jeudi 30 juin 2022

Le rescapé

 

LE RESCAPÉ
Je suis un rescapé
De la vie courante
Indemne mais tout juste
J’y patauge et bats des bras
Parmi des meutes de nageurs sans états d’âmes
Je bois la tasse
Refais surface
Sous le soleil cru
Mais j’ai ma bouée invisible
Elle se matérialise
Des que m’en souvenant
Je l’invoque
Alors elle me maintient à flot
Hors de toute image
De point d’arrivée
De rivage
Je ne me noie pas
C’est déjà ça

Gilles Farcet

*************

mercredi 29 juin 2022

Maturité

 

Dans la nouvelle vidéo de la chaîne Aux Portes du Tao est sortie: j'y parle de la différence fondamentale entre Éveil (états de conscience modifiés, capacités, etc...) et Maturité de l'adulte. 

En tant que pratiquant.e.s nous sommes souvent confrontés à un paradoxe: comment quelqu'un décrivant une expérience d'éveil (les personnes se présentant comme "éveillées" éclosent comme des pop-corns sur les réseaux sociaux) peut-il ou peut-elle rester aussi immature en tant qu'adulte, à tel point que n'importe qui ne faisant pas de spiritualité pourrait lui donner des cours? 

Une réponse possible est à chercher dans la différence entre états de conscience (l'éveil) et structure de conscience (le grandir) selon le modèle de Wilber, ou dans les stades de la normose selon le modèle de Ferdinand Wulliemier. 

En tous les cas, différencier les deux est essentiel dans le domaine de la spiritualité, bien sûr, mais cette capacité est également très utile dans d'autres secteurs de nos vies: familial, amoureux, professionnel ou social. 

17 minutes. J'ai fait le max pour être synthétique!

Fabrice Jordan


************

mardi 28 juin 2022

Road 51

 


Un grand merci à vous toutes et tous qui m'avez si gentiment souhaité bon anniversaire. Plutôt que de répondre par un court message personnel mais impersonnel, je réponds comme suit.

51. Ce chiffre me semble irréel, si je me réfère à ce que je ressens immédiatement en plongeant en moi. Toutes mes envies et élans, mes moteurs, mes espoirs, sont intacts. Mes défauts aussi, d'ailleurs:  mon impatience reste légendaire, par exemple, malgré plus de trente ans de pratique, et j'ai définitivement abandonné l'idée que cela change à l'avenir. Et je ne parle ici bien sûr que d'un seul de mes innombrables défauts, et l'un des plus avouables, bien entendu.

Alors qu'est-ce qui change, avec la pratique ?

C'est assez simple, au fond : l'espace intérieur grandit, et cela a plusieurs conséquences.

Tout d'abord, nos qualités et nos défauts, ou nos principales caractéristiques caractérielles, selon que l'on veut colorer ces attributs ou pas, se trouvent diluées dans cet espace qui grandit.

Elles ne disparaissent pas, et sont réactivables en cas de trigger involontaire (le plus souvent) ou de besoin (plus rarement) mais même activées, elles ne nous définissent plus complètement. Et pour tout dire, de moins en moins.

Par ailleurs, cet espace donne de la marge, souvent, pour voir se lever les réactions mécaniques quand elles ne sont pas trop violentes ou rapides. Cela nous laisse plus de choix intérieur et permet régulièrement d'agir plus que de réagir.

Bien entendu, cela n'est jamais parfait, et il y aura toujours des circonstances susceptibles de nous déstabiliser, dans certains domaines. Mais ces domaines se font plus rares et ils deviennent donc plus significatifs.

Autrement dit, peu à peu, nous approchons de nos blessures les plus fondatrices, sans être distraits par la périphérie. Cela nous permet de mieux les voir, de les sonder, et de choisir d'y plonger à corps perdu, si j'ose dire. Oui ça fait fichtrement mal et ça fait peur aussi. Mais qu'est-ce que ça en vaut la peine !

Parce que juste dessous, juste au milieu, dans l'interstice, il y a l'amour. Brut. Vainqueur. Glorieux. Insouciant. Rayonnant. Brûlant. Orgasmique et sans objet. Une douche d'amour sans raison. Qui se fout du corps, des rides et des cheveux blancs. Et qui nous ramène à l'origine de ce qui nous anime, depuis toujours.

Bouger, vouloir, rêver, transformer, partager, encore, encore et encore. Créer. Pour rien. L'immortalité, innocente, et dont le temps est compté, est là. 

Je vous souhaite à toutes et tous ce putain de mouvement perpétuel ! 

Fabrice

Photo : pratique du Tai Ji Quan, juin 2022, Ming Shan,  ©Yuliya Fedotova

*************

*******



lundi 27 juin 2022

En accord avec le corps et le monde

Pause sur un banc...


 Extrait de "L'art du Shiatsu ou la voie de la guérison" avec Yuichi Kawada

***********

dimanche 26 juin 2022

Arbre de Vie


 "Vivre, c’est passer consciemment par chaque instant, c’est remplir avec application chaque petit évènement qui se présente, avec grand soin, avec respect même, afin que rien n’en soit perdu. Savourer le moindre instant, goûter la moindre chose, sentir le moindre parfum, jouir de la présence de chaque personne, éprouver la moindre peur, ressentir la plus infime douleur, apprécier chaque syllabe du chant, chaque goutte de cette immense fontaine de joie et de peine qu’est l’arbre de la vie."

