C’était il y a dix ans. Baigné dans la douceur d'une lumière de printemps, mon salon parisien contrastait avec mon propre état intérieur, assombri par des années de lutte contre moi-même. C'est alors qu’un bien-être incroyable m’a submergé. J’étais enveloppé par un sentiment de plénitude que reflétaient le silence et la beauté de la lumière. À travers cette dernière, c’est comme si un visage se révélait à moi : celui de la femme qui m’avait donné la vie, puis abandonné lorsque j’avais 3 mois. Pour la première fois, j’arrivais à lui pardonner, alors que je lui vouais jusqu’alors une haine inconsciente. Ce jour-là, comme l'aveugle qui demandait à voir Jésus, j'ai connu une forme de guérison intérieure.
Marié depuis dix ans, père de trois enfants, j’avais demandé à Dieu, quelque temps auparavant, de m’aider à aimer ma femme. Sa réponse libératrice, je l’avais reçue en ouvrant la Bible dans mon atelier. La lecture d’un psaume m’avait fait réaliser combien j’avais toujours été
aimé : par celle qui m’avait enfanté, palmes parents adoptifs, par ma famille, mais aussi par Dieu qui m'avait «façonné dans le secret » (Psaume 138,15) et me connaissait avant même de me «former au ventre maternel » (Jérémie 1,5)- En l’espace de quelques minutes, par cette grâce, j’étais devenu plus fort que tout le mal qu'on m’avait fait. Je pouvais enfin choisir ma vie. Choisir d’aimer, ce dont j'étais jusqu’alors incapable. J'étais devenu fils, j’étais appelé à devenir père, époux et peintre.
Dieu est bien le seul contre lequel je ne me suis jamais rebellé. Élevé dans une famille pratiquante, j'ai été porté par la foi et l’amour de mes parents. Mais, tel l’aveugle ou le paralytique, ma foi lambinait dans un coma spirituel : j’aimais mal, et je ne m’aimais pas moi-même. Au lieu de regarder les autres pour eux-mêmes, je ne cherchais en eux que le reflet de mon nombril blessé. Le mot « non » me servait d’identité, instinctivement. Suivant l’exemple de mes parents, je m’étais toutefois engagé dans le mariage avec Florence. Mais au fond de moi, je restais prisonnier d’une forme d'enfer intérieur. J’ai même arrêté un temps le dessin, ma passion, tellement ce qui sortait de moi était violent. C'est au fil des années de mariage, puis de paternité, tandis que je m’enfonçais toujours plus dans mes contradictions, devenues insupportables pour Florence et pour moi, que j’en ai pris conscience : je ne pouvais plus faire abstraction de mon histoire souterraine. Peu à peu, j’ai ainsi remonté le fil de mes origines jusqu’à cet « abandon », mot que mes parents n’avaient jamais prononcé, sans doute pour me protéger. Malgré tout leur amour, j’étais en guerre, contre moi-même, les autres et le monde en général.
Grâce à la conversion du regard que j’ai reçue il y a dix ans, il m'est devenu possible de contempler et d'envisager dans la paix et la bienveillance. Ce regard a aussi transformé ma vie de peintre : c’est à partir de ce moment-là que j’ai pu voir chez les autres artistes ce que j’aimais chez eux. Mes maîtres spirituels sont ces peintres qui, partant de grandes ou petites choses observées, ont donné à voir l’insaisissable : une réalité habitée par la Grâce. Ceux qui ont su relativiser le temps du monde, par les symboles de la permanence et de l’infini, prêtant à la méditation. Et qui ont dévoilé la Présence habitant leur vie, avec justesse et tendresse.
Mes toiles, jusqu’alors grinçantes et hurlantes de désespoir, n’ont plus désormais qu’un seul objectif : montrer le réel augmenté du spirituel, se matérialisant dans le surgissement de la lumière. Telle est ma vocation, confirmée dans mon atelier et fondée sur l’intuition que la vision qui m’a émerveillé, dépassé, est le trésor vivant sur lequel je peux bâtir mon œuvre. Depuis, il n'y a plus aucun sujet pour moi, sans cette lumière, aimante et invisible, présente dans notre bas monde, qu'elle se reflète dans un verre d'eau, un paysage ou au travers d'une scène humaine. Une lumière douce et bienveillante, silencieuse, épousant la réalité charnelle. Elle n’aveugle pas, elle n'anéantit pas, elle révèle. Mon rôle n’est pas de mettre en scène, mais de témoigner, dans une société où l’art contemporain est trop souvent régi par une négation du réel. Témoigner de cette sacralité vivante et incarnée.
Comment discerner la part de spiritualité dans son surgissement ?
