C'est le deuxième dimanche de Carême : « Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil » Évangile selon Saint Matthieu, chapitre 17, verset 2.
"L’homme est conçu pour s’élancer. La station verticale l’a dégagé de l’animalité. C’est encore vers le haut que son développement s’est dirigé.
Tout en se répandant à la surface de la Terre, il n’a cessé de se chercher dans le miroir du ciel. Nous aurions tort de déprécier cet attrait, qui n’est pas seulement une évasion, une respiration nécessaires. Il témoigne aussi de notre soif des grands espaces, de notre aspiration à la clarté, à l’aisance.
Le bleu est une couleur de libération, de transparence ; d’eau et d’air, il est la couleur de l’insaisissable, du lointain, de l’appel. Le monde, à cette hauteur, dit autre chose de nous-mêmes.
Nous élever, c’est nous alléger.
Le Christ priait. Au milieu des foules, il levait les yeux vers le ciel. Il semblait prendre pied dans un monde porté par le souffle d’en haut.
Aimer les hommes, aimer l’homme comme le Christ l’a aimé, et aujourd’hui sans doute plus qu’hier, c’est regarder les gens plus loin que ce qu’ils donnent à voir. Surtout pas pour ce qu’ils sont, ni même pour ce qu’ils cacheraient au-delà des apparences, mais pour ce qu’ils ne sont pas encore, ce qu’ils sont appelés à être. Poser sur eux un regard qui apporte souffle, clarté, hauteur et largeur, un regard qui leur ouvre l’espace où ils pourront s’élever.
Par peur de l’irréalisme, du déracinement, nous sommes peut-être devenus trop terre à terre. Il ne s’agit pas de nous échapper, mais de nous élever au sens de grandir, croître, les pieds sur terre, dans la terre, mais la tête au ciel, pleine du souffle large des cieux.
Nous citons volontiers saint Irénée : "La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant." Nous connaissons moins bien la suite: "Et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu." Saint Paul, dans le droit fil des prophètes, le déclare sans détour : Dieu nous a faits pour que nous le cherchions et que nous essayions d’entrer en contact avec lui (selon le récit des Actes des Apôtres, chapitre 17, versets 22 à 31). "Nous sommes de sa race", dit-il, c’est-à-dire que nous sommes capables de Dieu, nous sommes faits pour lui, pour le rejoindre, non pas en décollant de la réalité, mais en croissant, en atteignant la taille du Christ. Il ne suffit donc pas de croire passivement. L’Évangile ne cesse de nous interroger sur le Dieu auquel nous croyons.
Si elle ne nous engage pas dans un processus de transformation, de progression, d’élévation, comme le principe actif du levain, notre foi ne franchit jamais la fonction sociale. Elle finit par devenir une sorte d’option ou d’héritage culturel. Elle n’habite pas en nous et nous ne sommes pas en elle. Elle n’enfante plus.
Et la pratique dont nous nous réclamons est trop souvent la mise à distance d’un Dieu qui nous cherche pourtant jusque dans l’intimité de nos entrailles. L’excès formaliste, la place trop grande donnée aux signes extérieurs sont autant de façons de compenser cette distance. C’est notre faiblesse naturelle qui justifie les représentations des choses de l’esprit. Il faut nous forcer à nous dépasser en dépassant ces représentations.
Il y a comme une religion prophétique à réinventer, une religion de la vérité intérieure, de l’authenticité, une religion de la beauté de l’âme que nous saurons rayonner autour de nous et qui seule pourra faire comprendre à nos contemporains ce que peut signifier le Verbe fait chair. Le ciel que nous avons contemplé, le bleu qui est en nous, il nous faut maintenant le répandre, comme une traînée de poudre, une monnaie brillante au fond de nos regards épurés jusqu’à la divine simplicité. "
L’écrivain Philippe Mac Leod a publié plusieurs recueils de poèmes, dont la Liturgie des saisons (le Castor astral, prix Max-Pol-Fouchet) et Au milieu de la nuit (Ad Solem).
