Saint Augustin prononce, dans ses Confessions, cette célèbre phrase : « Ne t’égare pas au-dehors, rentre en toi-même, c’est dans l’homme intérieur qu’habite la vérité. » Voilà qui convertit ma tendance quasi congénitale à importer de l’extérieur les opinions, la joie, le réconfort. Augustin a conscience que le but de l’effort humain, c’est le bonheur. En ce sens, il s’inscrit dans la tradition et rejoint Aristote. Il ajoute, parlant à Dieu : « Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos jusqu'à ce qu'il repose en Toi. » Ce qui me plaît chez cette âme fougueuse, c’est cet élan vers le repos. Sans concession, il chemine et progresse. Car la félicité ultime ne peut se recevoir dans l’illusion de l’extériorité. Autant dire dès lors que la vérité libère, qu’elle nous délivre de nos vaines aspirations, de la poursuite des faux biens. Dans leurs voies, nous croyons saisir le bonheur et plus nous voulons mettre la main dessus, plus il nous échappe.
La suite, nous la connaissons, c’est l’insatisfaction, l’aliénation, bref, toutes ces chaînes qui nous meurtrissent. Augustin dessine un chemin à l’écart de ces travers, travers qu’il a lui-même empruntés non sans amertume. Il sait de quoi il parle. Le suivre, c’est peut-être ne jamais s’installer hors de soi et prendre pour guide la vérité. Mais comment l’accueillir ? Comment prétendre en faire sa compagne ? Certes, il y a deux extrêmes, celui qui préfère crever plutôt que d’avoir tort et la girouette, celui qui raisonne au gré des modes et qui mendie à l’extérieur quelques convictions qu’il peine à entrevoir en lui. Comment éviter à la fois le subjectivisme total et le dogmatisme le plus frénétique ? Précisément, peut-être, en rejoignant l’intériorité, en abandonnant peu à peu la surface, en plongeant carrément au fond de son être, c’est un peu comme les sous-marins qui quittent l’eau tumultueuse des surfaces pour gagner les bas-fonds inaccessibles aux tempêtes. Pour Augustin, c’est y rencontrer le maître intérieur, l’écouter, engager un dialogue avec lui. Dialogue qui n’est que pure écoute. On est loin des débats, des inutiles discussions. Vivre dans les profondeurs, c’est éviter tout bavardage. Ainsi, quand l’émotion me gagne, lorsque par exemple la crainte me prend, je peux trouver l’audace d’entrer dans le sous-marin pour séjourner un peu plus bas, et prêter une oreille attentive aux murmures silencieux. Y a-t-il encore de la peur tout au fond ? Quel conseil se lève ? Descendre, c’est aussi désobéir un peu aux désirs qui agitent la surface pour rejoindre l’aspiration première.
Certes, bien des fois, je fais la sourde oreille. Et le maître intérieur aurait beau hurler, je ne l’entendrais guère. Augustin aurait-il vécu cette expérience lorsqu’il écrit : « L’âme donne un ordre au corps et il lui obéit. L’âme se donne des ordres à elle-même et il y a des résistances. » Le fils de sainte Monique m’invite donc à une désobéissance intime pour rejoindre constamment un appel plus intérieur encore. La discrétion du maître intérieur m’a bien souvent fait peur. J’aurais plus d’une fois souhaité des indications, une ligne de conduite précise, des conseils clairs et nets.
Aujourd’hui, me plaît que le maître intérieur suggère plus qu’il ne somme, chuchote plus qu’il ne crie. Tout l’art est de l’écouter et de prudemment faire la part des choses. Ce puissant guide, je ne l’ai jamais vu en face, parfois je prends mes souhaits les plus égotiques comme ses encouragements. Une fois de plus, il faut savoir se taire, faire silence pour que la parole libératrice se lève. Si je ne parviens pas à percevoir cette voix qui parle en moi, comment pourrais-je vraiment prétendre entrer en communion avec l’autre ? Comment pourrais-je me prévaloir de rester disponible à la vérité ?
La suite, nous la connaissons, c’est l’insatisfaction, l’aliénation, bref, toutes ces chaînes qui nous meurtrissent. Augustin dessine un chemin à l’écart de ces travers, travers qu’il a lui-même empruntés non sans amertume. Il sait de quoi il parle. Le suivre, c’est peut-être ne jamais s’installer hors de soi et prendre pour guide la vérité. Mais comment l’accueillir ? Comment prétendre en faire sa compagne ? Certes, il y a deux extrêmes, celui qui préfère crever plutôt que d’avoir tort et la girouette, celui qui raisonne au gré des modes et qui mendie à l’extérieur quelques convictions qu’il peine à entrevoir en lui. Comment éviter à la fois le subjectivisme total et le dogmatisme le plus frénétique ? Précisément, peut-être, en rejoignant l’intériorité, en abandonnant peu à peu la surface, en plongeant carrément au fond de son être, c’est un peu comme les sous-marins qui quittent l’eau tumultueuse des surfaces pour gagner les bas-fonds inaccessibles aux tempêtes. Pour Augustin, c’est y rencontrer le maître intérieur, l’écouter, engager un dialogue avec lui. Dialogue qui n’est que pure écoute. On est loin des débats, des inutiles discussions. Vivre dans les profondeurs, c’est éviter tout bavardage. Ainsi, quand l’émotion me gagne, lorsque par exemple la crainte me prend, je peux trouver l’audace d’entrer dans le sous-marin pour séjourner un peu plus bas, et prêter une oreille attentive aux murmures silencieux. Y a-t-il encore de la peur tout au fond ? Quel conseil se lève ? Descendre, c’est aussi désobéir un peu aux désirs qui agitent la surface pour rejoindre l’aspiration première.
Certes, bien des fois, je fais la sourde oreille. Et le maître intérieur aurait beau hurler, je ne l’entendrais guère. Augustin aurait-il vécu cette expérience lorsqu’il écrit : « L’âme donne un ordre au corps et il lui obéit. L’âme se donne des ordres à elle-même et il y a des résistances. » Le fils de sainte Monique m’invite donc à une désobéissance intime pour rejoindre constamment un appel plus intérieur encore. La discrétion du maître intérieur m’a bien souvent fait peur. J’aurais plus d’une fois souhaité des indications, une ligne de conduite précise, des conseils clairs et nets.
Aujourd’hui, me plaît que le maître intérieur suggère plus qu’il ne somme, chuchote plus qu’il ne crie. Tout l’art est de l’écouter et de prudemment faire la part des choses. Ce puissant guide, je ne l’ai jamais vu en face, parfois je prends mes souhaits les plus égotiques comme ses encouragements. Une fois de plus, il faut savoir se taire, faire silence pour que la parole libératrice se lève. Si je ne parviens pas à percevoir cette voix qui parle en moi, comment pourrais-je vraiment prétendre entrer en communion avec l’autre ? Comment pourrais-je me prévaloir de rester disponible à la vérité ?