Quand on observe les gens qui ont réussi dans leur domaine, et notamment dans le domaine spirituel, on ne voit souvent que la très fine pointe de l'iceberg.
D'une manière générale, nous pouvons être admiratifs de ce qu'ils incarnent en terme d'excellence, et pouvons même peut-être parfois être un peu jaloux de ce qui peut nous apparaître comme des privilèges. Par exemple, ces personnes peuvent avoir la "chance" d'approcher le Dalaï Lama, ou d'être interviewés, ou d'avoir de l'influence, ou tout simplement, d'être heureux, le plus souvent, sans raison.
Mais ce dont nous devrions être jaloux, en réalité, c'est de leur exceptionnel talent pour tomber amoureux de l'ennuyeux, du répétitif, de l'ordinaire assumé avec tant de patience.
Pour une pièce de Mozart jouée avec tant de dextérité et de sensibilité, combien d'heures de travail répétitif, ennuyeux, effectué dans la solitude?
Pour une réussite apparente, combien d'échecs, du frustrations, de petits petits pas à se relever et à recommencer, en changeant juste un tout petit peu d'angle? Combien de foi (sans s!) dans cette minuscule étincelle qu'ils savent présente, envers et contre tout et tous, dans l'ordinaire le plus déprimant?
Pour une forme de Qi Gong maîtrisée, combien de centaines d'heures d'ennui, de déception, d'énervement, d'envie d'aller boire un café plutôt que poursuivre?
Je me souviens de Wu Changzhen, une femme, une des plus hautes autorités spirituelles du taoïsme vivant, qui nous disait: "Tous les jours, à la même heure, je suis au rendez-vous de ma méditation. Parfois elle vient, parfois elle ne vient pas. Mais moi, je suis là, tous les jours. Je ne veux pas la rater quand elle décide de venir".
Oui, tomber amoureux de l'ordinaire, de l'ennui, du banal, de la frustration, de l'énervement, de la déception, c'est la clé de notre réussite et de nos fulgurances.
Fabrice Jordan
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