Anne-Dauphine Julliand : « Pleurer devant les autres, c’est déjà un appel à la consolation »
On ne console l’autre que dans la relation que l’on tisse avec lui et dans l’amour qu’on a pour lui. La consolation, c’est un cœur à cœur.
Comment vaincre sa douleur ?On ne la vainc pas. Si on se dit qu’on livre une bataille et qu’on va la gagner, on a perdu. Ce n’est pas de cette nature-là. Le plus beau combat, c’est d’arriver à accepter qu’elle fasse partie de notre vie, de pouvoir lui dire : « Ok, d’accord, tu as ta place ». Au début, on est submergé et elle va occuper tous les aspects de notre vie. Petit à petit, elle ne fait juste que partie de notre vie et elle n’interdit pas tout le reste, même si elle le complique, parfois. On peut aussi se dire : « Cette peine fait partie de ce que je suis, mais elle ne me définit pas. Il y a tout ce que j’aime, tout ce qui me constitue qui perdure malgré tout ». Au début, on est plongé dans le brouillard. Puis on peut l’écarter un peu pour découvrir qu’il y a encore des zones claires, de belles choses qui subsistent dans la vie.
Je crois que cela demande beaucoup de douceur avec soi-même. Parfois, la seule chose à faire quand on a mal, c’est pleurer et prendre le temps d’accueillir cette peine et de la vivre pleinement. Là ou l’on pourrait avoir tendance à se dire qu’il faut se ressaisir, je pense au contraire qu’il faut être d’une infinie douceur avec soi-même. On nous invite tellement à nous ressaisir ! Je reste convaincue que la seule façon d’arriver à vivre pleinement la joie, c’est d’avoir vécu auparavant pleinement sa peine, de s’être presque vidé le cœur et les yeux de cette douleur de l’instant, comme font les enfants qui pleurent profondément le temps que dure la peine et qui après recommencent à jouer.