vendredi 16 mai 2008

Pourquoi toujours tout prévoir ? (extrait n°2)

Voici un deuxième extrait du livre de Moussa Ag Assarid "Y a pas d'embouteillage dans le désert" (que j'ai continué de lire ce matin, dans un embouteillage).

"J'ai toujours vécu au jour le jour. Dans le désert, quand il n'y avait plus de pâturages, nous partions ; quand il y en avait encore, nous restions. Nous n'avions rien à prévoir. Nous nous laissions simplement bercer par les mouvements de la nature.
A Angers, la veille de mon premier jour à l'université, mon ami Jean-François me demanda à quelle heure il devait régler le réveil. Je fus très sur-pris par sa question. Au Mali, nous nous réveillons avec le soleil. Même à Bamako, nous nous levons tous à l'aube avec les chèvres, les voitures, les cris des enfants. Nous ne connaissons pas la grasse matinée. Il n'est pas question d'heures, mais de
lumière.
Je vécus alors l'angoisse du réveil. Cet horrible bip-bip qui déchire les rêves. J'appris à enfermer les journées dans des horaires car j'étais toujours en retard ; préférant vivre dans le temps qui s'écoulait, je ne le structurais pas. Jean-François m'offrit un agenda et je dus me fondre dans des emplois du temps.
Longtemps je me suis demandé comment les hommes faisaient pour s'organiser à l'avance, sans laisser aucune place à l'imprévu. En prévoyant sa vie, comment fait-on pour l'inventer ? Dans mon agenda, je laisse des espaces vides pour le hasard, une respiration pour l'inattendu. Je tiens à me laisser porter par l'infinie variété de la vie qui sait nous aider quand on ouvre les yeux.
Dans le désert, nous sommes si attentifs aux moindres pulsations de la terre que nous savons, lorsque nous sommes perdus ou quand nous cherchons un puits, qu'un signe nous guidera. Nous avons confiance, alors nous n'avons pas besoin de prévoir.
On part et on se laisse surprendre par les aléas de la route."

Observer plus et jardiner moins... par Gilles Clément

Gilles Clément, un sage en son jardin ou "Quand l'homme se fait jardinier humaniste et décide de s'adapter à la nature plutôt que de prétendre la dompter"...
Il applique des principes bien arrêtés comme fil d'Ariane :
- le jardin ne recevra ni engrais, ni pesticides, ni assistance d'arrosage;
- il ne sera pas fixé une fois pour toutes et tout changement naturel sera accueilli favorablement;
- il ne sera pas l'objet d'une lutte incessante contre la nature, qui transforme le jardinage en travaux forcés;
- la dynamique naturelle du vivant sera apprivoisée pour la guider vers une "forme de jardin".

A propos de la prairie :
Enfant, Gilles Clément courait sans relâche à travers cette lande, à la recherche des plus beaux spécimens d'insectes et de papillons. Revenu sur ces terres, il a constaté que nombre d'entre eux se raréfiaient et l'idée a alors germé : celle de la création d'une réserve de vie, sous la forme d'une prairie fleurie adaptée au sol – acide et pauvre – et suffisamment diversifiée pour accueillir le maximum d'insectes et de papillons. «Soyons réalistes, le gazon ne nourrit ni n'abrite personne. C'est même, du point de vue de la biodiversité, un espace stérile. La prairie, elle, engendre la vie et conditionne la diversité des insectes, laquelle détermine ensuite le nombre d'espèces d'oiseaux », explique le paysagiste.
source : les 4 saisons n°170 mai-juin 2008.