A la question : « Les expériences dont vous parlez ne sont-elles pas “que subjectives” ? » Graf Dürckheim attire notre attention sur la différence entre une expérimentation faite dans un laboratoire dans le domaine des sciences et l’expérience phénoménale que nous vivons en tant que sujet.
Le vieux sage
de la Forêt Noire répond à notre question par une anecdote : « J’ai souvenir,
lorsque j’étais à l’université (avant même d’imaginer qu’un jour je vivrais au
Japon) d’une leçon au cours de laquelle le maître de conférences affirme d’un
ton professoral que la note DO est 256 oscillations par seconde. Je me suis
permis de répliquer que l’usage du verbe être me semble abusif. On ne peut pas affirmer
une telle équivalence. Ces 256 vibrations par seconde ne représentent que la
réalité physique de la note émise. Mais l’homme perçoit des sons et pas des
ondes »
L’érudit du
Zen, le professeur Daisetz Teitaro Suzuki, insiste sur le fait que : « L’étude
scientifique de la méditation est absurde ! L’homme du zen se meut dans une
direction totalement opposée à celle de l’homme des sciences. Pourquoi ? Parce
que le zen aborde le réel d’une manière pré-rationnelle et donc
anti-scientifique ».
Parlant de son
séjour au Japon, Graf Dürckheim me disait que « Au début de mon séjour en Extrême-Orient
j’étais, comment dire, désorienté ! C’est paradoxal, n’est-ce pas. J’étais
sincèrement décontenancé, parce que ce qu’on appelle les chemins de la sagesse
proposés en Orient et en
Extrême-Orient sont absolument étrangers à notre approche philosophique, psychanalytique et scientifique. Nous devons nous demander comment des données quantitatives peuvent exprimer ce
qui concerne en propre la personne qui baigne dans l’expérience qualitative ? »
Question : à
quoi bon se souvenir de ces expériences qui appartiennent au passé ?
La circonstance
existentielle appartient au passé. Mais la qualité éprouvée au cours de cette circonstance
révèle une réalité que je suis tout au long de mon existence La question qui
surgit de ces souvenirs est : quoi faire pour devenir celle, celui, que
l’expérience a révélé ?
Réponse : un
exercice !
« Le chemin est
la technique ; la technique est le chemin ».
Quel exercice ?
Par exemple zazen. Mais ce peut être le Yoga, le Taichi-Chuan, l’art du thé
(Chado), l’art du tir à l’arc (Kyudo), la calligraphie, etc.
La technique !
À condition de comprendre que le calme intérieur, la sérénité, la confiance, la
joie d’être ne sont pas le fruit de la technique mais l’expression et le
témoignage d’une personne transformée par la technique.
Question : La
technique (zazen, Aïkido, Kyudo, Chado) est indissociable de la personne qui l’enseigne
?
La réponse à
cette question nécessite l’usage du mot ... Maître !
Le maître est
celui, celle, qui partage sa connaissance.
Enseigner
zazen, c’est partager sa connaissance.
Un professeur,
un coach, a suivi une formation qui l’autorise à proposer un savoir ou un
savoir-faire.
L’enseignement
du maître est en lien avec son expérience intérieure, son vécu corporel, la connaissance
acquise pendant des années de pratique personnelle.
En ce sens, il
est juste de parler du maître de musique, du maître de danse, du maître de
calligraphie et, comme au Japon, du maître Zen, du maître de tir à l’arc.
Le maître
commence sa journée en reprenant tout à zéro : la gamme, l’exercice de la
barre.
Au Centre
Dürckheim, les participants reprennent chaque jour l’exercice des « quatre
attitudes dignes ». Il s’agit de notre manière d’être en tant que corps-vivant
dans tous les moments de notre vie quotidienne lorsqu’on est assis (za),
lorsqu’on est debout (Jû), en marchant (gyô) et lorsqu’on est allongé (ga).
« Pour apprendre à pratiquer zazen, il est important de rencontrer un Maître authentique. Le Maître est là pour nous dire qu’il ne faut pas séparer le corps et l’esprit et nous instruire sur l’esprit calme et harmonieux et le comportement correct à adopter dans tous les moments de notre vie quotidienne désigné par l’expression des quatre attitudes dignes. » (Hirano Katsufumi Rôshi au Centre Dürckheim – sesshin 2019)
Voici ce que
dit K.G. Dürckheim de l’exercice appelé zazen :
« Lors de mon
séjour en Extrême-Orient un japonais me demanda un jour quand je pratiquais cet
exercice ? « Une heure le matin et une heure le soir » fut ma réponse.
« Alors, vous n’avez
encore rien compris » dit-il. « Si vous ne vous exercez pas la journée entière,
vous n’arriverez à rien. »
Cela signifie
que l’attitude, la manière d’être recherchée dans l’exercice, doit régir toute
action dans notre vie de tous les jours ».
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