On est là, tranquille, a découper en petits cubes les légumes de l'été, accompagné - tac, tac, tac - par le bruit sourd du couteau sur la planche de bois. Tranquille, dans la compagnie des courgettes et des oignons. On se sent bien. Et tout a coup, une illumination, un ravissement : on vient de comprendre quelque chose d'essentiel.
Ce quelque chose s'incarne dans une pensée, une conviction qui a surgi dans notre esprit : « Ce que je suis en train de faire est très important. » Toute l'année, je fais des choses urgentes : travail, courses, obligations multiples du quotidien. Si je ne fais pas ces choses urgentes, je suis puni : mon patron rouspète, ma famille meurt de faim, la poussière s'accumule. Alors, je les fais, je passe mon temps à colmater les brèches, et toujours d'autres urgences arrivent. Du coup, j'en oublie les choses importantes : marcher dans la nature, accomplir calmement et pleinement des gestes simples (cuisiner, manger, jardiner), passer du temps avec des gens que j'aime. Ces choses importantes, je peux les négliger sans problème : nulle punition ne me sera infligée. Seulement, je vais peu a peu tomber malade ; d'une lente maladie de carence, comme quand mon corps est en manque de vitamines ou d'oligoéléments. Je vais tomber doucement et tristement malade : j'aurai fait tout ce qu'il y avait d'urgent a faire, mais ma vie n'aura plus le goût de la vie. Je serai devenu une machine à faire, efficace et peu heureuse.
Heureusement, il y a les vacances ! Elles nous permettent de nous connecter à tout ce qui est important et non urgent : nature et douceur, calme et lenteur, liens et sentiment qu'on a le temps, tout le temps. Pour vivre, ressentir, nous absorber dans des gestes et des instants ordinaires. L'écrivain américain Henry David Thoreau, qui partit vivre deux ans dans une cabane en forêt, écrivait ainsi : « Pouvoir regarder le soleil se lever ou se coucher chaque jour, afin de nous relier à un phénomène universel, préserverait notre santé pour toujours. » Quand prenons-nous, le temps de regarder aubes et crépuscules, en dehors des vacances ?
Tac, tac, tac... Je tranche maintenant un beau poivron rouge vif, un sourire sur les lèvres. Sa découpe m'apaise et tout me semble clair : le sens de la vie m'apparaît, au-delà des mots, dans une épiphanie tranquille. Voici des visiteurs dans la cuisine, de retour d'une activité estivale : « Mais il n'y a que toi qui travailles dans cette maison ! Tu veux un coup de main ? » Non, non, surtout pas ! Tout est parfait, et je suis ravi. Je fais juste un truc très très important : je découpe doucement des légumes pour une ratatouille. Et cela me plonge dans un ravissement indicible. Et dans une intelligence profonde de ce qui compte dans la vie. Surtout, ne pas oublier cela a mon retour, pour tout le reste de l'année...
Source : La Vie
Ce quelque chose s'incarne dans une pensée, une conviction qui a surgi dans notre esprit : « Ce que je suis en train de faire est très important. » Toute l'année, je fais des choses urgentes : travail, courses, obligations multiples du quotidien. Si je ne fais pas ces choses urgentes, je suis puni : mon patron rouspète, ma famille meurt de faim, la poussière s'accumule. Alors, je les fais, je passe mon temps à colmater les brèches, et toujours d'autres urgences arrivent. Du coup, j'en oublie les choses importantes : marcher dans la nature, accomplir calmement et pleinement des gestes simples (cuisiner, manger, jardiner), passer du temps avec des gens que j'aime. Ces choses importantes, je peux les négliger sans problème : nulle punition ne me sera infligée. Seulement, je vais peu a peu tomber malade ; d'une lente maladie de carence, comme quand mon corps est en manque de vitamines ou d'oligoéléments. Je vais tomber doucement et tristement malade : j'aurai fait tout ce qu'il y avait d'urgent a faire, mais ma vie n'aura plus le goût de la vie. Je serai devenu une machine à faire, efficace et peu heureuse.
Heureusement, il y a les vacances ! Elles nous permettent de nous connecter à tout ce qui est important et non urgent : nature et douceur, calme et lenteur, liens et sentiment qu'on a le temps, tout le temps. Pour vivre, ressentir, nous absorber dans des gestes et des instants ordinaires. L'écrivain américain Henry David Thoreau, qui partit vivre deux ans dans une cabane en forêt, écrivait ainsi : « Pouvoir regarder le soleil se lever ou se coucher chaque jour, afin de nous relier à un phénomène universel, préserverait notre santé pour toujours. » Quand prenons-nous, le temps de regarder aubes et crépuscules, en dehors des vacances ?
Tac, tac, tac... Je tranche maintenant un beau poivron rouge vif, un sourire sur les lèvres. Sa découpe m'apaise et tout me semble clair : le sens de la vie m'apparaît, au-delà des mots, dans une épiphanie tranquille. Voici des visiteurs dans la cuisine, de retour d'une activité estivale : « Mais il n'y a que toi qui travailles dans cette maison ! Tu veux un coup de main ? » Non, non, surtout pas ! Tout est parfait, et je suis ravi. Je fais juste un truc très très important : je découpe doucement des légumes pour une ratatouille. Et cela me plonge dans un ravissement indicible. Et dans une intelligence profonde de ce qui compte dans la vie. Surtout, ne pas oublier cela a mon retour, pour tout le reste de l'année...
Source : La Vie