Hirano Katsufumi Rôshi a été Maître des Novices au Temple Eihei-ji au Japon (vieux de 775 ans) pendant plus de vingt ans. Il dirige actuellement des sesshin aux USA, en Equateur, en Suisse, en France.(1)
Depuis 2011, nous avons (eu) le privilège, la joie et l’honneur de le recevoir au Centre. Il y a quelques jours, il est revenu pour la sixième fois nous rencontrer lors d’une sesshin . Je transcris, ci-dessous, les réponses qu’il a données à deux questions fondamentales : - Hirano Roshi, pouvez-vous nous dire ce que signifie le kanji « za » et le kanji « zen » qui sont associés dans l’expression « zazen » ?
Réponse : « Za signifie “s’asseoir” ; Zen signifie “calme”» .
- Que doit on faire lorsqu’on pratique zazen ?
Réponse : « Rien! »
LE CALME ?
Au 13ème Siècle, aux moines qui pratiquent zazen, Maître Dogen, fondateur de l’école Sôtô, pose régulièrement cette question : « Si vous ne trouvez pas le calme ici et en ce moment, vous le trouverez où et vous le trouverez quand ? »
Au 7ème Siècle, Hui Neng, présente le Ch’an en disant : « ma méthode est le calme et la sagesse ! Là où est le calme est la sagesse ; là où est la sagesse est le calme ».
Dans son premier ouvrage, « Le Japon et la culture du silence » (2) , en 1950, Graf Dürckheim écrit : « L’homme (l’homme occidental) n’a peut-être jamais aspiré au calme avec tant de nostalgie. Jamais il n’a été aussi prêt à se réserver un espace de silence - à condition de savoir où trouver cet espace. »
Le calme n’est pas le contraire de l’agitation, de l’impatience, de l’anxiété et autres symptômes qui ont pour cause une activité mentale incessante. Le calme est une qualité d’être, une manière d’être, qui a sa source dans cette part de nous-même que les Maîtres zen désignent comme étant la vraie nature de l’être humain ; ce que Dürckheim appelle notre être essentiel.
Je ne peux pas fabriquer le calme à coups d’exercices ! En même temps, la rupture avec l’ego, centré sur l’activité mentale, nécessite un entraînement dont on ne peut pas faire l’impasse. Cet entrainement s’appelle zazen.
Que doit-on faire lorsqu’on pratique zazen ? Réponse : « Rien ! »
RIEN !
La réponse d’Hirano Roshi est insolite pour nos oreilles occidentales. Parce que si je ne fais rien … rien ne se fera, n’est-ce pas ? Et pourtant ! Je vous invite à vous asseoir (sur une chaise ou sur un zafu), à vous tenir droit (en évitant d’être crispé ou avachi) et, pendant quelques minutes, à exercer une absolue immobilité. Vous pourrez aussitôt découvrir et contempler (3) que vous ne devez rien faire pour respirer, que vous n’avez rien à faire pour que votre cœur batte, que vous n’avez rien à faire pour vivre, pour être !
De même, il n’y a rien à faire pour revenir à notre état de santé originel : le calme intérieur. Ne cherchez pas le grand calme … laissez-vous trouver par cette qualité d’être !
ÉCUEIL !
L’amalgame qui associe abusivement zazen et la méditation.
La méditation est une pratique liée à un but. Par exemple le bien-être ou la santé. J’invite les personnes qui doutent de ce postulat à consulter la liste des cent bienfaits pour l’ego promis à celles et ceux qui pratiquent la méditation de pleine conscience. Zazen est pratiqué sans but. Dès le premier pas sur ce chemin d’éveil à notre vraie nature il nous faut mettre tout en œuvre pour engager une rupture avec la conscience-moi. Rupture avec les désirs du moi, l’ambition du moi, les attaches du moi. (4)
C’est lorsque la multitude des choses à laquelle le moi s’identifie se tait que notre être essentiel nous parle à travers cette parole-événement : le Grand Calme Inconditionnel.
Jacques Castermane
1 Pour Paris, consulter le site : www.tenchijin-zen-kai.fr (Jocelyne Derudder)
2 Karlfried Graf Von DÜRCKHEIM : Japan und die Kultur der Stille. München- Planegg: O.W. Barth 1950. 126 S.
3 Contempler ? Voir ce qui est vu sans examen de ce qui est vu ; sentir ce qui est senti sans transférer ce qui est senti dans des représentations mentales.
4 Un maître zen, Shohaku Okumura, propose une image de zazen éclairante : « Zazen, c’est ôter les vêtements de l’identité pour laisser se révéler notre être-nu ».
Voici le texte en intégralité :
Zazen : Laisser se révéler notre être-nu
« Nous portons des vêtements de métiers tels que médecin, avocate, mécanicien, prêtre, élève,
enseignante. Mais quand nous sommes assis face au mur et abandonnons la pensée, la comparaison à autrui
incluse, nous enlevons toutes ces tenues. En zazen je ne suis pas prêtre bouddhiste japonais, je ne suis ni
japonais ni américain. En zazen, nous ne sommes ni riches ni pauvres, ni bouddhistes ni chrétiens.
Les termes : japonais, américain, chrétien, bouddhiste, homme et femme, sont pertinents uniquement
lorsque nous nous comparons aux autres. Quand je me compare aux américains je suis japonais, mais avant
que je sache qu'il existe des personnes qui ne sont pas japonaises, je ne savais pas que j'étais japonais.
Lorsque nous sommes simplement assis en zazen face au mur, nous ne sommes ni des êtres vivants
illusionnés ni des bouddhas éveillés, nous ne sommes ni vivants ni morts, mais simplement tels que nous
sommes. C'est tout. En zazen nous retirons tous nos vêtements et devenons le soi nu. »
(Shohaku Okumura)
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