Un magnifique texte de Philippe Mac Leod :
Au fond de chaque regard, derrière chaque geste, il est un espace immense, une lumière humaine qui se mêle au bleu du monde, qui participe de son infinitude. Comme elle s'épanouit au-dehors, la vie s'ouvre en dedans. Elle suscite un univers qui parachève celui qui lui a donné naissance. Et c'est là ce que nous avons désormais de plus grand : la flamme fragile d'une conscience, l'intérieur même de la lumière, la face secrète d'une réalité qui nous déborde.
Au fond de chaque regard, derrière chaque geste, il est un espace immense, une lumière humaine qui se mêle au bleu du monde, qui participe de son infinitude. Comme elle s'épanouit au-dehors, la vie s'ouvre en dedans. Elle suscite un univers qui parachève celui qui lui a donné naissance. Et c'est là ce que nous avons désormais de plus grand : la flamme fragile d'une conscience, l'intérieur même de la lumière, la face secrète d'une réalité qui nous déborde.
Le sentiment que tu as de toi-même n'éclaire pas seulement
ton cœur, il t'enveloppe comme une sorte de halo qui t'accompagne. Il manifeste
pour ainsi dire le filigrane inimitable de ta personne. Sans la conscience,
l'existence n'aurait aucune profondeur. Elle seule crée l'atmosphère spirituelle
dans laquelle tu baignes, la résonance possible de ton être. Sans cette
expérience unique, je ne serais pas cet homme qui te parle aujourd'hui, et si
nous nous comprenons si rapidement, à demi-mot, c'est bien par cette réalité
intime qui nous fait un.
Considère seulement le miracle d'un oeil qui s'ouvre au monde, tremblant à la lueur quasi divine qui le traverse. Le propre de l'homme, on n'y accorde pas assez d'importance, demeure cette faculté étrange en regard de la dispersion et de la profusion des perceptions, cette faculté unique de concentration, de recueillement. La vie dans son intensité tient à la puissance de notre attention, à son pouvoir d'unification, à la luminosité de notre conscience, à l'effort régulièrement déployé pour amener à la surface les trésors qui dorment au plus profond de nous-mêmes.
Considère seulement le miracle d'un oeil qui s'ouvre au monde, tremblant à la lueur quasi divine qui le traverse. Le propre de l'homme, on n'y accorde pas assez d'importance, demeure cette faculté étrange en regard de la dispersion et de la profusion des perceptions, cette faculté unique de concentration, de recueillement. La vie dans son intensité tient à la puissance de notre attention, à son pouvoir d'unification, à la luminosité de notre conscience, à l'effort régulièrement déployé pour amener à la surface les trésors qui dorment au plus profond de nous-mêmes.
C'est par cette intimité que tout prend véritablement corps
et sens, corps et sens qui font la présence : un visible animé de
l'invisible. L'éclat d'un visage, la douceur bouleversante d'un sourire, le
tremblement d'un souffle, d'une voix qui colore les airs, sa clarté, son
étrangeté parmi l'opacité des choses, voilà le signe de l'homme : toute sa
singularité tient dans la profondeur de ce mystère incommunicable, qui rejoint
l'inconnaissable de Dieu.
Il faut aimer la vie, passionnément, éperdument ; croire en
sa résonance divine dans le fond de notre âme ; plus loin, plus haut que les
petites joies qu'on a l'habitude de lui soutirer, aimer la grandeur de son
mystère, vaste comme un ciel étoilé, déchirant comme la mémoire des visages à
jamais refermés sur leur secret.
Car c'est encore cela, le miracle étourdissant de la
personne que nous sommes, comme si l'univers tenait à un fil, un mince rayon,
infiniment ténu, l'absolu entrevu alors même que tout nous échappe. On se blesserait
à vouloir embrasser l'abîme tout entier, on ne peut y entrer que par sa
dimension tragique, angoissante souvent, pour en pénétrer les replis les plus
cachés, apprivoiser le sentiment de son intime totalité et atteindre la lumière
inimaginable qu'il recèle. Comme dans la Visitation, nous sommes porteurs
d'autre chose que nous-mêmes, d'une présence intérieure qui nous devance, et
passe des uns aux autres, à notre insu, sans bruit, sous le fourmillement des
mots, par-delà nos échanges parfois les plus anodins. La personne humaine
n'advient que par ce qui la dilate, ce qui la transcende. Comme une brèche, une
sorte d'issue inattendue, elle ne se révèle que par l'au-delà qu'elle sécrète.
L'individu, lui, disparaît dans la multitude grouillante, il ne dépasse pas
l'espèce. Ta personne est essentiellement béante. Unique parce qu'en son cœur
elle est une. Source. Présence.
PHILIPPE MAC LEOD est écrivain, il a publié plusieurs
recueils de poésie. Son dernier ouvrage, l'Infini en toute vie, est paru aux
éditions Ad Solem.
La Vie - 28 janvier 2010
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