Vous avez vécu à plusieurs reprises dans un ermitage. Comment était-ce ?
Formidable, magnifique ! J’ai passé cinq ans en retraite solitaire, par périodes allant jusqu’à neuf mois. La journée dans l’ermitage est structurée, la pratique est très disciplinée. On se lève à 4h30, on prie jusqu’à l’aube, on récite des textes que le maître a donnés, on fait des visualisations. Entre 7h et 7h30, on boit du thé, on s’assied sur le balcon et on regarde le lever du soleil, les montagnes, ou les nuages. Ensuite on continue les exercices toute la journée. Après le coucher du soleil, on va dormir bien sûr. La qualité du sommeil devient meilleure, on a de moins en moins besoin de sommeil et on se sent totalement frais le matin. À Darjeeling, je ne recevais pratiquement jamais de courrier. Il est beaucoup plus facile d’être détendu lorsqu’on ne doit pas se soucier de son travail et de sa famille. N’est-ce pas un style de vie élitiste ? J’entends souvent ça. Je réponds toujours : "Mais venez donc !" Dans mon ermitage à Darjeeling, pendant sept ans, je n’avais ni chauffage, ni électricité, ni eau courante. La plupart des gens ne voudraient pas passer une semaine comme ça. Pour moi, ces moments ont été les plus riches de mon existence. En outre, le but d’un tel isolement est de se débarrasser de l’égocentrisme. Ce n’est donc évidemment pas une démarche égoïste. On sort de là plus tranquille et plus compatissant et on se met au service des autres.
.....
Est-ce qu’un moine bouddhiste a peur de la mort ?
Je suis bien sûr très conscient de la mort et ne sais jamais lequel, de demain matin ou de ma mort, viendra le premier. Mais je suis confiant… Un ami à moi avait un cancer, il n’avait pas peur, mais il était triste parce qu’il y avait encore tant de choses qu’il voulait faire. J’essaie de ne pas détourner le regard. Je vis en toute conscience que la mort est certaine et son heure imprévisible et chaque instant infiniment précieux. Au commencement de notre vie, la mort nous effraie comme un animal pris au piège ; au milieu de la vie, nous essayons de tout faire correctement pour ne rien manquer, et à la fin nous sommes tranquilles et clairs. Alors la mort est comme une amie.
Tiré du blog de Matthieu Ricard
L’interview réalisée par la journaliste Anja Jardine pour le journal Neue Zürcher Zeitung.
Formidable, magnifique ! J’ai passé cinq ans en retraite solitaire, par périodes allant jusqu’à neuf mois. La journée dans l’ermitage est structurée, la pratique est très disciplinée. On se lève à 4h30, on prie jusqu’à l’aube, on récite des textes que le maître a donnés, on fait des visualisations. Entre 7h et 7h30, on boit du thé, on s’assied sur le balcon et on regarde le lever du soleil, les montagnes, ou les nuages. Ensuite on continue les exercices toute la journée. Après le coucher du soleil, on va dormir bien sûr. La qualité du sommeil devient meilleure, on a de moins en moins besoin de sommeil et on se sent totalement frais le matin. À Darjeeling, je ne recevais pratiquement jamais de courrier. Il est beaucoup plus facile d’être détendu lorsqu’on ne doit pas se soucier de son travail et de sa famille. N’est-ce pas un style de vie élitiste ? J’entends souvent ça. Je réponds toujours : "Mais venez donc !" Dans mon ermitage à Darjeeling, pendant sept ans, je n’avais ni chauffage, ni électricité, ni eau courante. La plupart des gens ne voudraient pas passer une semaine comme ça. Pour moi, ces moments ont été les plus riches de mon existence. En outre, le but d’un tel isolement est de se débarrasser de l’égocentrisme. Ce n’est donc évidemment pas une démarche égoïste. On sort de là plus tranquille et plus compatissant et on se met au service des autres.
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Est-ce qu’un moine bouddhiste a peur de la mort ?
Je suis bien sûr très conscient de la mort et ne sais jamais lequel, de demain matin ou de ma mort, viendra le premier. Mais je suis confiant… Un ami à moi avait un cancer, il n’avait pas peur, mais il était triste parce qu’il y avait encore tant de choses qu’il voulait faire. J’essaie de ne pas détourner le regard. Je vis en toute conscience que la mort est certaine et son heure imprévisible et chaque instant infiniment précieux. Au commencement de notre vie, la mort nous effraie comme un animal pris au piège ; au milieu de la vie, nous essayons de tout faire correctement pour ne rien manquer, et à la fin nous sommes tranquilles et clairs. Alors la mort est comme une amie.
Tiré du blog de Matthieu Ricard
L’interview réalisée par la journaliste Anja Jardine pour le journal Neue Zürcher Zeitung.