Lorsqu’une fois, dans la rencontre avec une autre personne, on regarde dans ce miroir de l’attention, qu'on regarde jusqu'au bout, on peut découvrir dans le visage de l’autre les yeux de son propre regard et les traits d’une personne qui n’est personne. Visage sans nom et sans forme que je reconnais en chaque personne, en chaque forme. Visage unique, visage universel, qui en tant qu’homme dit « moi ». Quel curieux miroir, quel miracle dans ce miroir, quand on « mire » jusqu'au bout.
C’est cette expérience d’éveil qui transforme toute la personne. C’est cette expérience qui change le regard. Quand le regard change, tout change.
Comment pourrait-on maltraiter ce visage, cet autre moi ?
Comment pourrait-on le regarder sans éprouver le plus grand respect ? On aimerait s’incliner à chaque rencontre et tout faire pour n’être qu'à son service.
Et si cette autre personne nous maltraite ? Peut-être, à ce moment, avons-nous perdu le regard qui change tout ? Une expérience de vue profonde change tout, mais pas pour toujours. Graf Dürckheim disait souvent : « L’expérience de l’Eveil ne fait pas encore un éveillé. » Mais ce qui importe à partir d’une expérience authentique c’est qu’on reprenne la pratique de l’attention, chaque fois que l’on se rend compte qu’on l’a perdue. Et si, dans la souffrance qui a pour cause une offense, on reprend cette pratique, l’attention va peut-être nous conduire à travers la douleur de la désillusion à la découverte de notre ombre. Et c’est seulement en acceptant le côté sombre en nous-même que nous retrouverons la qualité de présence dans laquelle tout évènement devient transparent à la présence de l’Être-dans-tous-les-êtres.
Silvia OSTERTAG
extrait du livre « Cheminer »
paru à Terre du Ciel (97).