On dit qu'il y a tellement d'humains, mais tellement peu d'humanité : c'est le discours ambiant. Comme une morosité qui prend le dessus, un gris de gris qui cherche à recouvrir l'Histoire : il n'est pas juste de s'y enfermer.
Il suffit de regarder autour de soi pour s'en apercevoir : il y a tant de bonté autour de nous. Seulement voilà, elle ne fanfaronne pas. Elle est sans boursouflure et sans brio. Non qu'elle cherche à se cacher, mais c'est dans sa nature de se déployer dans les replis. Elle soulève. Au jour le jour, elle dément le mauvais air qui véhicule des rumeurs de « mal/heur », de « mal/adresse», de « mal/veillance », de « mal/adie » du monde. Elle prophétise le possible. Elle le fait exister. Elle est, dit encore Madeleine Delbrêl, « la traduction du mystère de la charité ». Elle prend sa source loin. Certains en vivent sans même savoir qu'elle est, pour le monde d'aujourd'hui, la signature de Dieu. La bonté n'est pas une idéologie, un discours codifié, une technique consolatrice, mais un langage, une relation, une chaleur. Au commencement du monde, Dieu parlait déjà cette langue : « C'est bon », dit Dieu, à chaque jour de création. La bonté a cette vertu transformante de rendre unique et radicalement nouveau chaque moment où elle s'exprime et chaque personne qui en bénéficie. Elle guérit. Elle confirme que nous existons.
La bonté ne s'apprend pas dans les livres. Ceux qui l'enseignent sont rarement ceux qui pensent êtres des maîtres, ceux qui ont des poches trop pleines ou l'esprit suffisant. Elle se révèle comme la langue maternelle des plus simples, des plus petits et des plus humbles : c'est d'eux qu'on peut l'apprendre. Leur vie est une école. Septembre est là. Les jours raccourcissent. Et la vie passe. Seule la bonté protège la lumière. « Le jour où nous consentons à un peu de bonté est un jour que la mort ne pourra plus arracher du calendrier » (extrait de Ressusciter, de Christian Bobin, Folio).Elle porte en elle un germe d'éternité.
Raphaël Buyse
(source : La Vie)
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