Photos : Gregory Perrin
"L’homme est conçu pour s’élancer. La station verticale l’a dégagé de l’animalité. C’est encore vers le haut que son développement s’est dirigé.
Tout en se répandant à la surface de la Terre, il n’a cessé de se chercher dans le miroir du ciel. Nous aurions tort de déprécier cet attrait, qui n’est pas seulement une évasion, une respiration nécessaires. Il témoigne aussi de notre soif des grands espaces, de notre aspiration à la clarté, à l’aisance.
Le bleu est une couleur de libération, de transparence ; d’eau et d’air, il est la couleur de l’insaisissable, du lointain, de l’appel. Le monde, à cette hauteur, dit autre chose de nous-mêmes.
Nous élever, c’est nous alléger.
Le Christ priait. Au milieu des foules, il levait les yeux vers le ciel. Il semblait prendre pied dans un monde porté par le souffle d’en haut.
Aimer les hommes, aimer l’homme comme le Christ l’a aimé, et aujourd’hui sans doute plus qu’hier, c’est regarder les gens plus loin que ce qu’ils donnent à voir. Surtout pas pour ce qu’ils sont, ni même pour ce qu’ils cacheraient au-delà des apparences, mais pour ce qu’ils ne sont pas encore, ce qu’ils sont appelés à être. Poser sur eux un regard qui apporte souffle, clarté, hauteur et largeur, un regard qui leur ouvre l’espace où ils pourront s’élever.
Par peur de l’irréalisme, du déracinement, nous sommes peut-être devenus trop terre à terre. Il ne s’agit pas de nous échapper, mais de nous élever au sens de grandir, croître, les pieds sur terre, dans la terre, mais la tête au ciel, pleine du souffle large des cieux.
Nous citons volontiers saint Irénée : "La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant." Nous connaissons moins bien la suite: "Et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu." Saint Paul, dans le droit fil des prophètes, le déclare sans détour : Dieu nous a faits pour que nous le cherchions et que nous essayions d’entrer en contact avec lui (selon le récit des Actes des Apôtres, chapitre 17, versets 22 à 31). "Nous sommes de sa race", dit-il, c’est-à-dire que nous sommes capables de Dieu, nous sommes faits pour lui, pour le rejoindre, non pas en décollant de la réalité, mais en croissant, en atteignant la taille du Christ. Il ne suffit donc pas de croire passivement. L’Évangile ne cesse de nous interroger sur le Dieu auquel nous croyons.
Si elle ne nous engage pas dans un processus de transformation, de progression, d’élévation, comme le principe actif du levain, notre foi ne franchit jamais la fonction sociale. Elle finit par devenir une sorte d’option ou d’héritage culturel. Elle n’habite pas en nous et nous ne sommes pas en elle. Elle n’enfante plus.
Et la pratique dont nous nous réclamons est trop souvent la mise à distance d’un Dieu qui nous cherche pourtant jusque dans l’intimité de nos entrailles. L’excès formaliste, la place trop grande donnée aux signes extérieurs sont autant de façons de compenser cette distance. C’est notre faiblesse naturelle qui justifie les représentations des choses de l’esprit. Il faut nous forcer à nous dépasser en dépassant ces représentations.
Il y a comme une religion prophétique à réinventer, une religion de la vérité intérieure, de l’authenticité, une religion de la beauté de l’âme que nous saurons rayonner autour de nous et qui seule pourra faire comprendre à nos contemporains ce que peut signifier le Verbe fait chair. Le ciel que nous avons contemplé, le bleu qui est en nous, il nous faut maintenant le répandre, comme une traînée de poudre, une monnaie brillante au fond de nos regards épurés jusqu’à la divine simplicité. "
L’écrivain Philippe Mac Leod a publié plusieurs recueils de poèmes, dont la Liturgie des saisons (le Castor astral, prix Max-Pol-Fouchet) et Au milieu de la nuit (Ad Solem).
Photos : Gregory Perrin