Placide Gaboury

Artiste Paul Heussenstamm

***********

samedi 25 juin 2022

Ouverture de conscience



"Nous oublions trop souvent que nous voguons en plein espace, en plein ciel, qu’une boule bleue aux chairs infinies nous porte, et que la lumière nous cherche, et que tout cela, c’est tout sauf… ordinaire. Redécouvrir cette réalité, chaque jour, suffit à rire, à aimer, à ouvrir les yeux comme les enfants les ouvrent, et à avoir soif d’innocence, d’intensité, de légèreté. Chaque instant "ordinaire" peut se vivre, dans le secret du cœur, de façon "extraordinaire."

Brigitte Sénéca - La création met l'homme debout


***************



vendredi 24 juin 2022

mercredi 22 juin 2022

Calme !

 

LORSQU’ON PRATIQUE ZAZEN, LE CORPS PREND LA FORME DU CALME !

CALME !

Une manière d'être qui fait d'un homme un être humain.

Manière d'être aujourd'hui refoulée au profit de réactions affectives et mentales telles que l'agressivité, l'emportement, l'irascibilité, la provocation, l'insulte ou pire encore le coup de poing.

A l'occasion d'un question-réponse, je cite la réponse donnée par un maître Zen à qui on demandait en quoi consistait sa méthode. Il répond : « ma méthode est le calme et la sagesse

! Là où est le calme est la sagesse ; là où est la sagesse est le calme ».


Ce sage chinois (7ème siècle) évoque le —grand calme— qui est le symptôme de notre état de santé fondamental. Il s'agit de l'ataraxie qu’Epictète, au premier siècle de notre ère, considère comme étant le plus grand bien auquel l'homme puisse accéder au cours de son existence. Le grand calme n'est pas à confondre avec un calme relatif que chacun peut reconnaître de temps à autre ; cette impression d'accalmie éprouvée après un effort ou à l'occasion d'une situation satisfaisante sur le plan de l'ego.

Il m'arrive d'entendre des personnes qui redoutent dans cette quête du calme une fuite du réel ou un refus de s'engager dans le combat social incontournable à notre époque.

Au huitième siècle, au Japon, dans le milieu des samouraïs on soulignait l'importance de l'intériorité dans l'entraînement aux arts martiaux. Atteindre le calme intérieur et le maintenir en toutes circonstances, permettait une plus grande efficacité au cours d'un combat. Au treizième siècle, l'arrivée des armes à feu a changé la donne. Dès lors, et jusqu'à aujourd'hui, la pratique des arts martiaux n'a plus pour but de vaincre un ennemi extérieur mais de faire l'expérience du calme intérieur, de la sérénité, de la confiance en soi.

La signification du kanji ZEN, transcription phonétique du mot sanscrit jhän signifie : recueillement calme ; contemplation calme.

La Voie du Zen, proposée par Graf Dürckheim à l'homme occidental dès son retour du Japon (1947) est : la culture du calme parfois formulée comme étant la culture du silence.

Ce qui distingue et caractérise Graf Dürckheim, parmi les occidentaux -peu nombreux- qui se sont intéressés au Zen à la fin du dix-neuvième siècle, est l'importance et l'implication du CORPS, du corps que nous sommes, sur ce chemin d'expérience et d'exercice. Il écrit que :

"Par sa manière d'être en tant que corps, chacun témoigne s'il est plutôt calme ou agité, confiant ou méfiant, serein ou affairé, paisible ou inquiet ...".

Afin d'atteindre ce plus grand bien, le calme intérieur, l'homme doit s'exercer ajoutait Épictète.

Le Maître Zen Hirano Katsufumi Rôshi, que nous avons reçu au Centre ces dix dernières années, attirait régulièrement notre attention sur le fait que :

— "Lorsqu'on pratique zazen, le corps prend la forme du calme" —

J'aimerais comprendre ! Désir compréhensible. Mais le sens de cette indication reste caché à la curiosité purement théorique. Le sens de cette indication ne s'ouvre qu'à celui, celle, qui l'approche en chercheur.

La pratique de zazen, de même que la pratique d'un art martial, est un voyage introspectif qui ne passe pas par la pensée, par l’analyse mais par l'action, la sensation et le ressenti.

Au cours d'un séjour au Japon, un maître d'Aïkido me disait que "il est difficile d'enseigner l'Aïkido aux occidentaux, particulièrement aux ... Français". Pourquoi ? "Parce qu'ils cherchent à comprendre ce qu'est l'Aïkido, ils cherchent à comprendre comment faire telle ou telle technique. Mon collègue les invite à ne plus utiliser le verbe comprendre et à le remplacer par le verbe avaler ! Ajoutant que ce qu'on avale est ensuite digéré ; et que c'est ce qu'on digère qui nous transforme".

L'exercice pratiqué au Centre Dürckheim est ZAZEN.

L'amalgame que certains font entre méditation de pleine conscience et zazen est une contrevérité. Même si on utilise la même position pour pratiquer zazen ou pour méditer, la manière de pratiquer est très différente si on médite ou si on pratique zazen. "Il y a mille et une manières de méditer mais il n'y a qu'une seule façon de pratiquer zazen" (Hirano Roshi)

 Jacques Castermane

**************

lundi 20 juin 2022

Cerveau fini !

