Est-ce quelque chose qui est toujours là, et auquel on doit se reconnecter, en quelque sorte, ou bien est-ce quelque chose qu’il faut développer, comme on développerait un muscle par exemple ?
Hara, n’est pas de l’ordre du faire. L’acte de respirer n’est pas à faire. Chaque jour, au cours de la pratique de la méditation de pleine attention, je suis saisi par l’étonnement : En ce moment je inspire et « moi » je n’y suis pour rien ; en ce moment je expire et « moi » je n’y suis pour rien. C’est dans ce « je n’y suis pour rien » que je fais l’expérience d’être centré (hara). Expérience momentanée du calme intérieur, du silence intérieur. S’impose alors la question : comment faire, ou quoi faire, pour devenir celui que je découvre dans cette expérience. Je ne peux donner qu’une réponse à cette question : c’est une bonne raison pour reprendre l’exercice demain.
Ce sont donc principalement les pensées qui font obstruction à l’expression de cette vitalité ?
Je crois que les pensées ne font obstacle à rien. Au cours d’une sesshin, j’avais dit à un roshi, un maître japonais : « Comment puis-je faire pour ne plus penser ? J’ai l’impression que dans la pratique de la méditation, ou les autres exercices, la pensée est tellement souvent présente, obsédante... » Il m’a dit « Soyez heureux que vous pensiez encore. Si vous ne pensez plus, c’est que vous êtes mort. Mais ne vous attachez pas à vos pensées. » Il ne s’agit pas de crier haro sur les pensées, mais de se glisser dans le sentir. Le corps vivant est un champ de conscience à travers le sentir. Tout ce qui se présente à l’être humain, comme à l’animal, se présente à travers les sens. Il n’y a pas de sensation qui serait possible il y a 10 minutes ou dans 10 ans, c’est donc une plongée dans le moment présent, et hara c’est aussi ça : vivre le moment présent. Se glisser dans le sentir ! Pour Graf Dürckheim c’était vraiment un travail fondamental. Un jour il m’avait dit « vous savez, il y a deux approches du réel : notre approche habituelle du réel, c’est le concept, la pensée. L’homme occidental pense le réel comme étant un ensemble d’objets. » Entre parenthèses, l’homme occidental fait du hara un objet de la pensée, ou un objet qui serait quelque part dans le corps vivant.
Et il poursuit « Ce que j’ai appris pendant mon séjour au Japon, pendant une dizaine d’années dans le monde du zen, c’est que l’homme oriental voit le réel comme un ensemble de proces-sus, un événement. Tous les exercices que vous pratiquez ont pour but, au fond, de ne pas rester enfermé dans cette seule approche du réel, « la pensée », et de découvrir l’autre approche du réel, à travers « le sentir ».
'Tous les exercices que vous pratiquez ont pour but, au fond, de ne pas rester enfermé dans cette seule approche du réel, « la pensée », et de découvrir l’autre approche du réel, à travers « le sentir ».'
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