Leçon de chose
Décor : une fenêtre ouverte peut suffire - un banc de square, mieux encore : la forêt.
S’immobiliser. Stopper la toupie verbale qui entraîne notre esprit dans sa giration obsessionnelle.
Se taire passionnément. Et chaque fois qu’une association de pensées se faufile, s’immisce dans une fêlure de notre attention, la rejeter impitoyablement.
Ne rien faire, ne rien déranger.
Dériver.
Assise sur un rocher, je laisse le froid visiter l’épaisseur de mes jupes.
Me traversent le crissement et les bruits, l’odeur de la terre.
Suspension. Pointe aiguë. L’envie de crier.
Soudaineté de la perfection.
Je n’écoute pas. Les sons me recouvrent comme un lichen.
Je ne regarde pas. Les branches et leurs ombres poussent dans les yeux ouverts.
Je ne respire pas. Un souffle régulier m’habite et me scande.
Je ne flaire pas. Les odeurs m’enfouissent au ventre leurs rhizomes.
Absence et suspension.
Où allais-je chercher l’aventure. ?
Une escapade semblable permet au moins deux découvertes : en ne faisant rien, celui qui n'a rien fait a déjà fait beaucoup; et ce qu'il faut à l'homme pour aller au bout de ses rêves et de ses possibilités n'est rien d'autre que ce qu'il a déjà : son corps.
Dès lors, tout s'éclaire. Ce que la méditation a de si suspect pour l'ordre social et économique, c'est qu'elle nous apprend à nous mouvoir ailleurs, dans un univers dont les richesses innombrables échappent aux circuits monétaires et marchands.
Christiane Singer,
les âges de la vie, éditions Albin Michel, p. 25-27
Décor : une fenêtre ouverte peut suffire - un banc de square, mieux encore : la forêt.
S’immobiliser. Stopper la toupie verbale qui entraîne notre esprit dans sa giration obsessionnelle.
Se taire passionnément. Et chaque fois qu’une association de pensées se faufile, s’immisce dans une fêlure de notre attention, la rejeter impitoyablement.
Ne rien faire, ne rien déranger.
Dériver.
Assise sur un rocher, je laisse le froid visiter l’épaisseur de mes jupes.
Me traversent le crissement et les bruits, l’odeur de la terre.
Suspension. Pointe aiguë. L’envie de crier.
Soudaineté de la perfection.
Je n’écoute pas. Les sons me recouvrent comme un lichen.
Je ne regarde pas. Les branches et leurs ombres poussent dans les yeux ouverts.
Je ne respire pas. Un souffle régulier m’habite et me scande.
Je ne flaire pas. Les odeurs m’enfouissent au ventre leurs rhizomes.
Absence et suspension.
Où allais-je chercher l’aventure. ?
Une escapade semblable permet au moins deux découvertes : en ne faisant rien, celui qui n'a rien fait a déjà fait beaucoup; et ce qu'il faut à l'homme pour aller au bout de ses rêves et de ses possibilités n'est rien d'autre que ce qu'il a déjà : son corps.
Dès lors, tout s'éclaire. Ce que la méditation a de si suspect pour l'ordre social et économique, c'est qu'elle nous apprend à nous mouvoir ailleurs, dans un univers dont les richesses innombrables échappent aux circuits monétaires et marchands.
Christiane Singer,
les âges de la vie, éditions Albin Michel, p. 25-27