 


«  Bouddha c’est le constat que l’univers est intrinsèquement vivant. A quel point en sommes-nous conscient ? En quelque lieu que nous nous trouvions, nous ne devons jamais perdre de vue le Bouddha. Même si nous sommes plongés dans les œuvres complètes de Marx et d’Engels, nous devons simultanément discerner la présence du Bouddha. (…)

Par ailleurs, nous reconnaissons l’existence de la loi de cause et d’effet. Notre urine d’aujourd’hui se compose de notre repas de la veille. Hier tu t’es bâfré de bœuf et d’oignon. Ne le nie pas ! Ton urine d’aujourd’hui t’a déjà trahi. De ce point de vue, aujourd’hui est la continuation d’hier et demain, la conséquence d’aujourd’hui. Il n’en reste pas moins que chaque instant qui apparaît et disparaît est nouveau. N’essaye pas de résoudre cette contradiction à l’aide de ton intelligence. Ton cerveau est incapable d’analyser l’infini. (…) »

Kodo Sawaki (maître zen de la première moitié du XXe siècle) traduit par Frédéric Blanc, "Force vitale", Les Editions L'Originel - Charles Antoni

***************

dimanche 19 juin 2022

« Notre monde cherche à nous détourner de l’essentiel »


 Voici une vingtaine d’années, je suis tombée en contemplation face à un visage de pierre du temple d’Angkor. Ses deux yeux étaient clos sur une illumination intérieure, et ses lèvres rayonnantes d’un sourire de joie.

Et voilà qu’une pensée a éclos de mes profondeurs, et j’ai entendu résonner en moi : « Tu es une enfant de la connaissance. » J’ai accueilli cette parole (qui semblait être, elle aussi, de connaissance) et je l’ai confiée au silence. Jésus n’a-t-il pas dit : « Laissez venir à moi les petits enfants ! » ? Si cette parole était de vérité, elle révélerait son sens, un jour, tout simplement.

« L’enfant que j’ai été »


Ce jour est advenu, le mois dernier, dans toute son évidence. J’attendais dans une salle d’attente peinte en bleu, donnant sur un jardin baignant de lumière. Face à moi, pas de visage de pierre, mais une petite chaise en bois pour enfant, avec une assise en paille. J’aime attendre sans plus rien attendre, car ces temps suspendus permettent à nos âmes de s’abandonner librement à leur fantaisie créatrice, et ils portent souvent des fruits étonnants. De fait, cette petite chaise vide s’est emplie d’une grande présence. Je n’étais plus seule dans la pièce… Une enfant était là, assise devant moi : l’enfant que j’ai été.

Je crois beaucoup à la vie cachée. Notre monde cherche à nous détourner de l’essentiel, en tournant nos regards vers ce qui se passe sur le soi-disant devant de la scène. Mais ce qui se joue là, « dans la grande assemblée », contribue moins au salut du monde, que ce qui se vit, à l’abri des projecteurs, dans notre intériorité ou notre intimité.

De simples et petits gestes

Une parole d’amour murmurée à l’oreille d’un amant, une main posée sur la main d’un mourant, un verre d’eau tendu à un enfant pèsent dans la balance. Ce sont ces simples et petits gestes qui ouvrent, dans nos vies cachées, la « porte étroite » du Royaume. Cette chaise en bois me tendant son miroir, j’ai plongé dans son regard, retombant dans la cache de l’enfance.

J’ai vu ma chambre bleue où je dormais seule à l’étage, écoutant les craquements des meubles et les gargouillements des tuyauteries. J’ai vu mon lapin blanc tapant du pied et sautant sur mon lit pour me réclamer des caresses derrière ses oreilles. J’ai vu aussi mes cheveux de Vénus, ces capillaires que ma mère me confiait pour que j’acquière la main verte. Jour après nuit, je suis « née » de cette chambre, de ce lapin, de ces fougères, dont j’ai pris soin et que j’ai « fait naître » dans un amour mutuel.

Vers la joie fertile et créatrice

Et si c’était cela le sens de cette parole de connaissance ? Avoir pour vocation, non seulement de connaître, mais aussi de « co-naître » ? Être une enfant, non de la connaissance, mais de la « co-naissance » ?

À quoi sert, en effet, d’être une somme et des bagages de connaissances, si nos rencontres ne nous permettent pas de nous donner mutuellement la vie ? Ne sommes-nous pas sur terre pour aller à la rencontre des uns des autres, et naître les uns des autres ? La Bonne Nouvelle, n’est-ce pas la joie fertile et créatrice de cette co-naissance, qui nous permet ensemble de « faire toutes choses nouvelles » ?


Naître et renaître ensemble

« Faire toutes choses nouvelles » est bien l’urgence des temps… Notre monde s’effondre comme une tour de Babel lourde de ses connaissances et avide de reconnaissance, ayant oublié que l’essentiel est de naître et de renaître ensemble à l’infini. Vivre entre hommes et femmes, entre générations, entre cultures et traditions, mais aussi entre Terre et Ciel, entre mondes visible et invisible, entre règnes minéral, végétal, animal.

En me rappelant ma chambre bleue, mon lapin blanc et mes cheveux de Vénus, cette chaise en bois me désignait la « porte étroite » vers cette féconde connivence : le talent des enfants de la connaissance de co-naître dans l’amour mutuel !

Charlotte Jousseaume est écrivaine. Elle anime des ateliers d’écriture et a publié Le silence est ma joie (Albin Michel), Quatuor mystique (Cerf), Et le miroir brûla (Cerf) et J’ai marché sur l’écume du ciel (Salvator).

