samedi 27 décembre 2008

Beatus et Facundus ou l'enluminure méditative

Voici une des plus belles enluminures qui soient, ici judicieusement décomposée et commentée par des chrétiens. Je vous en propose une brève lecture, plus intime, éclairée par les symboles universels qui sont utilisés par le peintre Facundus (XIe siècle), lequel enlumina, après d'autres, les commentaires du moine Beatus, au VIIIe siècle, sur l'Apocalypse de saint Jean :
D'abord apparaît le cercle radieux de l'unité, de la non-division intérieure, au centre de notre chaos obscur, fait de pensées et d'émotions. Ce point central, plein d'un feu spirituel, fait écho au grand cercle étoilé de l'univers qui nous englobe, également infini. L'âtman répond au brâhman.
Puis se dresse une porte, orientée vers le ciel. Douglas Harding est de ceux qui, sans relâche, nous ont montré ce passage vers le divin : en tournant notre propre regard vers notre propre champ de vision ou de conscience qui coïncide avec l'espace extérieur, nous franchissons la porte du Ciel : le centre de notre être, ici et maintenant, se fond à l'espace universel.

Ce centre, alors, n'est plus vide mais habité d'une Présence intense, symbolisée par l'Agneau mystique, qui est aussi le pain de la Vie pour les chrétiens : symbole du renouveau et de la réceptivité dans sa blancheur immaculée, l'agneau est notre nourriture spirituelle : il représente notre aptitude à vivre d'une manière toujours neuve et disponible, délivrée du passé et du futur. Cet agneau porte d'ailleurs une croix, où se croisent le temps horizontal (nos efforts, notre persévérance, notre espérance) et l'instant vertical (où nous expérimentons le non-manque absolu). Il porte aussi l'arche d'alliance, qui garantit la protection divine, la sécurité miraculeuse qui est la nôtre quand nous vivons au coeur de cette présence...
C'est alors que la porte laisse voir la Gloire du trône divin, l'équilibre du cosmos réunifié en nous-même. Le livre que tient le roi divin est, du reste, le symbole de l'univers qui a pris consciene de lui-même. Cet équilibre est renforcé par la présence des anges, ces forces médiatrices qui oeuvrent en nous pour relier notre humanité à la gloire divine.
Quant aux quatre évangélistes (le lion, l'aigle, le boeuf et l'homme), ils peuvent figurer les quatre étapes de l'évolution à laquelle nous sommes promis : l'incarnation (l'homme), l'épreuve de la mort à soi-même (le taureau), la résurrection (le lion) et l'ascension ou vision du divin (l'aigle). Chacun d'eux surmonte la roue d'un des cycles de l'existence. Leurs ailes sont peuplées d'yeux, signes que la vraie Vision est à l'oeuvre.

Enfin surgissent les douze vieillards (et non pas les anges comme il est indiqué par erreur), réduction des vingt-quatre du texte de l'Apocalypse : ce sont un peu nos propres personnages atteints par la sagesse, qui peuvent désormais exercer leur activité au diapason de la présence divine : prier en se prosternant, célébrer cette présence en jouant de la cithare et s'en enivrer grâce aux coupes d'or pleines de parfums... (Ce sont des coupes, d'après d'autres commentaires, plutôt que des harpes.)


images extraites du site Notre Dame du Web