Comment expliquer à ceux qui ne l'ont pas vécu que le Chemin a pour effet sinon pour vertu de faire oublier les raisons qui ont amené à s'y engager ? À la confusion et à la multitude des pensées qui ont poussé à prendre la route, il substitue la simple évidence de la marche. On est parti, voila tout. C'est de cette manière qu'il règle le problème du pourquoi : par l'oubli. On ne sait plus ce qu'il y avait avant. Comme ces découvertes qui détruisent tout ce qui les a précédées, le pèlerinage de Compostelle, tyrannique, totalitaire fait disparaître les réflexions qui ont conduit à l'entreprendre.
On aperçoit déjà ce qui fait la nature profonde du Chemin. Il n'est pas débonnaire comme le croient ceux qui ne se sont pas livrés à lui. Il est une force. Il s'impose, il vous saisit, vous violente et vous façonne. Il ne vous donne pas la parole mais vous fait taire. La plupart des pèlerins sont d'ailleurs convaincus qu'ils n'ont rien décidé par eux-mêmes mais que les choses « se sont imposées à eux». Ils n'ont pas pris le Chemin, le Chemin les a pris.
De tels propos, j'en ai conscience. rendent suspect aux yeux de ceux qui n'ont pas connu cette expérience. Moi-même, avant de partir, j'aurais haussé les épaules en entendant ce genre de déclarations. Elles sentent la secte à plein nez. Elles révoltent la raison. Pourtant, très vite, j'ai constaté leur justesse. Chaque fois qu'il s'est agi de prendre une décision, j'ai senti le Chemin agir puissamment en moi et me convaincre, pour ne pas dire me vaincre. (Source : La Vie )
Une fois que l'on a fait un certain nombre de jours de marche, on est invité à abandonner ses désirs, ses idées reçues – c'est pourquoi j'écris dans mon livre que Compostelle est un pèlerinage bouddhiste. À ce stade, notre terreau intérieur est prêt à accueillir un itinéraire spirituel, quel qu'il soit. Pour les dernières étapes, ma femme m'a rejoint. J'ai donc dû redescendre sur terre. J'étais complètement décalé par rapport à elle, et c'est alors que j'ai mesuré le chemin parcouru. Cette phase a amorcé mon retour vers les autres.
Parvenu au terme du voyage, je me suis dit que je n'étais pas arrivé ; j'ai compris que le but n'était pas matériel. Au retour, j'ai réfléchi à ce que le chemin m'avait apporté. Comme la nécessité de se libérer du superflu, ce que j'appelle la « philosophie de la mochila ». Dans mon chalet, j'ai élagué beaucoup de reliques du passé qui encombraient mon présent. Ce nettoyage m'a amené à m'interroger sur ce qui était important pour moi. Et j'ai compris que les fonctions officielles que j'avais occupées n'étaient pas essentielles. J'ai décidé de me consacrer à l'écriture, une activité qui me remplit de bonheur. (Source : Le Pélerin )
Médecin, écrivain et diplomate élu à l'Académie française, Jean-Christophe Rufin est parti le 26 mai 2011 d'Hendaye, il est arrivé à Compostelle le 28 juin, au terme de 850 km de marche sur le Camino del Norte. Une aventure qu'il relate dans un livre.
On aperçoit déjà ce qui fait la nature profonde du Chemin. Il n'est pas débonnaire comme le croient ceux qui ne se sont pas livrés à lui. Il est une force. Il s'impose, il vous saisit, vous violente et vous façonne. Il ne vous donne pas la parole mais vous fait taire. La plupart des pèlerins sont d'ailleurs convaincus qu'ils n'ont rien décidé par eux-mêmes mais que les choses « se sont imposées à eux». Ils n'ont pas pris le Chemin, le Chemin les a pris.
De tels propos, j'en ai conscience. rendent suspect aux yeux de ceux qui n'ont pas connu cette expérience. Moi-même, avant de partir, j'aurais haussé les épaules en entendant ce genre de déclarations. Elles sentent la secte à plein nez. Elles révoltent la raison. Pourtant, très vite, j'ai constaté leur justesse. Chaque fois qu'il s'est agi de prendre une décision, j'ai senti le Chemin agir puissamment en moi et me convaincre, pour ne pas dire me vaincre. (Source : La Vie )
Une fois que l'on a fait un certain nombre de jours de marche, on est invité à abandonner ses désirs, ses idées reçues – c'est pourquoi j'écris dans mon livre que Compostelle est un pèlerinage bouddhiste. À ce stade, notre terreau intérieur est prêt à accueillir un itinéraire spirituel, quel qu'il soit. Pour les dernières étapes, ma femme m'a rejoint. J'ai donc dû redescendre sur terre. J'étais complètement décalé par rapport à elle, et c'est alors que j'ai mesuré le chemin parcouru. Cette phase a amorcé mon retour vers les autres.
Parvenu au terme du voyage, je me suis dit que je n'étais pas arrivé ; j'ai compris que le but n'était pas matériel. Au retour, j'ai réfléchi à ce que le chemin m'avait apporté. Comme la nécessité de se libérer du superflu, ce que j'appelle la « philosophie de la mochila ». Dans mon chalet, j'ai élagué beaucoup de reliques du passé qui encombraient mon présent. Ce nettoyage m'a amené à m'interroger sur ce qui était important pour moi. Et j'ai compris que les fonctions officielles que j'avais occupées n'étaient pas essentielles. J'ai décidé de me consacrer à l'écriture, une activité qui me remplit de bonheur. (Source : Le Pélerin )
Médecin, écrivain et diplomate élu à l'Académie française, Jean-Christophe Rufin est parti le 26 mai 2011 d'Hendaye, il est arrivé à Compostelle le 28 juin, au terme de 850 km de marche sur le Camino del Norte. Une aventure qu'il relate dans un livre.