Yeshoua envoie ses disciples annoncer l’Évangile de vérité (alétheia), vérité qui est Amour/Agapè, conscience du Réel infini, un et diversifié.
Cet Amour/Agapè n’est pas un acte de volonté mais de lucidité : la prise de conscience ou la reconnaissance que tout est interrelié, inter-indépendant et intriqué. Cela devrait rendre la guerre impensable avant d’être impossible : tuer un autre c’est se tuer soi-même.
Tout « service » « militaire » est une contradiction dans les termes, on ne sert pas avec des armes à la main.
Toute fabrication d’armes est déjà un crime, l’argent investi dans ce commerce mortifère suffirait largement à éradiquer les problèmes de la faim dans le monde, sans parler des urgences climatiques.
Tuer les hommes est sans doute plus facile que de les nourrir, plus lâche surtout.
« La guerre est l’état naturel de nos sociétés, la paix est un temps d’exception » disait avec beaucoup d’assurance le général, comme si la guerre qui est son métier et son choix était le choix et le métier de tous.
N’est-ce pas la paix qui est notre vraie nature, l’harmonie, l’union dans la différence ?
N’est-ce pas la guerre qui est plus qu’une exception, une perversion, réduction de l’autre au même, séparation, exclusion etc.?
C’est la « pulsion de mort » disait Freud, au-delà du principe de plaisir et de toute pulsion vitale ; ne faut-il pas distinguer une pulsion de mort « fatale » et une pulsion de mort « pascale » ? : le désir de mort et de destruction (de soi et de l’autre) c’est l’homme du ressentiment qui n'accepte pas sa faiblesse, veut tout dominer et cache dans son sein « les vanités qu’il ne saurait voir… ».
Le désir de vie, d’Amour/Agapè, c’est la pulsion de mort « pascale », qui ne craint pas la mort, qui aspire à l’effacement de son ego ou de son égocentrisme pour vivre une vie plus vaste, une intelligence plus éveillée, un amour plus universel : son « Je suis » véritable.
La lâcheté et la bêtise, n’est-ce pas de dire « oui » à la guerre et « non » à la paix ?
Le courage et l’intelligence, n’est-ce pas de dire « non » à la guerre et « oui » à la paix ?
Être assez fort pour ne pas répondre à la violence par la violence, libéré des engrenages du mépris, de la menace et de la terreur, n’est-ce pas là, un « devoir » d’humanité qui justifie « les droits de l’homme » ?
René Girard parlait de ces engrenages comme ceux d’un mimétisme primaire ; le Christ venant briser ces engrenages. Peut-on lire alors sa passion, son ensevelissement et sa résurrection comme expression d’une « pulsion de mort pascale », fin de l’ego, éveil au soi et à l’Être nouveau ?
Jean-Yves Leloup, février 2024