Tout en chaussant les lunettes culturelles de son groupe d’appartenance, l’individu voit la nature en fonction également de son histoire personnelle. En nous tournant vers la théorie des besoins établie par Abraham Maslow, nous trouvons une autre grille de lecture de la relation Homme-Nature qui explique les comportements humains. Cette fois, nous nous focalisons sur les besoins propres de chacun.
Selon Maslow, l’homme recherche la satisfaction de besoins qui sont hiérarchisés les uns par rapport aux autres. Il ne peut passer d’un besoin à un autre que si le premier a été (du moins en partie) « ontologiquement satisfait ». Autrement dit nous ne pouvons accéder au troisième étage d’un immeuble que si nous sommes d’abord passés par le rez-de-chaussée, le premier puis le deuxième étage. Le sentiment de satisfaction éprouvé dépend de l’histoire du sujet et de la culture dans laquelle il baigne.
1. A la base, nous trouvons les besoins de survie : boire, manger, dormir, se reproduire, conserver l’homéostasie du système vivant que nous sommes.
2. Une fois la survie assurée, nous pensons à notre sécurité : éloigner le danger, prévenir le manque en thésaurisant les ressources. Nous sommes alors dans le domaine de l’« avoir ».
3. Maintenant que nous craignons moins pour notre avenir, nous tissons des liens avec notre entourage humain et non-humain. Notre besoin d’appartenance nous incite à nous relier à…
4. Rassurés physiologiquement et affectivement, nous voulons satisfaire le besoin d’estime, de reconnaissance de notre originalité. Nous voulons « être ».
5. De ce mouvement d’affirmation de soi émerge le besoin d’accomplissement de soi, de réalisation des capacités et les dons qui sont en nous.
Si, comme toute modélisation, la pyramide de Maslow montre certaines limites (par exemple, la hiérarchie des besoins n’apparaît pas comme étant aussi stricte), elle a néanmoins le mérite d’être très pratique. Nous pouvons la considérer comme une grille de lecture heuristique pour lire les comportements humains.
Ainsi, dans la relation Homme-Nature, les différents besoins se traduisent par les comportements suivants :
– Le besoin de survie nous incite à regarder la nature comme source de satisfactions primaires : boire, manger, dormir.
– Le besoin de sécurité nous amène à thésauriser, stocker, accumuler des réserves ainsi qu’à nous prémunir contre les déchaînements soudains dont notre environnement peut être le siège (tempête, raz de marée, avalanches, etc.).
– Le besoin de relation nous incite à voir dans le monde non-humain un univers qui nous accueille, qui est là pour nous apporter la tendresse que notre entourage familial ne sait peut-être pas toujours nous apporter. Qui n’est pas allé se consoler d’un chagrin ou d’une dispute, en se réfugiant dans la forêt ou la campagne environnante, ou en allant parler à « ses » fleurs ?
– Le besoin d’estime peut nous inciter à affirmer notre pouvoir sur notre environnement. Notre société occidentale, avec la technologie qu’elle a développée (pesticides, engins de chantier, tracteurs, barrages hydrauliques…), a cherché à compenser son état d’infériorité vis à vis de la nature. Quel garçon quand il était petit n’est pas resté des heures en admiration devant un engin modelant le sol pour une future autoroute ?
– Le besoin d’accomplissement de soi, de la vie en soi, quant à lui, nous permet de changer notre relation à la nature. De rivale ou d’objet à notre disposition, elle devient alter ego, une autre forme du vivant qui nous permet en la comprenant et en l’étudiant d’être à l’écoute de la vie en nous et de ses mouvements. Quelle douceur dans le contact, quelle tendresse dans les propos de certains pépiniéristes quand ils nous parlent de leurs plantes !
Pour résumer, imaginons l’exemple d’un jardin créé par une personne qui cherche à satisfaire ses besoins de base et de sécurité : c’est un potager. Si elle veut satisfaire ses besoins d’appartenance : le voilà couvert de fleurs, avec des lieux où il fait bon s’asseoir. Supposons maintenant qu’elle veuille satisfaire son besoin d’estime : le jardin est « à la française » ou couvert de plantes exotiques et rares. Enfin, si elle désire réaliser sa créativité : il est à taille humaine et révèle l’harmonie entre les végétaux qu’il héberge.
Patrick Guérin et Marie Romanens
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