Malgré son nom tout droit sorti d'un album d'Astérix, Sextus Empiricus a marqué de son empreinte l'histoire des idées. Bien malgré lui. Car sa doctrine prônait a contrario l'absence de jugement sur les choses comme conditions à la tranquillité. Selon ce vénérable penseur, la paix profonde de l'être humain ou ataraxie ne pouvait naître que d'une absence d'opinion définitive sur les événements de la vie. Une sorte d'existence suspendue, à simplement répondre aux sollicitations inévitables du moment.
On agit puisque l'action est requise, mais sans attachement. À noter que ce penseur était sans doute prêt, dans l'instant, à changer de doctrine et de conviction, ou à n'en choisir aucune, manifestant ainsi une vraie liberté d'action.
Ce positionnement original gagnerait sans doute à être mis au goût du jour alors que nous sommes invités en permanence à donner notre avis, sur tout et n'importe quoi en temps réel et de façon lapidaire de préférence. Pour les sceptiques et pour Sextus Empiricus, c'est l'absence de certitude qui libère l'homme et lui permet d'être "en recul" sur les choses.
Ainsi le souligne-t-il dans l'ouvrage Esquisses pyrrhoniennes : "(...) quand ils [les sceptiques] eurent suspendus leur assentiment, la tranquillité s'ensuivit fortuitement, comme l'ombre suit un corps."
Apprendre une vie simple et retrouver la tranquillité
L'ataraxie que l'on pourrait traduire par "absence de trouble" ne signifie pas absence de ressenti ou d'émotion. Dans l'acceptation moderne de ce terme, utilisé en neuropsychiatrie, il est question d'indifférence émotionnelle. Rien de ceci chez nos philosophes grecs. Ils considèrent et notamment les stoïciens, chaque événement comme un élément à vivre tel qui se présente, avec ou sans émotion. Pour favoriser l'ataraxie et le calme intérieur, des exercices physiques une certaine hygiène de vie sont prescrits, comme une éducation de la volonté. Le cadre général permettra ainsi d'harmoniser l'être avec la vie cosmique. Grâce à ces conditions de vie favorable, les perturbations émotionnelles peuvent être évitées ou du moins réduites. Pour autant, la vie stoïcienne n'est pas exempte de ressentis. Et le philosophe choisi de vivre les événements tels qu'ils se présentent, sans jugement. Vivre les choses telles qu'elles sont et non pas telles qu'on voudrait qu'elles soient nous permet d'apprendre, comme les stoïciens, à réconcilier l'idéal avec la réalité.
Kankyo Tannier
La sérénité des philosophes grecs
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