Nous vivons sur la même terre, sous le même ciel, mais nous vivons dans des regards différents et chacun de ces regards, de ces « points de vue », constituent des mondes et des consciences qui parfois s’affrontent.
Changer le monde, c’est changer de regard ; pour rencontrer le monde de l’autre, il faut entrer dans son regard ou partager celui qui nous est propre.
On peut distinguer quatre grands types de regards ou de visions du monde.
1 - Un regard « physique », sensoriel, observateur, scientifique, qui, lorsqu’il y a consensus quant aux modes de perception, peut aboutir à ce qu’on appelle un monde « objectif ».
2 - Un regard réflexif, analytique, qui interroge et analyse les données reçues par les différents modes de perception sensoriels ou techniques ; ce regard peut aboutir à ce qu’on appelle le monde rationnel où le philosophe trouve sa place aux côtés du scientifique.
Le monde perçu, analysé, rationalisé et objectivé est considéré par un certain consensus contemporain comme étant le seul monde réel.
Mais il existe pourtant d’autres regards et appréhensions du monde, qu’on ne peut pas oublier ou négliger :
3 - Un regard affectif ou inter-relationnel où le monde n’apparaît pas seulement comme objet, mais comme présence ; présence vivante avec laquelle nous pouvons établir une relation affective, fraternelle et amicale.
Tel sera le regard de François, de Rumi et des saints de toutes les grandes traditions spirituelles de l’humanité.
La terre, l’univers ne se donnent pas seulement à connaître à l’œil des sens et à l’œil de la raison, mais aussi à l’œil du cœur, et c’est le cœur qui en découvrira l’harmonie, le sens et la beauté. Le regard de la philocalie, qui remercie et célèbre le Réel sous toutes les formes, ne détruit pas le regard de la science et de la philosophie, il les accomplit.
4 - Il y a encore un autre regard, regard silencieux, contemplatif, l’œil de l’intuition, qui pressent l’unité d’une Conscience qui se manifeste dans la diversité des mondes perçus, analysés, objectivés, célébrés : la Conscience même qui rend tous nos regards capables de vision. Le champ de lumière toujours invisible qui ne fait qu’un avec tout ce qui est vu et qui rend possible tous nos points de objectivés, célébrés : la Conscience même qui rend tous nos regards capables de vision. Le champ de lumière toujours invisible qui ne fait qu’un avec tout ce qui est vu et qui rend possible tous nos points de vue (objectif et subjectif), c’est-à-dire toutes nos créations, imaginations, conceptualisations, représentations du monde.
À ces « quatre yeux », ces quatre regards, il faudrait ajouter un cinquième qui serait l’œil de la synthèse, celui qui intègre les quatre grands regards que nous avons évoqués. On pourrait ainsi l’appeler l’œil du Réel, car c’est le Réel qui se connaît lui-même, à travers ces différents modes de perception, de réflexion, d’affection et d’intuition.
Ces quatre regards posés sur le monde vont entraîner quatre formes d’écologie, quatre façons de gérer et de soigner notre environnement considéré comme notre maison ou comme notre corps élargi. On le sait, l’étymologie « oiko », d’écologie, renvoie à la « maison » à notre façon d’habiter la terre.
Extrait de "Vers une écologie intégrale" de Jean-Yves Leloup
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