« Quand on pense comme une montagne, on pense aussi comme l'ours noir, de sorte que le miel coule sur notre fourrure pendant que nous prenons l'autobus pour nous rendre au travail », dit Robert Aitken, moine bouddhiste américain. Ah, rêvons ! Ours noir mais aussi dauphin, abeille, pourquoi pas hérisson, poulpe ou éléphant... Sortir de nos limites, sortir de nous-mêmes, expérimenter pour mieux aimer, pour mieux comprendre. Laisser vivre avec nous, en nous, tous les êtres vivants et apprendre leurs aubes, le goût du serpolet, la danse des fleurs, le jeu des courants, là-bas, dans l'océan... Devenons plus poreux, plus perméables, apprenons à vivre ensemble, aimant tout ce qui existe, quittons notre place d'humain dominateur, soyons plus humbles avec notre frère le loup, nos frères les oiseaux.
Être un avec l'univers
Pourrons-nous travailler ensemble à l'avenir de notre planète ? Nous remettre dans la grande tapisserie de l'évolution dont nous sommes certes la trame, mais pas le maître d’œuvre ? Lorsque nous sommes assis dans un pré au milieu des fleurs, ou sous un pin dans le parfum de la forêt, c'est la joie qui nous emplit ; lorsque nous écoutons le chant de l'alouette, nous devenons un avec le rythme de l'univers, nous connaissons dans notre corps même ce lien intime qui nous unit à tout ce qui vit – et j'inclus là les grains de sable et les blanches pierres plates au creux des calanques...
Devenons plus poreux, plus perméables, apprenons à vivre ensemble.
Lorsque nous faisons silence devant un horizon de montagnes, sommet après sommet, brouillard bleuté où se perd notre regard, nous réalisons que nous sommes reliés à tout ce qui est plus grand que nous et qui existe à travers des milliers, des millions d'années de création et de transformation. Ce monde qui nous nourrit, corps et âme. Tout ce qui nous a vus apparaître, tout ce qui change plus vite ou plus lentement que nous, tout ce qui nous frôle, nous émeut et aussi nous échappe : est-ce qu'il n'y a pas là une immensité lumineuse dans laquelle nous devons retrouver notre place ?
Vivre avec la terre
Nous aimerions nous cacher la vérité mais nous savons que nous sommes en danger, que notre comportement n'est pas juste, que nous devons regarder tout ce qui nous entoure, les êtres, les animaux, la terre avec respect ; adopter une autre approche, comprendre la globalité de l'univers et l'interdépendance de tous avec tous. Vivre avec la terre et non plus contre elle, ce n'est ni un effort ni une obligation morale, mais un jeu, un plaisir, une danse où prendre soin avec délicatesse, avec générosité de chaque élément de ce monde revient à prendre soin de nous, de chaque élément qui nous compose : notre corps, notre famille, notre avenir, et ce qui ne se définit pas, ou seulement avec de banals mots usés : notre cœur, notre amour, notre joie d'être et notre gratitude.
Vivre avec la terre et non plus contre elle, ce n'est ni un effort ni une obligation morale, mais un jeu, un plaisir.
Nous résonnerons à la beauté et pas à l'obligation ; nous protégerons les forêts tropicales pour leur mystère, qui n'est pas différent du mystère de notre propre vie ; nous jouerons dans les vagues et nous caresserons les dunes de sable : nous partagerons le monde. Car nous sommes : « Frères des bêtes sauvages et cousins des fleurs des champs, portant tous en nous l'histoire cosmique. Le simple fait de respirer nous relie à tous les êtres qui ont vécu sur le globe. ... » (Le Cosmos et le Lotus, de Trinh Xuan Thuan, Albin Michel). Revenons à la joie, joie d'être un avec tout ce qui est, joie de la connaissance intime du monde, joie fraternelle dans ce monde de beauté – oui, c'est simple : asseyez-vous au pied d'un arbre, parlez-lui et, surtout, écoutez-le.
Joshin Luce Bachoux Nonne bouddhiste, elle a fondé la Demeure sans limites, temple zen et lieu de retraite à Saint-Agrève, en Ardèche. Auteure de Tout ce qui compte en cet instant chez Points Vivre.
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