Nous avons tous régulièrement besoin de vacances pour nous ressourcer. Hélas, la fatigue revient vite. Le ressourcement dont il est question dans ce livre dure éternellement : parce qu'il éveille en nous une vie infatigable. Il ne s'agit pas tant de se reposer que de se rencontrer soi-même. Voilà des années qu'Anne met en pratique l'art subtil de faire retraite. Il y a d'abord les mini-pauses quotidiennes, que certains appellent des « rappels de soi » : à des moments précis, plusieurs fois par jour, on arrête net ce que l'on est en train de faire, pour plonger en soi-même, respirer, et se rappeler que l'on a une vie intérieure bien plus vaste que l'ordinateur en face de nous, ou la vaisselle, ou l'établi...
Vient ensuite ce que les religieux appellent la « journée de désert » : ce jour-là est entièrement consacré à la méditation, à des lectures spirituelles, au jeûne, à la contemplation solitaire. Il y a enfin les grandes retraites d'une semaine entière. Le résultat ? Anne n'hésite pas : « On se dit "Mais pourquoi ai-je attendu si longtemps ?" C'est une nouvelle naissance ! »
Journaliste, auteure de plusieurs livres sur le cheminement intérieur et la guérison spirituelle, Anne Ducrocq a trouvé sa voie en rejoignant une communauté chrétienne orthodoxe, où elle séjourne régulièrement. Mais elle fait aussi retraite chez elle, ou ailleurs, quel que soit l’endroit. Son nouveau livre résume trente ans de pratique.
Interview - Rencontre avec Anne Ducrocq
Patrice van Eersel : Vous aviez déjà écrit un guide de lieux de solitude. Là, vous nous guidez dans l'expérience même de « faire retraite » - de trois façons : un peu tous les jours, un jour par semaine, une semaine par mois.
Anne Ducrocq : J'ai voulu partager mon propre vécu pour aider ceux que cela intéresse de s'approprier cette pratique et de se bâtir un programme personnel. C'est bien de lire des livres de sagesse et d'essayer de caser son quart d'heure de méditation de ci de là, mais vient un moment où l'on peut avoir envie de vraiment habiter la totalité de sa vie. Et pour cela, il faut se donner la possibilité de s'isoler à intervalles réguliers (...).
Patrice van Eersel : Vous dites que nous nous occupons beaucoup de notre corps, et plus encore de notre psyché avec toutes ses histoires relationnelles (ce que vous appelez l'« âme »), mais quasiment pas de notre esprit.
Anne Ducrocq : Il faut se rendre compte que nous avons une vie du dehors et une vie du dedans. Si l'on ne décide rien, on passe le plus clair de sa vie dehors - on n'habite pas chez soi, mais chez les autres, préoccupé de ce qu'ils veulent, disent ou pensent de nous. Or, notre vraie vie du dedans, c'est l'esprit, et il faut faire un effort pour l'atteindre. L'esprit est silence, espace infini, gratuité, il n'a pas peur qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, il est éternellement intact. C'est notre part lumineuse, la seule source de véritable sérénité. Il nous arrive de la rencontrer spontanément au fond de nous, à l'occasion d'une crise, d'une souffrance, d'un deuil, mais en général nous remontons vite fait vers la surface. Faire retraite, c'est au contraire décider volontairement de plonger en soi et d'y rester assez pour embrasser notre esprit.
Patrice van Eersel : Vous citez Henry David Thoreau, Etty Hillesum, Arnaud Desjardins, Martin Steffens, Sylvain Tesson... Qu'ont-ils en commun ?
Anne Ducrocq : Ce sont des auteurs très accessibles, qui ont tous un jour pris la décision de faire connaissance avec leur esprit et s'en donner les moyens. C'est la décision volontaire qui fait l'humain - sans cela, nous n'avons pas de chemin sous les pieds. Même pour observer quelques minutes de pause de sagesse par jour, il faut l'avoir décidé. Et s'y tenir. On découvre alors, avec surprise et émerveillement, que cela change absolument tout, même si les gestes restent apparemment les mêmes : vous voyez le ciel et la nature comme si c'était la première fois ; (...) vous caressez votre chat, mais en conscience et vous ne pourrez plus jamais faire autrement.
source : Nouvelles Clés
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