dimanche 19 juillet 2020

Seuls les poissons morts suivent le flux

Aujourd’hui, le non agir est à la mode. Les injonctions du type « il n’y a rien à faire, tout est déjà là », « suis ton cœur, il a toujours raison », « tu es déjà éveillé à ta propre nature » font désormais partie du plus grand conformisme dans le domaine d’une certaine spiritualité. 
En même temps, les mêmes pratiquants se plaignent souvent de ne pas réussir à changer, d’être dans des schémas répétitifs et des souffrances à tiroir. Que font-ils alors ? Un peu plus de la même chose. Et s’étonnent que rien ne change. 

On a quand même un vrai problème en spiritualité, à force d’insister sur le calme, l’introspection, et surtout sur le non-désir. Sérieusement, c’est quoi cette connerie de non-désir ? Le simple fait de se lever le matin EST un désir. Il se trouve que nous sommes créés pour avoir des désirs, des envies, dont la première est la relation et la deuxième la création. Revenons un instant au fond du réel. 
Pour que quelque chose existe, pour qu’une particule sorte du vide quantique, il faut deux conditions : la première est de l’énergie et du mouvement, et la deuxième est de la relation. Une particule reste virtuelle tant qu’elle n’est pas excitée (oui, excitée !) par une énergie suffisante pour la faire sortir du néant. 

Mais ce n’est pas suffisant. Elle perd ses propriétés quantiques lorsque ses interactions avec son environnement deviennent suffisamment importantes pour qu’elle puisse désormais répondre aux lois de la physique classique, et donc exister, au sens habituel du terme. Il en va de même pour nous : nous existons vraiment à partir du moment où nous prenons conscience de notre capacité à être en mouvement constant, autrement dit, à évoluer constamment. 
Et en même temps nous existons via la relation, parce que chaque atome de notre corps n’existe qu’à la condition de la relation. Dans les deux cas, cela implique un choix conscient et actif. Pourquoi ? Parce que pour évoluer, il faut utiliser son libre arbitre pour se dire : je souhaite faire demain un peu mieux qu’aujourd’hui dans tous les domaines qui me seront accessibles. Un PEU mieux. 

Et être en relation implique à nouveau un choix actif pour choisir ses relations avec discernement afin que l’ensemble du jeu relationnel soutienne le premier élan : évoluer. Mais évoluer signifie en réalité : créer. Passer du « je sais, ça donnera ça », à « je ne sais pas, je vais tenter autre chose et ça me rend curieux de voir la suite ». 

A cette condition, nous passons de la répétition à la création. Au toujours nouveau. Dans les deux cas, nous n’avons rien d’un poisson mort qui suit le flux. Seul un poisson vivant, et avec des désirs adaptés à sa condition, transcende le flux. Et peut choisir sa destinée. Mais cela implique un petit détail : il faut pouvoir identifier ce que l’on veut, et accepter efforts et conséquences de ce choix… 

Merde. C’est moins sexy que « Non agir » ! 

 Fabrice Jordan

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