Extrait de Se changer, changer le monde, avec Matthieu Ricard, Christophe André, Jon Kabat-Zinn, Pierre Rabhi, Éditions L’Iconoclaste.
Changer le monde cela revient, de mon point de vue, à se transformer soi-même pour mieux servir les autres. Tout en évitant de changer le monde de manière destructrice, en dévastant notre environnement, en exploitant les animaux et en causant la disparition de nombreuses autres espèces, cela implique d’avoir une attitude responsable à tous les niveaux. Se changer soi-même pour mieux changer le monde, c’est se libérer des toxines mentales que sont la haine, l’avidité, la jalousie, l’orgueil et l’esprit de vengeance qui empoisonnent notre existence et celle des autres. Pour pouvoir changer le monde, il faut d’abord avoir trouvé un sens à son existence, et essayer de le partager.
Du point de vue collectif, ce changement passe par une évolution de nos cultures, de nos attitudes, motivations, valeurs et priorités. Cela implique notamment de passer d’une culture qui prône l’individualisme et le chacun pour soi à un monde qui prend plus en considération l’altruisme et la coopération, laquelle a toujours été au cœur de l’évolution.
L’altruisme véritable existe-t-il véritablement ? Si oui, pouvons-nous le cultiver, l’amplifier comme un talent ou une capacité ? De nombreux travaux de recherche sur les effets de la méditation ont lieu actuellement. Au début, ces recherches ont commencé avec des méditants confirmés, qui se sont exercés entre dix mille et cinquante mille heures, autant d’hommes que de femmes et de pratiquants laïques que de moines et de nonnes. Les résultats de ces études ont montré que la capacité à développer la compassion et l’altruisme ne dépend pas de la culture orientale ou occidentale, ni du genre masculin ou féminin: il s’agit essentiellement d’une question d’entraînement.
Ce qu’il est important de retenir, pour la société, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’avoir médité cinquante mille heures: quelques semaines de méditation, trente minutes par jour ont déjà des effets bienfaisants. Dans une de ces études, un instructeur a entraîné pendant deux semaines, à raison de vingt minutes par jour, un groupe de personnes à penser davantage aux autres, à essayer de se mettre à la place de l’autre, à méditer pour engendrer dans leur esprit l’amour altruiste, la bienveillance, la compassion à l’égard de ceux qui souffrent. Le groupe témoin (il faut toujours faire une comparaison, sinon les études ne sont pas valables) était formé à utiliser une méthode psychologique qui est connue pour engendrer des comportements prosociaux.
Cette méthode consiste à considérer les situations sous un angle différent, un angle plus vaste : si quelqu’un vous a insulté, au lieu de se concentrer uniquement sur l’insulte, sur l’incident et sur les aspects désagréables de la personne, on élargit et on prend en considération ce que vit la personne, ses comportements habituels. Les résultats ont montré que la méditation favorisait encore davantage les comportements prosociaux. Cette étude qui a été réalisée par Helen Weng dans le laboratoire de Richard Davidson (le pionnier dans les études en neurosciences de la méditation) a montré des changements au niveau cérébral, notamment en ce qui concerne l’amygdale (une structure cérébrale liée aux émotions, plus particulièrement à la peur et à l’agressivité).
Un conseil de Matthieu Ricard pour un monde plus humain :
Pratiquer l’altruisme
Changer notre vision de ceux qui nous entourent
Nous pouvons nous entraîner à comprendre et à voir que la vie est beaucoup plus tissée de coopération que de compétition, d’entraide que d’hostilité, de sollicitude que de malveillance.
Vérifier nos motivations
Il est également utile de vérifier constamment notre motivation « Notre motivation est-elle altruiste ou égoïste ? Recherchons-nous le bien de quelques-uns ou du plus grand nombre ? À court ou à long terme.». Nous devons nous interroger à maintes reprises de cette façon.
Nous engager
Cultiver l’altruisme ce n’est pas simplement dire que l’altruisme, c’est bien. La compassion sans action est stérile. Il faut avoir constamment cet engagement à l’esprit et le traduire en actes dès que c’est possible, dans toutes les circonstances de la vie courante, mais aussi par exemple, en s’impliquant dans des activités bénéfiques aux autres (bénévolat, ONG, etc.).
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