En 1938, à son maître zen, qui lui demande « Quand pratiquez-vous votre exercice ? », Durckheim répond (non sans fierté) « Cher Maître, je pratique l’exercice de la méditation chaque matin une demi-heure » !
L’air désappointé le maître lui dit « Votre réponse témoigne que vous n’avez encore rien compris ! Etant sur la Voie, il s’agit de pratiquer toute la journée … ! ».
Durckheim ajoute que s’il avait répondu « Maître, je pratique toute la journée ! » Umeji Roshi lui aurait sans doute dit « Votre réponse témoigne que vous n’avez encore rien compris ! Etant sur la Voie, il s’agit de pratiquer chaque jour une demi-heure … ! ».
En 1967, je demande à Graf Durckheim : « Que signifie : pratiquer toute la journée ? » « Il s’agit d’engager les différentes actions qui composent notre vie de tous les jours d’une manière telle que les intentions de l’être puissent se manifester à travers nos gestes et notre façon d’être là ».
Voyant mon air dépité, qui témoignait que je ne comprenais pas grand chose à ce qu’il disait, il me dit : « Ce matin, en faisant du thé, j'ai remarqué que je cognais systématiquement le couvercle contre la bouilloire. Pourquoi ne le mettais-je pas directement dessus ? Et il me vint alors la pensée que sur les vingt-cinq ou trente mouvements nécessaires pour faire le thé, j'en faisais tout au plus cinq sans erreur. Il est incroyable de voir combien il est rare et difficile de manier correctement une chose. En nous habillant, en nous coiffant, en rangeant une chambre, nous faisons sans cesse de petites erreurs qui ne sont pas graves mais rendent tout imprécis. Je ne parle de cela que pour ajouter que quand nous sommes capables de manier une chose sans aucune erreur, que ce soit l’outil pour l’artisan ou l’instrument pour le musicien, quelque chose de merveilleux devient perceptible dans l'atmosphère. Cela vaut pour toutes les tâches quotidiennes. Dans la pratique des exercices proposés dans le zen on apprend que l'exercice ne commence que quand on domine une technique donnée ; au Japon on parle de l’exercice du geste pur.
Qu’est-ce que le geste pur ? C’est le geste purifié de l’ambition ou de la crainte d’échouer qui s’origine dans l’ego. C’est dans le geste inné ou dans le geste parfaitement maîtrisé que se manifeste l’intention de l’être. Naturellement, personne ne peut se maintenir dans le geste pur ; c’est une direction que prend la personne qui s’exerce. » Une bonne raison pour reprendre chaque jour, pendant une demi-heure, la méditation de pleine attention.