Il s'agit de montrer ce qui est. À chaque fois, cette lumière, qui m'est totalement étrangère, me surprend, m’interpelle, me décentre. Quelque chose est en train de se passer. C'est une manière d’illuminer le monde. Un sentiment d'émerveillement. J’essaie pour cela d’inscrire mon regard non pas dans un processus rationnel ou idéologique, mais sensitif. Dieu nous a créés avec des sens pour que nous Le reconnaissions avec nos sens. Et même s’il m’arrive de ne plus y croire, l’évidence du moment m'enseigne, a posteriori, que son Esprit était là. Parfois je lui tourne le dos, mais je ne Lui lâche plus la main.
Marié depuis dix ans, père de trois enfants, j’avais demandé à Dieu, quelque temps auparavant, de m’aider à aimer ma femme. Sa réponse libératrice, je l’avais reçue en ouvrant la Bible dans mon atelier. La lecture d’un psaume m’avait fait réaliser combien j’avais toujours été
aimé : par celle qui m’avait enfanté, palmes parents adoptifs, par ma famille, mais aussi par Dieu qui m'avait «façonné dans le secret » (Psaume 138,15) et me connaissait avant même de me «former au ventre maternel » (Jérémie 1,5)- En l’espace de quelques minutes, par cette grâce, j’étais devenu plus fort que tout le mal qu'on m’avait fait. Je pouvais enfin choisir ma vie. Choisir d’aimer, ce dont j'étais jusqu’alors incapable. J'étais devenu fils, j’étais appelé à devenir père, époux et peintre.
Dieu est bien le seul contre lequel je ne me suis jamais rebellé. Élevé dans une famille pratiquante, j'ai été porté par la foi et l’amour de mes parents. Mais, tel l’aveugle ou le paralytique, ma foi lambinait dans un coma spirituel : j’aimais mal, et je ne m’aimais pas moi-même. Au lieu de regarder les autres pour eux-mêmes, je ne cherchais en eux que le reflet de mon nombril blessé. Le mot « non » me servait d’identité, instinctivement. Suivant l’exemple de mes parents, je m’étais toutefois engagé dans le mariage avec Florence. Mais au fond de moi, je restais prisonnier d’une forme d'enfer intérieur. J’ai même arrêté un temps le dessin, ma passion, tellement ce qui sortait de moi était violent. C'est au fil des années de mariage, puis de paternité, tandis que je m’enfonçais toujours plus dans mes contradictions, devenues insupportables pour Florence et pour moi, que j’en ai pris conscience : je ne pouvais plus faire abstraction de mon histoire souterraine. Peu à peu, j’ai ainsi remonté le fil de mes origines jusqu’à cet « abandon », mot que mes parents n’avaient jamais prononcé, sans doute pour me protéger. Malgré tout leur amour, j’étais en guerre, contre moi-même, les autres et le monde en général.
Grâce à la conversion du regard que j’ai reçue il y a dix ans, il m'est devenu possible de contempler et d'envisager dans la paix et la bienveillance. Ce regard a aussi transformé ma vie de peintre : c’est à partir de ce moment-là que j’ai pu voir chez les autres artistes ce que j’aimais chez eux. Mes maîtres spirituels sont ces peintres qui, partant de grandes ou petites choses observées, ont donné à voir l’insaisissable : une réalité habitée par la Grâce. Ceux qui ont su relativiser le temps du monde, par les symboles de la permanence et de l’infini, prêtant à la méditation. Et qui ont dévoilé la Présence habitant leur vie, avec justesse et tendresse.
Mes toiles, jusqu’alors grinçantes et hurlantes de désespoir, n’ont plus désormais qu’un seul objectif : montrer le réel augmenté du spirituel, se matérialisant dans le surgissement de la lumière. Telle est ma vocation, confirmée dans mon atelier et fondée sur l’intuition que la vision qui m’a émerveillé, dépassé, est le trésor vivant sur lequel je peux bâtir mon œuvre. Depuis, il n'y a plus aucun sujet pour moi, sans cette lumière, aimante et invisible, présente dans notre bas monde, qu'elle se reflète dans un verre d'eau, un paysage ou au travers d'une scène humaine. Une lumière douce et bienveillante, silencieuse, épousant la réalité charnelle. Elle n’aveugle pas, elle n'anéantit pas, elle révèle. Mon rôle n’est pas de mettre en scène, mais de témoigner, dans une société où l’art contemporain est trop souvent régi par une négation du réel. Témoigner de cette sacralité vivante et incarnée.
Comment discerner la part de spiritualité dans son surgissement ?
Il s'agit de montrer ce qui est. À chaque fois, cette lumière, qui m'est totalement étrangère, me surprend, m’interpelle, me décentre. Quelque chose est en train de se passer. C'est une manière d’illuminer le monde. Un sentiment d'émerveillement. J’essaie pour cela d’inscrire mon regard non pas dans un processus rationnel ou idéologique, mais sensitif. Dieu nous a créés avec des sens pour que nous Le reconnaissions avec nos sens. Et même s’il m’arrive de ne plus y croire, l’évidence du moment m'enseigne, a posteriori, que son Esprit était là. Parfois je lui tourne le dos, mais je ne Lui lâche plus la main.