« Le cerveau n'est pas un muscle, mais on peut rapprocher l'entraînement cérébral de l'entraînement musculaire. Comme il est conseillé de faire du sport pour lutter contre la sédentarité, il faut prendre soin de son hygiène mentale ! C'est désormais une responsabilité que de faire du bien à son cerveau, dont on sait qu'il est malléable et plastique. La méditation est pour cela un exercice intéressant et efficace qui a changé ma vie. J'ai commencé par observer le cerveau d'un grand « athlète » : Matthieu Ricard, docteur en sciences et moine bouddhiste. On y voit des développements extraordinaires, tant dans les structures que dans le fonctionnement, dans des zones comme l'amygdale (reconnaissance des émotions), le cortex cingulaire antérieur (contrôle de l'attention), ou l'hippocampe (qui entre dans le processus de la mémoire). La communication entre les deux hémisphères, gauche et droit, est plus développée aussi.
Plus vous avez d'heures de méditation au compteur (et Matthieu en a 60 000 et plus !), plus ces effets sont observables. Mais les études montrent aussi qu'il n'est pas besoin d'être un moine, ni un marathonien de la méditation. Si nous suivons un petit programme d'entraînement, un peu comme les 10 000 pas pour la marche, l'effet est déjà visible sur la neuro-imagerie... et sur nos comportements dans la vie.
Des exercices à la portée de tous
On sait que la méditation est efficace en clinique sur la douleur, l'anxiété, la dépression et peut remplacer des médicaments, ralentir le processus du vieillissement. Il en est de même pour les pensées négatives et les ruminations. N'attendons pas un burn-out pour commencer à être attentif à notre bien-être mental ! Nous serons tous confrontés à un moment de notre vie à un stress trop important. Ne mettons pas pour autant la barre trop haut, chaque minute fait du bien et les entraînements sont variés, comme dans les activités sportives. À chacun de trouver ce qui lui convient. Moi, j'aime bien l'exercice de l'attention focalisée : on porte simplement son attention sur la respiration et on observe ce qui se passe en soi. Cela agit sur notre réseau attentionnel et permet de prendre un peu de distance avec la petite voix incessante de notre mental, celle qui nous empêche de dormir et nous donne des angoisses. Vous pouvez aussi pratiquer une méditation de présence ouverte à la compassion qui agit sur les réseaux de contrôle émotionnel du cerveau avec des effets visibles sur la matière grise (les neurones), la matière blanche (les connexions) ou le fonctionnement.
La méditation, c'est comme le vélo, il y a un peu d'entraînement au début, puis vous enfourchez votre bécane et c'est reparti. Ces exercices sont à la portée de tous, je les prescris dans un cadre médical, en complément des traitements, à mes patients de la consultation de neurologie, je les pratique moi-même entre deux consultations ou dans le tram. Comme médecin, responsable de labo, époux, papa, je ne fais pas toujours les 20 minutes quotidiennes conseillées, mais je défends aussi l'idée d'une méditation informelle, car je sais qu'elle a un effet réel. Il faut abandonner le vieux dogme d'un cerveau statique : il change en permanence. Alors, de même que l'environnement influence notre expression génétique, tout ce qu'on fait pour gérer son stress agit sur notre cerveau mais aussi sur notre vie émotionnelle et sociale. La méditation ne nous coupe pas de la vie, mais nous rend plus présent à « l'ici et maintenant », plus conscient, plus concentré et donc moins exploitable, elle nous rend plus bienveillant pour soi-même et pour le monde. »
Interview de Élisabeth Marshall
source : La Vie
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