-------------- source : La Vie


samedi 18 juin 2022

Tout le reste vient du Malin

 En l'honneur de l'anniversaire d'Arnaud, un texte extrait de Adhyatma yoga, À la recherche du soi I 


Je vais donc prendre un exemple très simple. Contre lequel vous ne vous révolterez pas et qui ne soulèvera pas d’émotion profonde dans vos inconscients respectifs. Imaginons une jeune fille d’un milieu social moyen, disons bourgeoisie moyenne, ni la fille de Rothschild, ni une fille vivant dans la pauvreté. Elle passe son bachot. Elle a un parrain qui ne lui fait plus de cadeau depuis qu’elle n’est plus une petite fille, qui a même oublié la date de son anniversaire et qui lui dit : « Écoute, si tu es reçue à ton bachot de terminale, je te fais un très beau cadeau. Il y a longtemps que je ne t’ai rien donné, ça fait des années, j’ai des tas de cadeaux en retard, je te fais un très beau cadeau. Qu’est-ce que tu voudrais ? » La fille dit : « Parrain, je n’ose pas te le dire, c’est un très beau cadeau. » – « Et quoi ? » – « Un vélomoteur pour 85 jeune fille. » – « Ça coûte combien ça ? Mes prix sont peut-être dépassés. » – « 1 500 F. » – « Écoute, dit le parrain, tu réussiras bien à compléter et, si tu es reçue, je te donne 1 000 F. » C’est un très beau cadeau pour une fille de dix-sept ans. La voilà très heureuse mais, comme elle n’a pas encore ce bachot de terminale, elle n’a donc pas les 1 000 F et elle n’est pas emportée par l’émotion. Elle travaille bien, elle est reçue et elle demande à ses parents : « Qu’est-ce que je fais ? » Les parents lui répondent : « Écoute, c’est nous qui allons prévenir parrain, c’est plus discret. » Les parents préviennent parrain. Suivez bien cette petite histoire inoffensive, le chemin, la vérité, la sagesse suprême, tout est contenu dans cette petite histoire. Voilà qu’arrive une enveloppe de format allongé, comme celles où l’on met un chèque qu’on ne veut pas plier et, sur l’enveloppe, l’écriture du parrain. Notre jeune bachelière l’ouvre. Il y a un petit mot de l’écriture de parrain et un chèque. Elle lit le petit mot : « Bravo ; reçue ; je suis fier de toi ; voilà le cadeau promis ; sois heureuse. Parrain. » Sur le chèque, il y a marqué en chiffres et en lettres : « Payez 500 F à l’ordre de Mlle Sophie Dupont. » Quelle émotion ! Suivez-moi bien. Cette petite histoire, c’est la vie de l’humanité jour après jour, minute après minute. Voilà que cette jeune fille est désespérée de recevoir 500 F. 50 F ce serait déjà beau, 500 F c’est magnifique. Vous croyez qu’elle est heureuse de recevoir 500 F ? Ah ! son cœur se serre et la voilà malheureuse. Pourquoi ? Parce que sur le chèque de 500 F qui est la seule réalité – « c’est, c’est ; ce n’est pas, ce n’est pas » – le mental surimpose un second : le chèque de 1 000 F qui n’a aucune réalité d’aucune sorte, ici et maintenant. Et c’est cette surimposition, cette création d’un second par le mental, qui produit l’émotion douloureuse. Si la jeune fille pouvait être « un avec » le chèque de 500 F, sans qu’il y ait entre elle et le chèque de 500 F l’épaisseur d’un cheveu de non-adhésion, le chèque de 1 000 F n’aurait aucune possibilité d’intervenir dans la situation et cette fille n’aurait pas de « mental ». Elle serait une avec la réalité relative du monde phénoménal, elle serait sans émotion, elle aurait un sentiment réel. « Un chèque de 500 F, c’est magnifique, il y a tant de filles qui ne les ont pas et je vais pouvoir faire beaucoup de choses avec cet argent. » Elle aurait aussi la possibilité d’agir sans émotion : « Voyons, parrain m’avait promis 1 000 F, il m’envoie 500 F ; est-ce qu’il a été distrait, est-ce qu’il oublie ? Je n’ose pas trop en reparler, qu’est-ce que je peux faire ? » Ses parents lui auraient peut-être dit : « Écoute, nous sommes assez intimes avec parrain pour, au moins, lui poser la question. »

Je reprends ma même histoire. Un parrain dit à sa filleule : « Qu’est-ce que tu voudrais, si tu es reçue au bachot ? » Le parrain veut faire un très beau cadeau. – « Ah ! une motocyclette. » – « je te promets 1 000 F. » La fille reçue au bachot, on avertit parrain, arrive une enveloppe du format allongé qu’on utilise si on veut envoyer un chèque sans le plier. À l’intérieur de l’enveloppe se trouve une petite carte avec l’écriture de parrain et un chèque. Sur la carte, il est marqué : « Reçue, je te félicite, je suis fier de toi. Voici un peu plus que le cadeau promis, comme ça tu pourras faire entièrement la dépense prévue. » Et sur le chèque il y a marqué 2 000 F. Je mets au défi cette jeune fille de ne pas être emportée par une émotion intense de bonheur. Cette jeune fille est condamnée au bonheur. Comme une marionnette dont quelqu’un, de l’extérieur, tire les fils. Elle ne se sent plus de joie. « À ces mots le cor beau ne se sent plus de joie », dit La Fontaine, à ce chèque la jeune fille ne se sent plus de joie. Pourquoi, pourquoi y a-t-il émotion ? Pourquoi est-elle emportée par l’émotion ? Parce que sur le chèque de 2 000 F, le mental surimpose le chèque de 1 000 F attendu. Celui-ci n’a aucune réalité d’aucune sorte, la seule réalité c’est le chèque de 2 000 F. 

