On entend parfois (ça revient comme une question métaphysique qui
s’enorgueillirait de ne pas avoir de réponse) : « Où donc était Dieu
à Auschwitz ? » Mais, la réponse, on l’a : il était dans les
chambres à gaz ! Il était dedans ! Dieu est le plus fin du fin du fin
de la vie. Tellement transparent qu’il est indéchirable. Le dernier fil ne
lâche pas. Tout le reste va lâcher. Nos solidités, nos savoirs, nos volontés ne
tiennent pas la route. Tôt ou tard, elles cassent - d’autant plus facilement
qu’elles sont crispées sur elles-mêmes. Mais un duvet de moineau ou l’aigrette
du pissenlit, ça ne se brise pas. C’est tellement léger que ça ne peut pas
connaître cette mésaventure. Moi, le Dieu dont je parle parfois, sans doute
trop d’ailleurs, il ne tient pas dans le coffre-fort d’une église ou d’un dogme. Il tient dans la poitrine d’un rouge-gorge. Plutôt étonné, comme le sont les rouges-gorges, de nous trouver sur sa route.
Christian Bobin
Extrait de l'interview de Nouvelles Clés
Christian Bobin
Extrait de l'interview de Nouvelles Clés