauté. 

Je voudrais crier par-dessus le mur : 

je vous en prie, faites attention à ce jour somptueux !

N’oubliez pas, même si vous êtes occupés, 

même si vous traversez la cour à la hâte, absorbés par vos tâches urgentes, 

n’oubliez pas de lever la tête un instant 

et de jeter un œil à ces immenses nuages argentés 

et au paisible océan bleu dans lequel ils nagent. 

Faites attention à cet air plein de la respiration passionnée des dernières fleurs de tilleul, 

à l’éclat et la splendeur de cette journée, 

parce que ce jour ne reviendra jamais, jamais ! 

Il vous est donné comme une rose ouverte à vos pieds, 

qui attend que vous la preniez, et la pressiez contre vos lèvres 

...

Ma chère Sonitschka, il y a tant d'insouciance dans ces nuages qui passent, comme un sourire indifférent, que je n'ai pu m'empêcher de sourire moi aussi, car je suis toujours en accord avec le rythme de vie qui m'entoure. 

Devant un tel ciel, comment pourrait-on être méchant ou mesquin? 

N'oubliez jamais de regarder autour de vous, 

vous y trouverez toujours une raison d'être indulgente. »


Rosa Luxembourg 1871-1919 / Lettres de prison - extraits

photographie: Clarence H. White 1871-1925

----------------


samedi 14 octobre 2023

Hommage à Hubert Reeves

Il aimait les étoiles et les arbres ! 



"Les mots « espèces nuisibles » et « mauvaises herbes » ne sont que le reflet d’un préjugé séculairement ancré, selon lequel les plantes et les animaux sont là pour nous servir ou nous réjouir, et que nous avons sur eux un droit discrétionnaire. Ces mots sont la traduction directe de notre égocentrisme (ou anthropocentrisme), de notre ignorance et de notre étroitesse d’esprit. Les animaux considérés comme nuisibles ne le sont que par nous, et il en est de même des herbes prétendues mauvaises. En réalité, nous ne sommes qu’une espèce parmi tant d’autres. Ajoutons, en passant, que, face aux extinctions multipliées d’espèces dont nous sommes aujourd’hui responsables, nous mériterions, seuls, le qualificatif d’espèce hautement nuisible à l’harmonie et à la préservation de la biodiversité."
Hubert Reeves


Dialogue avec les arbres millénaires



----------------------

vendredi 13 octobre 2023

Croisée des chemins

 


Peu de personnes comprennent vraiment la nature du Travail.

L'Absolu et le relatif s'y donnent la main, le quotidien et l'intemporel.

Selon notre nature, notre structure de personnalité, un des deux pôles y est souvent privilégié et l'autre oublié, mais il nous faut tenir les deux aspects sous peine de se perdre.

Arnaud m'avait écrit, "un éleveur de papillon prend grand soin des chenilles" . De fait les deux sont nécessaires. Sans l'un, l'autre n'existe pas. Et nous devons respecter et entretenir les deux aspects en nous. Si l'on oublie l'un, on perd l'autre.

L'être humain ne peut trouver la paix et le bonheur qu'à la croisée des deux et l'accompagnant l'a compris et le vit. Il n'a pas peur de sa grandeur, ni de son humanité faillible .

Il ne prétend pas à une perfection illusoire désincarnée, ni au tout horizontal sans Verticale comme seul possible . Il vit à la croisée des deux et en comprends les différents aspects chez chacun.

Pascal Caro

------------------

jeudi 12 octobre 2023

Le son du silence

 Hier, après avoir rendu hommage à Lama Teunsang, nous avons médité sur les sons.



Nous avons développé quelques points :

- entendre ne demande aucun effort, il n'y a rien à faire pour entendre,

- nous ne choisissons pas les sons que nous entendons,

- le paysage sonore change d'instant en instant et n'est jamais identique,

- quand les sons ont disparu où sont-ils ? qu'en reste-t-il ?

- nous fermons les yeux pour mieux écouter, mais nous entendons aussi bien les yeux ouverts,

- Focaliser son attention sur les sons fait-il disparaître les pensées ?

- Où se situe le son ? Où il a été produit ? Dans mon oreille ? Dans mon cerveau ? Dans ma conscience ? Partout ?

- Qui entend le son ?

- Ne suis-je pas semblable à un océan de silence au sein duquel les sons se manifestent, semblables à des vagues ?

- Le silence de l'être, comme l'océan, est toujours présent. Les sons, tels de vagues, se manifestent au sein du silence.

- Ce silence de l'être pointe vers cette paix que nous sommes au cœur de nous-mêmes.
Philippe Fabri-----------------