Oui (rires). Je ne suis pas pressé ! Pendant un an, je n’ai pas fait plus de 100 m à droite ou à gauche. Une vallée avec des brumes, des paysans, des oiseaux, des insectes et un monastère qui sort de la brume parfois le matin… La nuit, je prends les étoiles, la lune sur la vallée. Henri Cartier-Bresson que j’ai connu dit : « On ne prend pas des photos, ce sont elles qui vous prennent ». Il y a des moments où l’image vous saute à la figure. Sinon la photo ne sera pas bonne.
Comment fait-on pour pratiquer la contemplation ?
Il faut entraîner notre esprit qui est à l’origine de grandes souffrances. La dépression est due à des ruminations excessives. Les gens ne voient pas qu’ils sont esclaves de leurs propres pensées. La liberté intérieure est fondamentale. Sous l’emprise de la haine, de la jalousie, de l’arrogance, vos actions seront teintées de ces poisons, au détriment des autres.
L’exercice physique fait du bien, 20 minutes 5 fois par semaine. Et 20 minutes d’exercice de l’esprit. Cela augmente la capacité d’être attentif aux autres. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), 40 % des maladies ont des origines mentales. Il faut faire l’effort.
Avec toutes vos activités, arrivez-vous à vous astreindre à cette discipline ?
J’essaie. Je suis une journée à Paris, je vous vois et cela laisse des traces. Mais sinon, je suis dans mes montagnes au Népal ou avec ma maman de 95 ans à la campagne.
Vous utilisez beaucoup le portable ?
Ici, je joue le jeu avec mais dans mon ermitage, j’ai peu de réseau et pas d’internet. Je ne suis jamais allé sur mes comptes Facebook et Instagram, la vie est trop précieuse. Les réseaux sociaux ne font qu’augmenter le narcissisme en nous… Le « moi, moi, moi » du matin au soir rend la vie misérable car on dépend trop du regard des autres.
Faut-il faire attention à la multiplication des écrans ?
Je suis allé à Times Square à New York avec un ami moine et au milieu de tous ces écrans, il s’est écrié : « Ils sont en train de voler mon esprit » ! C’est exactement cela. Cette société de consommation vous impose d’acheter, désirer des choses dont nous n’avons pas besoin. La pollution du bruit est énorme aussi. Dans mon ermitage, j’entends un crépitement de feu de l’autre côté de la vallée, ou la pluie arriver. Ici pour appeler quelqu’un de l’autre côté de la rue, il faut hurler. On ne se rend pas compte de cette pollution.
La rumeur dit que vous ne vous êtes pas mis en colère depuis des années…
La vraie colère, quand la moutarde monte au nez. La dernière fois, j’étais au Bhoutan avec mon premier ordinateur. Les moines ne savaient pas ce que c’était, l’un d’entre eux a versé de la farine d’orge grillé dans le clavier. J’avais mis toutes mes économies. Je lui ai dit « Tu trouves ça drôle ? » et il m’a répondu « Tu vois que tu te mets en colère » (rires). C’était il y a 30 ans.
source : Le Parisien
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