C’est. It is. Et tout le reste vient du Malin.

Arnaud Desjardins

vendredi 17 juin 2022

Toile d'éternité

 

Perles sur toile d'Isabelle Calas,

" Aucun livre ne peut nous sauver de notre vie.
Aucune parole ne sait recueillir ces éclats qui nous reviennent et nous élancent, empêchant le soir de descendre, la paix de venir.
Il n’y a pas de consolation, puisque tout nous blesse et que rien ne nous fait mourir.
Il n’y a que les choses devant nos yeux et la lumière sur ces choses. Il n’y a que ces araignées d’eau que je regarde filer sur la soie d’un étang, fragiles, avançant par saccades comme sous l’accès d’une pensée sans cesse interrompue, sans cesse reprise, inventant la légèreté d’une voie entre les deux éternités massives de l’air et de l’eau. "

Christian Bobin 🍂 Le huitième jour de la semaine 🍂



********************

jeudi 16 juin 2022

L'instant vous respire

 


"Rien de plus banal, rien de plus miraculeux que le souffle. N'oubliez pas qu'une respiration n'est jamais prise, mais offerte.

Reconnaissance. 

En ce même moment, ce qui tourbillonne dans la galaxie et que chantent les étoiles, vous respire. Chaque cellule de votre chair le sait et doucement sourit.

Chaque montée et chute d'inspiration, d'expiration, polit la coupe d'or de votre cœur, dont le vide étincelant reçoit l'image de la face sacrée de chaque créature.

Quelque part dans la forêt, une fougère se déploie ; c'est aussi votre respiration. Un trille contemple toutes vos nuances de vert. Dans le nid vide du rouge-gorge, la coquille brisée contient tout le ciel bleu.

Juste pour un instant, vous revenez au miracle ordinaire de votre corps, et le royaume de la peur disparaît à jamais."

Alfred K. LaMotte 

What swirls - ce qui tourbillonne (traduction libre)

photographie peinte:© Thomas Dodd Art

----------------

mercredi 15 juin 2022

Voir ou penser

 
« Je vois, Svâmiji, je vois tout.

– Non. Vous ne voyez pas.

– Je ne vois pas ?

– Non, vous pensez seulement

– Je pense seulement ?

– Oui, vous pensez seulement. Vous ne pouvez pas voir. »

« Je ne peux pas voir ?

– Non, qu’est-ce qui est là devant vous ?

– C’est un beau jardin.

– Voyez, vous ne voyez pas… vous ne voyez pas !

– Si, Svâmiji, je vois. C’est un beau jardin. Je vois.

– Non, vous ne voyez pas.

– Je ne vois pas ?

– Non, non

– Comment cela Svâmiji ? Je vois… je vois que c’est

un beau jardin, Svâmiji.

– Vous ne voyez pas. Qu’est-ce que c’est ?

– Je vois… je sens… je vois.

– Vous pensez que vous voyez, mais vous ne voyez pas. Vous pensez que vous voyez. Quand Svâmiji demande « qu’est-ce que c’est ? », vous dites « c’est un beau jardin ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Essayez d’en voir le sens. Dès que vos yeux se tournent de ce côté-là, vous voyez un beau jardin. Ce qui signifie qu’immédiatement vous allez vers une image qui vous apparaît belle. Vous avez l’image de quelque chose de beau. Et vous juxtaposez cette image avec cela. Aussi, quand vous dites que vous le voyez, vous ne le voyez pas. Vos yeux sont tournés vers le jardin. Vous voyez – ou plutôt vous croyez voir – une belle image. Vous ne voyez pas le jardin.

Après quelques temps, elle dit :

« – Regardez et dites ce que vous voyez.

– Oui, Svâmiji, oui… c’est un jardin avec des fleurs.

– Ah ! Oui. Vous voyez maintenant ! Vous voyez que c’est un jardin avec des fleurs. Vous voyez maintenant ?

– Oui, Svâmiji, oui.

– Voyez, il n’y a pas de comparaison. Quand on voit, il n’y a pas de comparaison. Vous ne comparez pas avec quelque chose d’autre.  Mais quand vous pensez, il y a toujours un élément de comparaison avec quelque chose d’autre. Aussi, la pensée est partout présente et toutes vos actions en sont imprégnées, n’est-ce pas ?

– Oui, Svâmiji, oui, oui. »

Extrait de L'expérience de l'unité

SUMANGAL PRAKASH

************

mardi 14 juin 2022

De l'aiguille au trou, il n'y a qu'un chas...

 


Un moment vient (c’est comme cela que je pourrais décrire l’expérience qui a été la mienne) où l’on s’engage dans un chemin qui se rétrécit de plus en plus. Peut-être est-ce comparable à ce « trou de l’aiguille » dont parle le Christ ; il est évident qu’un chameau ne peut pas passer par le trou de l’aiguille et qu’un individu riche ne peut pas atteindre le Royaume des Cieux ; mais de quelles richesses s’agit-il ? De toutes les richesses intérieures – les richesses de l’ego dont la pure conscience en nous est affublée et encombrée. Ce sont ces richesses-là qui doivent être abandonnées : les richesses émotionnelles, les richesses mentales, les richesses intellectuelles, toutes les richesses dans le relatif – les richesses des différents koshas ou « revêtements du Soi ». 

