J’aurai passionnément aimé cette vie. Cette existence terrestre, cette petite existence. Petite parce que limitée, désespérément limitée dans ses conditions et circonstances, d’un certain point de vue si étroite et confinée au regard du Plus Grand, et pourtant … La grandeur de cette petite, misérable, éphémère existence est précisément sa limite, son implacable relativité. Comment, comment diable (il faudrait dire comment Dieu) l’absolu a-t-il pu parvenir à se manifester et à laisser toute sa gloire éclater dans un minuscule fragment ? Comment diable, comment Dieu, la conscience a-t-elle pu se sentir être en ma conscience, celle du pauvre être humain que je suis ?
La grandeur de cette existence est qu’elle reflète et manifeste l’infini, le Tout ; et que l’infini, le Tout, n’ont aucun intérêt en eux-mêmes, hormis dans leur manifestation qui seule peut dire leur gloire. Ô Seigneur, tu n’as aucun intérêt intrinsèque en dehors de ta création. Ta création est ce qui compte, tout comme la personne de l’artiste n’est pas ce qui importe mais son art. Mozart n’importe que par sa musique. Dieu n’importe que par ce qu’il a créé. La preuve de Dieu est ce qui est, ce qui est est Dieu et le fait de le ressentir est matière à exultation.
Joie, joie silencieuse, indicible douceur de l’être au cœur même de ce monde tragique et paradoxal. Quelle bénédiction, quelle grâce me fait sentir cela alors que tant de créatures souffrent et ne sentent rien hormis leur limites, souffrent de s’éprouver limitées et impuissantes …
J’aurai passionnément aimé cette existence, toute cette existence, la mienne, qui ne m ‘appartient pas, dans le tout de l’Existence, dans le tout du miracle d’être. Mes échecs, mes erreurs, mes réussites, qui toutes et tous ne m’appartiennent en rien. Bénie soit cette existence qui est bénie parce qu’elle est et procède de la source de l’être. Bénie soit le fait de pouvoir sentir Cela. Déchirement et joie. Déchirement de l’illusion de la séparation et toutes ses conséquences abominables ; joie de l’inexistence de cette séparation. Et déchirement de savoir combien la joie se cache, se dérobe et se refuse à ceux qui cependant la cherchent sans même plus croire à son possible avènement en eux.
Que notre joie demeure, qui n’est pas notre joie.
Puisse le miracle d’un seul être ressentant ce soir la joie contribuer à la guérison. La vie est joie, et toutes les indicibles peines, chagrins, horreurs, absurdités, procèdent curieusement de cette joie. Et mes pauvres mots , mes mots innocents, sont impuissants à enrayer la souffrance qui broie. Et pourtant …. J’aurai passionnément aimé cette existence.
Gilles Farcet, Charmes , 15 septembre 2013, 21h 33.
Après ce texte, je vous propose deux vidéos pour suivre la route spirituelle de Gilles Farcet.
vidéo avec Gilles Farcet : première partie
Vidéo avec Gilles Farcet : deuxième partie
Pour les personnes qui souhaitent seulement pouvoir écouter l'audio, il suffit de me le demander...
Vidéo avec Gilles Farcet : deuxième partie
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