D’autre part, il y a moyen, même pour un débutant, de ressentir une accumulation d’énergie. Or, ce qui est souvent douloureux pour tel ou telle d’entre vous, c’est de vous sentir si faible et démuni que vous n’existez plus, comme une plume sur laquelle la vie n’a qu’à souffler pour la balayer.
Vous pouvez assez vite sentir cette force en vous. Il suffit de respirer normalement et, à l’expiration, de tourner toute l’attention vers le bas-ventre en vous représentant qu’une énergie qui a pénétré en vous à l’inspiration, se répand maintenant dans l’organisme et se concentre dans le ventre. Ce n’est pas l’énergie la plus raffinée avec laquelle nous puissions fonctionner et il y a des énergies plus subtiles, mais cette pratique est quand même la base de l’édifice.
Je possède une photo de Swâmi Prajnanpad où l’on ne voit, si j’ose dire, que son ventre. On dirait une sculpture gothique. Il est droit, debout, toute l’attention de celui qui regarde la photo est captée par son ventre. Même pour ceux qui n’insistent pas sur le hara comme le font les Japonais et les yogis tibétains, l’ascèse développe celui-ci.
Si vous vous exercez plus avant, vous pouvez quelque peu pousser sur la paroi abdominale basse, comme lorsqu’on s’est accroupi dans les champs pour se soulager surtout si l’on est constipé. Personne n’a jamais « poussé » à l’inspiration. Essayez de pousser pour éliminer les excréments en inspirant, c’est impossible. Vous ne pouvez pousser qu’en expirant. Vous poussez donc, mais plutôt vers l’avant, ce qui amène une légère proéminence du bas-ventre et un durcissement de la paroi abdominale. Il existe donc un point à trouver en vous, qui se situe à peu près à mi-chemin entre le haut du pubis et le nombril. Si vous trouvez ce centre (c’est assez aisé, il n’y a pas à tâtonner pendant des jours et des jours), en expirant vous concentrez l’énergie dans le ventre, c’est la première étape ; au bout de quelque temps, lorsque vous y arrivez facilement, vous poussez un peu à l’expiration. Et ce centre de gravité avec lequel vous serez familiarisés, dont vous aurez aisément la sensation, deviendra votre meilleur ami, un point d’appui qui ne vous trahira pas.
Dans ce centre vital, il n’y a pas de pensées inutiles, il n’y a pas ce fatras de l’intellect et du mental coupés de la vie ; il n’y a pas non plus ces émotions infantiles par lesquelles vous vous laissez si vite emporter. Vous y trouverez au contraire une puissance stable qui vous dépasse tout en étant vôtre et qui se révèle facilement canalisable pour ne pas cristalliser l’ego sur lui-même. Elle ne vous conduira pas dans l’impasse d’une force de caractère et d’une résistance aux chocs qui soient en même temps une prison. L’avenir reste disponible.