 Le chemin paraît se rétrécir de plus en plus ; il faut encore perdre, il faut perdre encore, pour devenir de plus en plus pauvre, de plus en plus nu, jusqu’à passer même pas par le trou de l’aiguille mais par un point, le point géométrique qui n’a aucune dimension. La seule réalité qui demeure, c’est la conscience, dépouillée de tous ses revêtements. Si vous allez jusqu’au bout, au moment où vous avez tout donné, la réalité se révèle, l’éveil se produit, l’ego a perdu sa magie et son pouvoir, c’est fini : vous êtes libre ! Mais vous ne pouvez rien garder... 

 Si vous voulez aller, dans cette vie, jusqu’au bout – et l’ultime réalisation, c’est le jusqu’au bout – il faudra tout lâcher – TOUT

Arnaud Desjardins

Au-delà du moi À la recherche du soi II

***********

samedi 11 juin 2022

Faire corps avec son corps

 


Mystère de cette incarnation… 

Ce qui paraît à tant d’entre nous, dans certaines cultures, à tant d’époques, un exil sur terre, le fait d’être cousu dans ce sac de peau, 

prison terrible lorsque la souffrance en devient le geôlier, 

tout cela peut, par un retournement imprévisible, s’avérer chemin de délivrance et de lumière.

Il n’est pas d’engagement possible en amour sans le respect des corps.

Sans un saisissement devant l’énigme du corps – l’alambic de toute alchimie !

Le corps est cette œuvre d’un grand luthier qui aspire à la caresse de l’archet. 

"Tout ce qui vit aspire à la caresse du Créateur", dit Hildegarde von Bingen. 

Séparé de la résonance à laquelle aspire ce corps, séparé de la musique pour laquelle il a été créé, 

il perd sa tension, 

il s’affaisse, 

il se laisse aller, 

il se désespère. 

Nous vivons à une époque où rien ne nous dit la merveille de l’ordonnance du corps ; on croit vraiment que se laisser aller est une manière de se sentir mieux, 

personne ne nous signale : attention, ton chevalet est déplacé, ta corde est distendue, le maître ne peut pas jouer sur toi.

Ces corps inhabités de tant d’entre nous aujourd’hui, qui, à défaut d’entrer dans la résonance pour laquelle ils étaient créés, 

vont se rouiller, 

se déglinguer, 

perdre le souvenir de ce qu’ils sont. 

Pourtant, nous le savons tous, la mémoire du corps est la plus profonde.

Corps ami, 

corps connu, 

corps de la maturité, 

mon corps. 

Façonné par la longue route parcourue- l'amour, l'effort, les maternités, les empoignades, les désespoirs, les maladies, la bagarre, les délices -, je le déchiffre à livre ouvert. 

J'ai enfin cessé de rôder autour de lui pour élire en lui domicile. 

Sa force me ravit aujourd'hui, tout comme d'avance, j'acquiesce aux métamorphoses claires et sombres qu'y opérera la vieillesse. 

Notre amitié est scellée. 

Sans trahison, je l'accompagnerai jusqu'au dernier spasme. 

Désormais, je fais corps avec lui.

Christiane Singer

-----------------

vendredi 10 juin 2022

Le profil illusoire pris de face...

 


Je comprends bien ce que peut être une illusion, un mirage qui fait surgir un étang en plein désert; j'aurai beau rouler vingt kilomètres je n'atteindrai jamais cet étang inexistant. De même, si le sens du moi individualisé peut se volatiliser sans laisser de traces, c'est parce qu'il n'a jamais existé que sous forme d'illusion. Ce qui a une réalité ne peut pas disparaître mais seulement se transformer. Or l'ego, lui, disparaît comme un rêve dont on s'éveille. Si vous lisez les paroles de tel ou tel maître contemporain comme Ramana Maharshi, Ramdas ou Mâ Anandamayi, vous retrouverez cette affirmation à longueur de pages. Mais ce moi règne sur nos existences et aucune illusion n'a autant de conséquences et des conséquences aussi graves.

Arnaud Desjardins - La voie et ses pièges

---------------------------------------------------

jeudi 9 juin 2022

Centre émotionnel

 


"M. Ouspensky a dit un jour que le Centre émotionnel ressemblait à un éléphant fou et qu'en Inde, lorsqu'un éléphant apprivoisé devenait fou, il fallait trouver deux éléphants sains d'esprit et les mettre de part et d'autre de l'éléphant fou, attachés avec des cordes, pour lui apprendre à se comporter avec droiture... il doit être contrôlé par les deux autres éléphants : le Centre intellectuel qui pense et le Centre moteur qui agit."

Dr. Maurice Nicoll
**************




mercredi 8 juin 2022

mardi 7 juin 2022

Rencontre poétique avec quelqu'un "Habitant le qui-vive"

 Dimanche prochain, place Saint-Sulpice, à Paris, je serai au stand des Editions L'herbe qui tremble, avec Isabelle Lévesque à 15h30 ! 

Si vous aimez la poésie, ne manquez pas ce marché unique, qui regroupe la plupart des éditeurs de poèmes et qui attire chaque année beaucoup de monde !

Sabine Dewulf

Vous pouvez retrouver des extraits de poèmes et des morceaux de l'œuvre de Ise (exposée chez nous) à l'adresse suivante :

https://www.terreaciel.net/Le-Porte-monde-Sabine-Dewulf-et-Ise-Cellier-suivi-d-un-Entretien-croise-avec#.Yp50JKhBxMw



"Bascule vers l’arrière et toujours en deçà.
Ici tout est à vivre,
les marées de verdure,
même les précipices.

S’imprime l’instant sur ma peau.

Tout est à laisser vivre."

