Qu'est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux mécanismes de l'autoguérison, et, plus particulièrement, aux guérisons présentées par la science officielle comme aujourd'hui impossibles ?
De par ma formation archi-classique, je suis un médecin rationaliste, au sens cartésien (sinon étroit) du terme. Mais, comme neurologue, j'ai bien été obligé de constater qu'aucun traitement ne guérit les maladies neurodégénératives : Alzheimer, Parkinson, etc. Au mieux, on peut en retarder les effets. Les oncologues font état de cancers qui, parfois, disparaissent quasi spontanément, en particulier le neuroblastome chez l'enfant et le mélanome chez l'adulte. Rien de tel en neurologie. Tout se passe comme si les mécanismes de l'autoguérison ne passaient pas la barrière hémato-encéphalique. Face à cet échec thérapeutique assez désespérant, j'ai fait un tour d'horizon des autres voies thérapeutiques. Très vite, il m'est apparu que la plus intéressante à explorer est la voie de la guérison spirituelle.
Qu'entendez-vous par là ?
Je distingue deux voies de guérison spirituelle : l'une profane ; l'autre religieuse. La première s'intéresse à la force du mental, à son impact sur le corps. Elle commence à avoir droit de cité dans le milieu médical. Dans les hôpitaux, la porte est désormais entrouverte à la méditation, à l'hypnose, aux guérisseurs, voire aux coupeurs de feu. Tout dépend du bon vouloir des chefs de service. L'autre approche, religieuse, considère pour sa part que la guérison est activée par la foi, notamment dans ses formes spectaculaires. Mais la médecine officielle continue à refuser cette démarche. Alors même qu'Hippocrate s'y réfère explicitement.
Qu'est-ce à dire ?
Selon lui, la première question qu'un médecin doit poser à son patient est : « Qui êtes-vous ? » Il veut dire par là que les soins doivent être fortement individualisés. Hippocrate souligne aussi qu'on doit savoir où la médecine s'arrête et, écrit-il, « les malades réfractaires à tout traitement, il faut les envoyer au temple ». Le propos de mon livre est, précisément, de dire que nous ne devons pas refuser, à partir d'un a priori scientifique, l'une et l'autre de ces formes de guérison spirituelle. Ni celle qui se passe en dehors du « temple », ni celle qui s'opère à l'intérieur dudit temple. Moi-même, face à des personnes atteintes de la maladie de Charcot dont la situation ne peut que se dégrader, combien de fois n'ai-je pas envie de dire : « Tentez le tout pour le tout, allez à Lourdes. » Je n'ose pas. Pas plus que les patients avec des maladies dégénératives n'osent demander au spécialiste que je suis s'ils peuvent se tourner vers telle ou telle thérapie complémentaire. Alors même qu'ils y aspirent très fortement. C'est ce genre de verrou que j'aimerais voir sauter.
Pourquoi ?
Parce que cela les sortirait d'une passivité qui les rend encore plus dépressifs et aggrave considérablement leurs symptômes. Si on ouvre un espace d'espérance en eux, ils n'ont rien à perdre et même tout à gagner, car c'est la clé de l'activation des potentiels mécanismes d'autoguérison qui sommeillent en chacun de nous. Raison de plus pour en appeler au développement et à l'enseignement d'une approche médicale à la fois holistique et pragmatique. Suffisamment souple pour qu'on puisse, par exemple, établir un dialogue fécond autour de cas cliniques entre des thérapeutes conventionnels et des praticiens de soins alternatifs ou complémentaires choisis pour leur expertise et leur sérieux.
Vous rapportez ce propos d'Émile Coué : « On a tous une pharmacie intérieure... »
Oui, et cette pharmacie intérieure est capable de guérir toutes les maladies, mais, hélas ! nous avons perdu le pharmacien. Parce que j'ai vu au cours de ma déjà longue carrière tant de gens se rendre tellement malades après des chocs émotionnels, je suis convaincu que la réciproque est vraie : l'esprit peut guérir, y compris les pires pathologies...
C'est ce qui vous a conduit à vous intéresser aux guérisons dites miraculeuses ?
Absolument. Ne serait-ce que parce que le seul cas connu de guérison spontanée de la maladie de Parkinson est celui de soeur Marie Simon-Pierre, en 2005, peu après le décès du pape Jean Paul II, et, selon l'Église catholique, grâce à son intercession. À Lourdes, de puissants mécanismes d'autoguérison peuvent se mettre en route. La science pourra-t-elle un jour les expliquer et enlever leur dimension religieuse ? Pourquoi pas, mais, au fond, peu importe.
Vous citez le cas de Pierre De Rudder, un des premiers miraculés de Lourdes, qui guérit en avril 1875, sans séquelles, d'une jambe fracassée dans un accident...
Oui, parce que pour qu'il y ait miracle, il faut qu'il agisse dans la chair. Les os du tibia de cet homme ressortaient de la plaie gangrenée, la cheville était désarticulée et les médecins conseillaient l'amputation. À sa mort, l'autopsie a montré que les os disjoints s'étaient spontanément ressoudés, aucune différence avec l'autre jambe. Plus spectaculaires, des récits authentifiés par des médecins font état, au XVIIe siècle, de personnes dont la jambe amputée a repoussé à l'identique. Quant au Moyen Âge, il fut riche en résurrections. Les miracles relatés aujourd'hui n'ont pas cette force.
Pourquoi ?
À mon avis, parce que la spiritualité collective, à l'œuvre dans ces moments intenses où la guérison impossible devient possible, n'a plus la même densité. Une explication pourrait être que nos croyances ont un effet créateur sur les phénomènes. On croyait jadis aux résurrections miraculeuses et les résurrections se produisaient. Le pouvoir des miracles, et, plus communément, de l'autoguérison, dépendrait donc de notre confiance et de la puissance que notre espérance leur communique. À cet égard, la science n'a pas seulement désenchanté la vision que nous avons du monde, mais aussi les phénomènes qui y naissent.
Le Dr Antoine Moulonguet, neurologue, écrivain, alias Antoine Sénanque, est l'auteur de Guérir quand c'est impossible (Marabout).