Seul un homme l’entendit. Il recueillit de l’eau en grande quantité et la conserva en lieu sûr. Puis il reprit le cours normal de sa vie en attendant le jour où l’eau de la Terre changerait de nature.
À la date fixée, les rivières cessèrent de couler, les puits se tarirent, et l’homme qui avait écouté, voyant cela arriver, gagna sa retraite et but l’eau qu’il avait recueillie. Quand il vit, de son refuge, les torrents se remettre à couler, il revint parmi les hommes, et constata qu’ils pensaient et parlaient désormais d’une façon tout à fait différente et ne gardaient aucun souvenir de ce qui s’était passé, ni de l’avertissement qu’ils avaient reçu.
Quand il voulut leur dire ce qu’il savait, ils le crurent fou. Il était en butte à l’hostilité des uns ; à d’autres, il inspirait de la compassion ; il ne pouvait se faire comprendre de personne.
Il ne but pas une goutte de leur eau : chaque jour il retournait à sa cachette et puisait dans ses réserves.
Puis il finit par se dire qu’il ferait mieux de boire l’eau nouvelle : il ne pouvait plus supporter l’impression de solitude qu’il ressentait à vivre, se comporter, penser différemment de tous les autres.
Il but de l’eau nouvelle, devint semblable à eux, oublia tout de sa réserve d’eau originelle.
Ses frères humains le regardèrent alors comme un fou qui aurait miraculeusement recouvré la raison.
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