Il est possible de commander le livre chez l'éditeur :

https://lherbequitremble.fr/livres/habitant-le-qui-vive.html?fbclid=IwAR0lp4qO1USiipsxjMZDCwVhiG1BqfBbKslces1MRYV7uIPcbeigiMBUhkw 


-------------------------

lundi 6 juin 2022

Nouveau recueil de Sabine Dewulf

 


Je suis l’attristée sans racine

suspendue à la Terre
sans raison ni tempête.

J’ai cru aux pensées imbibées de puissance.

Un jour je quitterai l’empire du revers,
dans le désir profond m’inscrirai en oiseau.

Cet air nous sommes.

------

Isabelle Lévesque : La rêverie et la réflexion autour du "Porte-monde" d’Ise ont-elles modifié ta vision du monde, de l’espace, du temps ? Comment cela a-t-il influencé ta façon d’envisager l’écriture du poème et son visage ? On peut remarquer de courtes strophes (2 vers, parfois un seul), des caractères romains et italiques, des traits séparateurs…


Sabine Dewulf : Je dirais que cette œuvre m’a d’abord aidée à apprivoiser mon corps et mon visage. J’ai appris, en la contemplant, à mieux sentir combien mon corps – et ceux des autres ! – appartenait au monde et combien mon visage n’était visible que dans cet ovale du miroir que l’œuvre semble présenter, à distance de mon être réel. C’est en tout cas comme cela que j’ai choisi de regarder ce "Porte-monde" (qui comporte évidemment bien d’autres possibilités d’interprétation !). Le visage dans le miroir fait partie des éléments du monde, il diffère de ma propre conscience : c’est souvent le « tu » auquel le « je » s’adresse (mais pas toujours : parfois, ils s’inversent et j’ai laissé faire ce mouvement d’interversion).

Cette œuvre m’a aussi aidée à écrire de manière plus lucide, plus incisive. Les caractères italiques correspondent à la voix la plus sage en moi-même, la plus ample, celle qui est apte à contempler l’œuvre entière et qui voit à la fois le visage et son corps en forme de monde, qui est donc capable de tout réunir. Les caractères romains sont au contraire le cri du moi instable, insécure, de celui qui se prend pour ce visage isolé, dont une larme s’échappe. Les traits séparent ces deux voix pour que la seconde puisse soutenir et éclairer la première.

Isabelle Lévesque : Ton livre interroge à la fois sur la mise au monde et sur la naissance, sur l’attente et l’espérance comme sur la perte et la finitude, sur notre rapport à l’autre et aux autres… Que t’a apporté le fait de passer par l’œuvre d’une artiste pour aborder ces questions au lieu de les aborder directement ?


Sabine Dewulf : Passer par l’œuvre d’une artiste de cette envergure a été d’abord pour moi un soutien. Je n’étais plus seule, j’étais accompagnée par une présence très forte, quand je sentais la mienne vaciller.

C’était ensuite une source d’inspiration constamment renouvelée. Le risque, quand on n’écrit qu’à partir de soi-même, est de se replier sur soi, de s’appauvrir. La richesse d’une telle œuvre me préservait de ce danger. Elle m’a obligée à m’ouvrir et à aiguiser ma sensibilité, y compris aux souffrances des autres, que je les aie ou non côtoyés.

Enfin, cette œuvre m’a offert de manière très concrète (la matière textile est particulièrement dense) une image de la Terre comme un corps très précieux à chérir et à préserver. En ces temps d’incertitude majeure (l’humanité survivra-t-elle aux changements planétaires qui s’amorcent ?), elle m’a été un rappel permanent de la nécessité d’être présente, du mieux que je le peux, à notre monde.

-----------

voir l'interview en entier

----------


 


 


 



dimanche 5 juin 2022

Posture

 Pas un geste ! Notre façon de nous asseoir, de nous tenir debout ou de marcher dans la rue en dit long sur notre état d'esprit. Imaginez que votre corps soit suspendu dans le temps comme une sculpture, quel message vous enverrait-il ! Chacune de nos attitudes expression raconte l'histoire de notre personnalité et de notre état. Chaque posture que nous adoptons est un hymne à nos émotions. 

La pseudo science qui étudie le langage du corps nous enseigne que le corps ne ment pas. Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas cacher les sensations physiques désagréables que nous ressentons. Par exemple si on souffre d'une migraine, on peut assister à une réunion sans grimacer de douleur à chaque fois que quelqu'un parle. Mais si on se sent nerveux, si on s'ennuie ou si on est émotionnellement mal à l'aise, des attitudes caractéristique de notre tension (comme tapotait nerveusement sur la table, se ronger les ongles ou jouer avec ses cheveux) commencent à envoyer des messages que notre tact et notre diplomatie nous empêchent de formuler ouvertement. 


Chaque attitude adoptée à un sens précis. Tapoter sur la table est un moyen de se retenir d'agir ouvertement, ce qui permet par exemple, de ne pas quitter une pièce lorsqu'on s'ennuie. On se ronge les ongles pour détourner ses instincts destructeurs. Lorsque l'on se sent puni ou quand on a besoin de réconfort, on peut jouer avec ses cheveux : c'est un comportement typique de l'enfance, qui est une période caractérisée par un niveau de responsabilité minimal. 

Il faut donc écouter les messages que notre corps envoie pour supprimer nos manies et en perdre l'habitude. La première étape pour se libérer de ses habitudes n'est pas, comme le prétend la croyance populaire, d'appliquer de la moutarde sur les doigts pour éviter de se ronger les ongles, mais de prendre conscience des circonstances qui déclenche notre malaise. Nous devons apprendre à devenir notre propre spectateur. Dès que l'on commence à  rechercher la protection de notre « couverture sécurisante », c'est que l'on est en face d'une des nombreuses situations à l'origine de notre anxiété. 

