samedi 31 décembre 2016
Rêve, veillons nous ?
"Certains êtres semblent près de Dieu.
Des hommes, des femmes, qui expriment par leur visage et par tout leur corps cette proximité, comme s’ils n’appartenaient pas vraiment au monde humain, mais qu’ils étaient déjà d’un autre monde. Comme s’ils savaient quelque chose de plus, comme s’ils avaient vécu quelque chose de plus... Ce visage apaisé, heureux d’un bonheur inconnu... Les hommes ne s’attendent pas à trouver cela chez d’autres hommes. La société leur enseigne tellement la ressemblance, la médiocrité, la faillibilité d’autrui...
Et tout à coup on trouve dans la foule un homme, un seul homme. Il semble plus homme que les autres hommes, et on s’aperçoit qu’on avait ignoré la vraie nature humaine... On le regarde, on doute de lui. On pense : ce n’est pas vrai, il va changer de visage, il va se révéler, sûrement, il va montrer sa nature de tous les jours, se dépouiller de sa noblesse. Mais lui vous regarde en retour, si profondément qu'il va au-delà de vos pensées, jusqu’à votre cœur, là où vibre votre propre clarté.
Il vous regarde, ne vous juge pas, parce que le monde auquel il appartient est plus grand, plus durable que les appréciations des hommes... Son visage est beau, grave, mais pas solennel. C’est un visage comme on en voit tous les jours. Mais c’est un visage qui ne change pas. On le regarde, et on sait qu’il sera pareil ce soir, demain, dans un an. On sait qu’on pourra le trouver quand on aura besoin de lui, comme ces paysages et ces maisons très anciennes que rien ne doit détruire. Quelque chose vit dans le visage de cet homme.
Quelqu’un y habite. Il est la personne même, l’invincible présence de la personne. Ses yeux clairs regardent le monde avec calme, avec mesure, car il connaît un sentiment qui est au-delà de l’indifférence. De ses yeux vient une force ancienne, une force qu’on connaît sans pouvoir la nommer ".
Jean-Marie Le Clézio
(L’Inconnu sur la terre, Gallimard).
******
Des hommes, des femmes, qui expriment par leur visage et par tout leur corps cette proximité, comme s’ils n’appartenaient pas vraiment au monde humain, mais qu’ils étaient déjà d’un autre monde. Comme s’ils savaient quelque chose de plus, comme s’ils avaient vécu quelque chose de plus... Ce visage apaisé, heureux d’un bonheur inconnu... Les hommes ne s’attendent pas à trouver cela chez d’autres hommes. La société leur enseigne tellement la ressemblance, la médiocrité, la faillibilité d’autrui...
Et tout à coup on trouve dans la foule un homme, un seul homme. Il semble plus homme que les autres hommes, et on s’aperçoit qu’on avait ignoré la vraie nature humaine... On le regarde, on doute de lui. On pense : ce n’est pas vrai, il va changer de visage, il va se révéler, sûrement, il va montrer sa nature de tous les jours, se dépouiller de sa noblesse. Mais lui vous regarde en retour, si profondément qu'il va au-delà de vos pensées, jusqu’à votre cœur, là où vibre votre propre clarté.
Il vous regarde, ne vous juge pas, parce que le monde auquel il appartient est plus grand, plus durable que les appréciations des hommes... Son visage est beau, grave, mais pas solennel. C’est un visage comme on en voit tous les jours. Mais c’est un visage qui ne change pas. On le regarde, et on sait qu’il sera pareil ce soir, demain, dans un an. On sait qu’on pourra le trouver quand on aura besoin de lui, comme ces paysages et ces maisons très anciennes que rien ne doit détruire. Quelque chose vit dans le visage de cet homme.
Quelqu’un y habite. Il est la personne même, l’invincible présence de la personne. Ses yeux clairs regardent le monde avec calme, avec mesure, car il connaît un sentiment qui est au-delà de l’indifférence. De ses yeux vient une force ancienne, une force qu’on connaît sans pouvoir la nommer ".
Jean-Marie Le Clézio
(L’Inconnu sur la terre, Gallimard).
******
Inscription à :
Articles (Atom)