« On ne
pratique pas zazen avec le mental ! » (Hirano Katsufumi Roshi)
La lettre D’Instant en Instant est destinée aux personnes qui pratiquent l’exercice désigné par le kanji ZAZEN. D’années en années, il semble que de plus en plus de personnes qui pratiquent d’autres exercices (Yoga, Tai-Chi Chuan, Chi-Gong et des activités artistiques, artisanales ou martiales issues de la tradition japonaise) sont intéressées par ce qui n’est autre que la Voie tracée par K. Graf Dürckheim.
Une formule concise indique le à-quoi-bon de ces
techniques si différentes les unes des autres : l’éveil de l’homme à sa vraie nature d’être humain. Autrement dit,
passer de l’identification de "MOI je suis / Je suis MOI" à
l’expérience que "JE SUIS".
MOI, pronom personnel tonique, est l’idée que je me fais de JE ; « Moi je
crois, que je suis, ce que je pense que je suis ! ».
Jusqu’au jour - et on l’observe aujourd’hui plus
qu’en d’autres circonstances - où manque
un je-ne-sais-quoi qui pourrait donner sens à ma vie. Je rencontre des hommes,
des femmes, qui additionnent les succès dans la société de consommation qu’est
devenu le monde et qui, tout à coup, se disent « Bien ! Mais maintenant ? Quel est le sens de tout cela ? ». Il est
vrai que MOI avoir plus … MOI savoir plus
… MOI pouvoir plus … n’empêche pas cet activisme mental incessant qui est
la cause de l’inquiétude latente, de la peur souterraine et de l’agitation
intérieure ; ces symptômes qui conduisent à la consommation quotidienne — en France — de
plus de vingt-deux millions d’unités anxiolytiques, de somnifères,
d’antidépresseurs.
Il serait donc bien de pratiquer zazen, le Yoga, le
Kyudo afin de vaincre l’insomnie ? NON ! Je pratique ces exercices afin de
ne pas rester esclave de l’activité mentale qui est la cause de l’insomnie, du
déséquilibre de ma vie intérieure.
Plus d’un demi-siècle de pratique de zazen m’amène à voir (à ne pas confondre avec comprendre) que le MENTAL (mind) est le domaine de l’angoisse et
des états qui l’accompagnent et que le
CORPS-VIVANT (Leib) est le domaine du
calme, de la sérénité, de la paix intérieure. Et lorsqu’on trouve ou retrouve
le calme intérieur, on dort bien.
La difficulté de l’homme occidental intéressé par les
exercices orientaux est de les approcher en s’appuyant sur l’entendement, cette
approche mentale (mind) du réel.
C’est l’approche mentale, intellectuelle, rationnelle
du corps qui ouvre sur l’idée : —J’ai un
corps—.
L’approche du corps réalisée à travers un exercice,
comme zazen, ouvre sur l’expérience : — corps
je suis—.
L’HOMME EST SON CORPS !
C’est fraichement diplômé Licencié en Kinésithérapie
que je me suis installé en Forêt Noire (1969) pour suivre l’Enseignement de K.
Graf Dürckheim.
Je ne peux oublier ce qu’il m’a dit quelques semaines
après mon arrivée:
« Monsieur
Castermane, il semble que vous disposez d’un large savoir objectif, rationnel,
sur ce que j’appelle le corps que l’homme A
(Körper) ; mais je dois vous dire
que vous n’avez pas la moindre connaissance de ce que j’appelle le corps que
l’homme EST (Leib).
Aussi
longtemps que vous pratiquerez zazen en vous appuyant sur le point de vue
dualiste : Moi, numéro 1 et quelque chose, numéro 2, mon corps, vous ne pourrez pas dire que vous pratiquez
zazen ! ».
Avec cet avertissement, commençait non seulement une
autre approche du corps mais une autre approche de l’être humain et, ce
faisant, une autre approche de ce qu’on appelle l’autre, le monde, la Vie.
Une approche qui nécessite, en premier, de s’apprendre soi-même.
S’APPRENDRE SOI-MÊME !
S’apprendre soi-même exclut l’usage de notre
conscience ordinaire : la conscience DE
; la conscience qui objective et oppose
le sujet et l’objet.
S’impose l’usage de la conscience SANS de, la conscience sensorielle qui est dès
l’origine de notre existence.
Notre vraie nature est insaisissable par le processus
mental qu’est la conscience objective.
Jacques
Castermane
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