"....les grandes personnes semblent s'installer dans la vie comme dans leurs propres meubles .Comme si la table de leur repas et le lit de leur repos n'étaient pas des fourmilières d'atomes grouillants ! ce grouillement ,n'importe quel enfant le perçoit ! mais tu préfères te taire pour ne fâcher personne.
Ils sont si fiers de leurs meubles ! Ils s'efforcent de le tenir en place leur monde ! Ils le préfèrent entouré de bandelettes ,momifié ,ligoté plutôt que prendre le risques de le voir se déplacer, se transformer.
Or être enfant te précipite dans des espaces non surveillés où les objets les plus usuels ,un presse-orange, un casse-noix montrent leur visage glapissant, leur gueule tournée vers toi .
Et jamais personne ne soupçonne que dans une fente du parquet, à quelques mètre de là ...vient de disparaître une horde de loups ................................
A la manière du vent qui fait surgir de grandioses formations de nuages ,les dissipe, les ébouriffe, les décoiffe, les effiloche, métamorphosant les formes en d'autres formes ..............................
Et le vertige qui étreint celui qui le contemple le met au cœur du REEL ......C'est cette irréalité fondamentale et irréductible de la réalité qui est, pour les adultes, le tabou des tabous .......Que te reste -t-il ,enfant sinon faire semblant chaque matin de croire que tu habites la même maison " .
Christiane Singer
" Les sept Nuits de la reine " p 87