S'ouvre alors la voie de la connaissance de soi, c'est-à-dire le processus qui permet de découvrir, une à une, les origines enfouies de nos tensions.  

On peut, par exemple, après une rencontre qui nous a laissés mal à l'aise, visionner une vidéo imaginaire en nous mettant à la place d'une des personnes présentes (ce sont la plupart du temps les autres qui sont à l'origine de nos tensions). Quelle image de nous aurait eu ce témoin ? Nos premières  suppositions sont souvent les bonnes, même si nous hésitons à en reconnaître la validité. 

Identifier la cause réelle de nos tensions apporte une explication logique au problème. On peut donc ensuite essayer d'en déraciner l'origine et d'en évacuer les symptômes. A cours terme, des techniques comme le relâchement musculaire, le massage (shiatsu) et le yoga, peuvent s'avérer utiles pour atteindre une sérénité physique qui nous aidera à affronter les prochaines période d'anxiété. Une fois le corps détendu, nous sommes mieux équipé pour partir à la découverte de notre propre intériorité qui nous apportera le calme durable. 

Mike George 

Extrait de « La Relaxation » 

-----------------------------------

vendredi 3 juin 2022

 Mal-aimé, souffrant, porteur de mémoires parfois traumatiques, de somatisations, on peut rencontrer le corps par le chemin de la parole, et c'est la pensée qui permet de l'analyser.

Selon Charlotte Védeilhé, quand la médecine ne trouve pas d’origine physique, radiographique à la douleur, aux dysfonctionnements, aux drôles de sensations, un mot apparaît : psycho-somatique. Ce n’est pas un gros mot, il souligne l’intrication du corps et de la psychée. Pourtant il est souvent le raccourci vers un « c’est dans la tête ». Peut-être en effet que cela vient d’une émotion (d’ailleurs, les émotions sont-elles inscrites uniquement dans la tête ?) mais c’est aussi dans le corps, quelque part.

La personne à qui on parle de gêne d’origine psycho-somatique se retrouve souvent chez le psy. C’est important, mais pourquoi ne pas explorer l’autre chemin, celui du somato-psychique.

Pourquoi ne pas aussi partir du corps puisque c’est lui qui s’exprime ?


Dans la psychologie il manque un lien plus direct au corps, la voie de la médecine chinoise est une excellente approche complémentaire . La médecine chinoise est vieille de plusieurs millénaires, fondée sur l’observation du vivant. Elle parle de ce qui circule en nous, de ce qui est entravé. Elle propose un support de compréhension du monde basé sur les cycles naturels, tout est connecté, inter-relié. A l’image du yin-yang souvent traduit par le manichéisme occidental blanc/noir, bon/mauvais. Or il s’agit de l’aube qui pointe dans le noir de la nuit, et du crépuscule qui s’invite dans la lumière de la journée. C’est une vision dynamique d’un monde en mouvement, à la fois théorique en proposant une vision thérapeutique de l’homme, et pratique avec ses outils (réflexologie, pharmacopée, massage, travail des méridiens et points d’acupuncture, exercices physiques tels que le Qi Gong…).

Il y a 5 éléments : Eau-Bois-Feu-Terre-Métal qui correspondent chacun à des organes, des émotions, des couleurs (comme on le voit en FengShui par exemple), des saveurs…

Si on prend un  exemple, le printemps c’est une saison, c’est aussi une période de la vie, c’est aussi une énergie particulière-celle de l’expansion, du déploiement, du mouvement comme on l’observe dans la nature à cette saison.

En médecine chinoise, le printemps est associé à l’énergie du foie qui nous parle de souplesse (physique et psychique), de libre mouvement. C’est être en phase avec ses envies, occuper sa place avec confiance, savoir s’adapter.  Quelqu’un qui se sent mal dans sa peau, dans sa vie peut ressentir une anxiété qui peut s’exprimer par des maux de ventre, de tête, une oppression thoracique, une irritabilité… En psychothérapie, en travaillant du côté émotionnel on pourra bien sûr peu à peu avancer et travailler sur ces inconforts physiques. Mais l’idée est aussi de pouvoir partir du corps pour redonner un peu d’air, permettre de soulager quelque chose du corps pour rendre à l’esprit ses ressources et sa capacité à transformer les choses pour avancer plus sereinement.

On peut aussi avoir par exemple pour des raisons innées et/ou acquises une faiblesse de l’énergie de la rate qui aura pour conséquence une tendance à la cogitation et une difficulté à passer à l’action. L’origine c’est le corps, l’émotion devient la conséquence… qui renforce à son tour la problématique corporelle.

Parler de soi  est difficile quand on est peu à l’aise avec ses émotions, quand on est  « pas élevé comme ça » et prendre soin de son corps peut être un premier pas pour pouvoir s’écouter et se raconter. Il y a aussi de plus en plus de gens qui ont fait un travail sur eux-mêmes et avec ce paradoxe de se connaître par cœur, de se voir fonctionner, sans que quelque chose ne se décale réellement pour eux. Là encore, cette approche par l’énergie du corps peut laisser place à un chemin et des pistes différentes.

Accompagner les gens à parvenir à davantage de conscience de leurs ressources, de leurs vulnérabilités, c'est leur permettre de reprendre le fil de leur vie en toute autonomie.

Charlotte Védeilhé

-----------------------